En me baladant un jour, jouissant de ma nouvelle liberté et de mon nouveau moi et ses règles de vie, je suis tombé sur une annonce. Un nouveau café allait ouvrir à Austin et cherchait des serveurs pour l’ouverture. Je n’ai aucune expérience dans ce domaine. J’avais envie de faire de nouvelles choses, de relancer ma vie, de tout recommencer et loin du domaine de la psychologie. Au vu des récents évènements, j’avais besoin d’un break, de changement. Du coup, sur un coup de tête, j’ai postulé. De toute façon, je n’avais rien à faire et un petit job sans prise de tête allait mettre du beurre dans les épinards. Le côté littéraire du bar me plaisait bien, je sentais qu’on était loin de l’ambiance festive des bars habituels. Je voulais un job posé et chill, il correspondait aux critères, à moi maintenant de montrer au patron que je pouvais être un bon élément.

Je toque à la porte vitrée à 20h00, l’heure à laquelle j’avais été convié pour passer l’entretien. Je n’étais pas stressé et je n’avais pas accordé une attention particulière à ma tenue. Je ne postulais pas pour un hôpital, ce job avait l’air cool, j’avais donc adapté ma tenue en conséquence : Un simple pantalon en lin clair et une chemise blanche avec des cactus. Un clin d’œil au nom de l’établissement. Oui, moi, ça me fait rire. Une demoiselle aux cheveux blonds vient m’ouvrir et je lui adresse à sourire radieux. « Bonjour ! Je suis Leevi Valentine » je tends la main vers mon interlocutrice « Je viens pour l’entretien » Je la suis et nous nous installons à une table. Je regarde les lieux, j’observe chaque parcelle de décoration « La déco est vraiment top ! » Je suis sincère. On s’y sent bien dans ce café. Tout est épuré mais décoré avec soin et avec goût. Enfin des gens qui savent différencier le beau du kitsh dans cette ville !

La jolie blonde à l’air très sympathique et je constate qu’elle semble apprécier mon humour vestimentaire. Elle semble relax tout comme la déco de son établissement que j’observe. Chaque recoin est décoré avec soin et je me permets de lui dire que je trouve ça vraiment à mon goût. La décoration en dit long sur la personnalité des gens et je sentais qu’entre elle et moi cela pouvait coller sur le plan professionnel. N’allez pas croire que je ne la trouve pas attirante ! Bien au contraire mais je ne mélange pas vie professionnelle et vie privée. Néanmoins, si je ne conviens pas pour le poste, il n’est pas sans risque que je revienne discuter avec elle lorsque le café sera ouvert pour tenter une petite approche. « Avec plaisir » dis-je en souriant lorsqu’elle me remercie de mon compliment. Elle me propose à boire. Je ne pense pas que ça soit une question piège. Je remarque immédiatement qu’elle me tutoie, j’apprécie. Elle n’a pas l’air coincée et prise de tête cette nana, elle me plaisait de plus en plus. Néanmoins, je ne me permets pas d’être aussi familier qu’elle. « Je vais vous prendre un thé au vert au jasmin » Et puis j’ajoute « Pas de problème, vous pouvez me tutoyer sans soucis. » Je laisse un temps « Vous m’autorisez à vous tutoyer du coup ? » Question de pure rhétorique, j’avais compris le message mais je voulais être certain de ne pas faire de bourde. J’avais envie de changer de vie, de me découvrir de nouvelles compétence, chambouler mes habitudes de psychologue trop sérieux.  Elle revient rapidement avec nos boissons et je lui tends mon Cv que j’avais glissé dans mon sac à dos en cuir noir «  Le voici ».  J’écoute attentivement ce qu’elle dit, l’entretien commence. La littérature russe ? Je n’y connais pas grand-chose. « Calme, je ne me définirais pas comme tel… » Commençais-je. Autant être honnête « Je suis plutôt bavard et sociable, du coup, je n’aime pas trop rester sans rien faire… mais ça dépend de votre définition… » J’enchaîne en souriant « Malheureusement, je ne connais pas vraiment la littérature Russe à par Anton Chekhov et les psychanalystes Russes… Mais je reste curieux et ouvert ! Je suis surtout aussi pour sortir de mes habitudes, j’ai envie de découvrir un autre univers. »

Je ne me sens pas du tout stressé pour cet entretien. Peut-être parce que j’ai décidé d’arrêter de me prendre la tête ? Aucune idée mais en réalité, ça me fait du bien. Je me sens léger comme si tout pouvais m’arriver, comme si j’étais indestructible. Cette sensation est agréable elle me fait me sentir vivant. Nous discutons autour d’une tasse de thé en nous tutoyant. Nous sommes déjà très à l’aise l’un avec l’autre, et nous nous permettons des familiarités. Je joue la carte de l’honnête avec elle, je ne mens pas. Non madame, je ne suis pas calme, non madame, la littérature Russe, ce n’est pas la première place sur ma table de chevet. D’habitude, j’aurais menti. Sans doute pas sur la littérature mais j’aurais donné une autre image de moi. Là je suis moi, détaché, à l’aise et souriant. Zen. Et puis, même si je ne convenais pas, qu’avais-je à perdre ? « On se ressemble sur ce point » Je souris en l’entendant décrire sa ‘’calmattitude’’. Je passe mes bras derrière la tête et je réfléchis à la meilleure manière de lui dire les choses. Je pense que lui balancer que y’a deux semaines, j’ai voulu me jeter d’un pont, ça n’allait sans doute pas favoriser les commodités de notre conversation. « Une envie de changer de vie. Une remise en question. J’sais pas, je me sentais plus très bien dans mon ancien Job, j’ai eu envie de changer radicalement ». Je glisse une main dans mes cheveux, courts « En commençant par ma coupe de cheveux » dis-je en rigolant. Adieu mes 20 centimètres de charme et de séduction.

J’acquiesce lorsqu’elle me propose de visiter le café. Je la suis les mains dans le dos. Cet endroit est vraiment bien foutu. Tout y est agencé à la perfection. Elle me montre les cuisines et m’explique comment elle voit les choses, ce qu’il faut servir aux clients et tout ça. Trop d’informations, je suis perdu. Elle va trop vite pour moi. Elle disparait derrière le comptoir et me montre la boite à idées. J’adore cette manière de voir les choses. Cette meuf là, elle a l’air très positive. Ça fait du bien de croiser des gens comme elle. « Je trouve ça génial comme idée ! Les méchants n’auront qu’à bien se tenir ! » Je ris avec elle. Et puis, je pense à Batman. Puis à Mon CowBoy. Matteo. Je ne l’avais plus croisé depuis cette soirée difficile. J’espère qu’il allait bien. Nous n’avions pas échangés nos numéros, rien de tout ça. On avait disparu de la vie de l’un de l’autre mais, il y’avait un bon feeling entre nous et je regrette presque de ne pas avoir pris ses coordonnées. « Ca serait cool qu’à côté de ce mur de la honte, il y ai un tableau noir où les gens pourraient écrire leur impressions ici ? Pour contrer le côté négatif du mur. En fait, l’Homme retient en général que les choses négatives, du coup, si tu laisses ça en évidence, Inconsciemment, les gens vont se rattacher à ses avis et ça va foutre ton entreprise à l’eau… » Okay, la psychologie me poursuit. Faut toujours que je ramène tout à l’humain, c’est dingue. Je secoue la main « Désolé, ce ne sont pas mes affaires… Tu fais comme tu le sens. »

Plus nous passons du temps à discuter, plus je la trouve vraiment sympathique cette fille. Son optimisme est contagieux et bien que d’habitude ça soit moi qui donne des conseils, que je ne suis pas capable d’appliquer moi-même, j’écoute attentivement sa façon de voir les choses. Elle a raison la blonde : faut vivre l’instant présent et faire table rase du passé. Y’a des rencontres positives, celle qui te donnent envie d’avancer et je ne regrettais absolument pas d’avoir postulé. Cette fille c’est un vrai rayon de soleil et j’avais envie de la connaître plus, qu’elle devienne une amie. Les gens positifs manquent cruellement dans cette ville et ça fait du bien de voir qu’elle n’est pas désertée de ce type de personnes. « Tu as tout à fait raison ! C’est bien mon intention même si j’y vais à tâtons. Ouais, j’espère bien que mes cheveux vont repousser ! Je ne les ai jamais eu aussi courts. Mes cheveux, c’était mon arme de séduction, tu sais ? » Dis-je en me marrant à mon tour. Néanmoins, même si cela représentait un énorme changement pour moi, j’ai fini par m’y habituer.

Nous visitons le café, et je tombe sous le charme de l’endroit. Elle avait fait un putain de travail et j’admirais ça. Enfin un endroit cosy pour se poser tranquillement à boire des cafés et papoter. Elle me montre son mur de la honte et je trouve l’idée tellement géniale que je ne peux m’empêcher de faire une remarque. « Bien, chef ! » dis-je en souriant. J’arme ma main d’un crayon et l’inscrit sur un bout de carton beige que je glisse ensuite dans la boite. « Et voilà, elle est baptisée ! » Dis-je en tapotant dessus. Elle me communique son énergie positive et je me sens plus léger, comme si tous mes tracas étaient balayés dans un coin. « Oui Ma petite dame ! » pouffais-je en la suivant. Nous montons les escaliers pour aller à l’étage et mes yeux brillent instantanément lorsque je découvre ce lieu. « Waw. » finis-je par dire. « C’est une idée excellente. Les étudiants vont apprécier j’en suis sûr ! » je réfléchis un instant « Oui, peut-être... Pourquoi ne pas proposer aux étudiants une réduction de 20% ? Ca les pousserait à venir étudier ici ! Je suis sûr que ça marcherait du tonnerre ! J’ai été prof à l’université l’année dernière, et je t’assure que la bibliothèque n’é rien à envier à cet endroit ! Je suis un peu jaloux de ne plus être aux études pour pouvoir étudier ici !»

Elle a un rire communicatif, Esvir, du coup, j’éclate de rire à mon tour. On s’entend bien et je pense que ça joue en ma faveur. On est assez sociables tous les deux, si elle m’engage, ça promet un duo d’enfer ! « Ça me rassure ! Et c’est avec plaisir que je fidéliserais ta clientèle par ma présence ! » Je me remets à rire. « Faut bien que je trouve un avantage à avoir une beulle gueule et si c’est pour faire fleurir ton commerce, je ne dis pas non ! Mais oublie moi pour les suppléments, si tu vois ce que je veux dire » Je lui souris, autant être clair : si je suis engagé, je ne fricoterais pas avec les clients. Je resterais professionnel.

Je glisse mon idée dans la boite en carton avant de grimper à l’étage. Je crois que c’est ma pièce préférée. Les autres endroits du café envoyaient déjà du lourd, mais il y avait tant de poésie et de finesse dans cet endroit que je pourrais planter ma tente ici et y passer le reste de ma vie. « Je crois que je vais t’engager comme décoratrice d’intérieur lorsque j’aurais mon chez moi.. » Je suis soufflé. C’est vraiment trop trop trop beau. Je lui parle alors de mon idée de faire des réductions pour les étudiants, évidemment, elle y avait déjà pensé. Mais au moins, nous sommes sur la même longueur d’ondes, c’est encore un point en plus pour moi. « Oui, le bouche à oreille, c’est ce qui fonctionne le plus, c’est clair ! Ton amie saura très bien vendre ton projet, j’en suis sûr ! » Je la connaissais pas sa copine, mais si elle s’entendait avec Esvir, c’est qu’elle devait être une agréable personne. Je suis même déçu de ne plus être étudiant mais elle me rassure. Elle y fera des soirées, ça, ça me parle. « Bien ça marche ! » . Nous nous asseyons autour d’une des tables, je sens que l’entretien touche à sa fin. Cela fait déjà presqu’une heure que nous discutons. Elle me tourne le dos avec le fauteuil. Elle se la joue dramatique, ça me fait rire mais je préfère garder un sourire que de rire aux éclats. Elle se retourne, son rire déclenche le mien et elle m’annonce que j’ai le job. Elle me veut dans sa team. Parfait ! Une bonne chose de faite ! Mes changements de vie commencent à prendre forme et je m’en sens soulagé et heureux. « Merci ! Oui, je pense que nous nous entendrons parfaitement bien ! Je n’ai aucun doute là-dessus en réalité ! » J’avais hâte de commencer et de lui acheter un autre cactus pour l’ajouter à sa superbe collection.