Histoire :

Shanleigh est née à Galway, en Irlande, dans une famille recomposée. Son père et sa mère se sont rencontrés alors que le père était en service, travaillant dans la police. La mère, elle, était à l'époque une peintre aux moyens très limités qui gagnait sa vie en exposant et vendant ses oeuvres à-même les rues de Galway. Tantôt posée sur une place, tantôt autour d'une fontaine ou devant un pub, elle n'avait pas le permis de faire ça mais s'estimait heureuse de n'avoir encore jamais été prise sur le fait. Jusqu'à ce jour de Janvier, où la bise océanique soufflait, faisant voleter ses feuilles épaisses accrochées sur ses pinces à linge. Celui qui allait devenir son mari, passant en patrouille, a remarqué la beauté de ses toiles et, après avoir sommé son collègue de se garer non loin, il est allé voir la jeune peintre pour échanger un café bien chaud contre son silence sur ses activités illégales. Elle a accepté, et de leur union quelques années plus tard est née Shanleigh.
Son enfance a été rythmée par la visite, une semaine sur deux, des deux enfants de son père qui sont nés de son précédent mariage. Une fille et un garçon. Ils n'étaient pas spécialement heureux du remariage de leur père, ni de devoir le partager avec sa nouvelle enfant, la petite tête blonde toujours trop sage. Âgés respectivement de six et trois ans de plus qu'elle, ils n'hésitaient pas à la martyriser (gentiment) pour lui faire comprendre qu'elle n'était que le dernier rejeton de son père, et certainement pas celle qu'il préférait. Ce qui était évidemment faux, mais Shanleigh, encore dans l'innocence de la petite enfance, y a cru dur comme fer pendant de nombreuses années.
Lorsque sa demi-soeur a été en âge de prendre son indépendance, elle a enfin pu respirer, ne devant plus supporter que son demi-frère qui était un poil plus gentil que son aînée. Shanleigh avait alors 13 ans, et c'est au même moment que sa mère a décidé de lui offrir son premier appareil photo pour son anniversaire. Il s'agissait d'un polaroïd qu'elle avait déniché aux puces, pensant que cela changerait Shan de la peinture qu'elle pratiquait en sa compagnie depuis qu'elle était en âge de tenir un crayon. Il lui arrivait d'ailleurs de demander à sa mère de pouvoir exposer un ou deux dessins dans la galerie qu'elle avait décidé de racheter après son mariage.
Shan n'avait jamais pensé à s'intéresser à autre chose qu'à la peinture, estimant devoir reprendre la galerie lorsque sa mère serait trop âgée pour s'en occuper. Cela lui allait parfaitement, il s'agissait pour elle d'un travail tout trouvé, où elle n'aurait pas à rester bêtement derrière un bureau. Elle pourrait continuer à créer, à s'exposer si elle le souhaitait...
Le seul bémol était de devoir converser avec d'autres artistes pour pouvoir les convaincre ou leur proposer d'exposer dans la galerie. Il s'agissait là d'une chose plutôt difficile pour la timide et renfermer Shanleigh. Si renfermée que ses parents se désolaient de la voir si seule. Alors que son demi-frère ramenait souvent sa copine du moment à la maison, Shan restait désespérément seule, sans aucun signe d'un garçon à l'horizon. Sa mère essayait tant bien que mal de la convaincre de lâcher un peu la bride sur ses passions artistiques et se concentrer un peu plus sur les sorties avec ses copains de classe ou du quartier, mais rien n'y faisait. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque Shan lui annonça qu'elle n'était pas spécialement attirée par les garçons, et qu'elle aimait également la beauté des filles. Son père, lui, ne s'en préoccupait pas vraiment, sa carrière lui prenant énormément de temps.
La photographie aida Shanleigh à se sortir d'une solitude qui finissait par la rendre morose lorsqu'elle rentrait chez elle. Elle s'entraîna d'abord avec son polaroïd sur sa famille, à la galerie - proposant aux artistes de les photographier avec leurs oeuvres -, sur elle-même... Elle finit même par proposer à quelques uns de ses camarades de classe de se faire prendre en photo lors des sorties d'école, en groupe ou seuls. Cela lui permit de s'ouvrir un peu plus au monde, tout en l'exposant à une passion qu'elle n'avait jamais pensé vouloir découvrir. Deux ans plus tard, elle demanda à ce qu'on lui achète un appareil photo plus évolué, ce que ses parents firent sans hésiter, estimant qu'avec ses bons résultats et sa politesse, elle le méritait amplement. Shan s'éprit donc pour les portraits et la photo de paysages. Elle allait traîner avec quelques amis sur les falaises non loin de Galway, et les prenait inlassablement en photo. Cette passion lui occupa tellement l'esprit qu'elle se rendit compte, au bord de la majorité, qu'elle n'avait pas pensé une seule seconde à l'amour durant toutes ces années. Elle avait été attirée par quelques filles et quelques garçons, mais sans jamais chercher à leur déclarer sa flamme ou à leur montrer un quelconque signe d'attirance. Elle pensait fort ne pas intéresser les garçons, et passer pour quelqu'un de bizarre auprès des filles à qui elle pourrait avouer ses sentiments. Tout se passa donc sous silence, sans qu'elle se plaigne jamais de cette situation, malgré les photos de couples d'amis qu'elle était parfois amenée à réaliser, malgré les films romantiques qu'elle aimait regarder, malgré les livres à l'eau de rose qu'elle aimait lire.
Au sortir du secondaire, Shanleigh aida une de ses amies à poser sa candidature pour l'université du Texas. Subjuguée par cette aventurière qui désirait s'envoler loin de sa famille pour continuer ses études d'économie, elle décida alors de suivre son parcours. Elle se renseigna sur cette université et conversa longuement avec ses parents pour la convaincre que la photographie était un métier fait pour elle, et que s'éloigner du domicile familial ne lui ferait que du bien. Son père tenta de la raisonner pour qu'elle préfère Dublin à Austin, mais sa mère l'encouragea à s'en aller loin et à prendre son envol. Avec quelques regrets, elle rassura ses parents en leur assurant qu'elle devrait de toute façon attendre une année supplémentaire, les inscriptions étant passées depuis longtemps. Elle profita donc de cette année sans études pour trouver un emploi dans une librairie, tout en continuant à pratiquer la photographie, se faisant payer pour ses portraits. Cela ne la dérangeait pas le moins du monde de gagner des clopinettes pour ses photos, si elle avait décidé d'en faire son métier elle n'en était encore pour le moins pas professionnelle et estimait qu'elle arnaquerait les gens en leur exigeant le même tarif que les photographes professionnels auprès desquels elle s'était renseignée. L'un d'eux la prit comme apprentie pendant quelques mois, dans son studio. Il lui enseigna l'utilisation des lumières, la manière adéquate de retoucher les photos selon le rendu que l'on cherche, la gestion de la lumière et des modèles en extérieur, la photo de paysage... Elle apprit plus auprès de lui qu'elle n'en avait appris de façon autodidacte durant ses six années de pratique.
C'est à ses vingt ans qu'elle put enfin partir pour Austin, après avoir été acceptée sans souci aucun pour le programme photographie de l'université. Ses économies lui permirent de payer son passeport, ainsi que quelques nuits à l'hôtel en attendant de trouver un appartement non loin de l'université. Ses parents, après moult recommandations, la conduisirent à l'aéroport pour le grand départ. Shan faisait bonne figure devant eux, mais en réalité elle se liquéfiait intérieurement. Et si elle se faisait attaquer ? Et si elle tombait malade aux Etats-Unis ? Et si son visa n'était pas renouvelé ? Allait-elle revenir en Irlande à la fin de ses études ou préférerait-elle parcourir d'autres états, voire le monde entier à la recherche des plus beaux paysages ? N'allait-elle pas avoir du mal à se faire des amis avec son accent irlandais ? Tant de questions qui la perturbaient, et qu'elle parvint à cacher derrière son grand sourire et ses yeux pétillants, au moment de passer la porte d'embarquement, le visage tourné vers ses parents agitant la main.
Aujourd'hui, cela fait quasiment un an qu'elle a réussi à trouver un appartement dans le quartier artistique d'Austin. Elle s'est fait quelques amis, avec qui elle aime à sortir. Toujours pas l'ombre d'un flirt ou d'un amour, mais elle se garde bien de parler de sa virginité afin de ne pas passer pour une sainte, pensant que les gens ne comprendront de toute manière pas son éternel amour pour la solitude et sa timidité excessive. Ses études se passent au mieux, et elle parvient à se maintenir à flots grâce à la fois à ses petits jobs photo par-ci par-là et par le job de serveuse qu'elle a trouvé dans le pub irlandais du coin. Son air de "famille" qui l'a faite engager, sans doute...