La fleur qui s'épanouit...

Gary est parti, et je suis triste. Je traînais en pantoufle dans mon appartement, en short trop grand pour moi, et t shirt. Je ne me suis pas encore coiffée ou lavée. Ce matin ,j'ai juste pas envie. Pourtant, je suis heureuse dans ma vie, surtout que maintenant, je vis ma petite histoire d'amour avec Dale. Mais voilà, ce matin, ça me fait encore plus vide que lorsqu'il est parti. Des soucis familiaux, fallait qu'il rentre en France.

J'avais une nouvelle colocataire qui devait arriver, mais une partie de moi refusait qu'elle vienne. Pourtant, c'était pas de sa faute à elle. Un CD de Disney traîne sur la commode... Son fils l'avait oublié, distrait comme il était. Lui aussi me manquerait le petit bout.

Je me prends un cappucino en le passant sur ma chaîne. C'était une bande originale, de Mulan... Mulan, cette guerrière battante! Un exemple pour quand on n'a plus la foi. Je sais pas si c'est la voix de Stevie Wonder ou l'énergie qu'il dégage en chantant, mais ça me remet du baume au cœur et m'électrise.


"...You must be true to your heart..."

Je me mets à chanter, naturellement. Je ne sais pas si ce sont les tours de chant avec Dale qui me font ça, mais cela devient de plus en plus fréquent, même si je le faisais déjà avant. Puis je commence à danser, et à me sentir bien mieux... Si j'étais fidèle à mon cœur, comme le disait la chanson, je devais me mettre une gifle mentale. J'étais pas du genre à me laisser abattre moi.

Si j'étais fidèle à mon cœur... Et bah, la décision était prise. J'allais me remuer le cul ! La véritable Morrigan allait accueillir à bras ouverts et comme il se doit sa future colocatrice ! Je me renforçais avec cette idée en me frappant du poing sur la tête, comme si cela pouvait me faire rentrer un peu plus de plomb dedans.

Et même je ne la connaissais pas encore cette demoiselle pour trouver ce qui lui plairait et que je ne savais pas quoi lui prendre, et si même si j'ignore que certaines odeurs parfumées pouvaient faire plus de mal que de bien à une femme enceinte en leur étant incommodantes, je me promettais de lui offrir un joli bouquet.

Je me ruais dans la salle de bain, sans prendre le temps de finir mon breuvage, et une fois habillée correctement, je fis les dernières vérifications d'usage, et mettais mon casque sur mon crâne, enclenchant ma playlist de Disney. Cela m'avait bien réussi jusque-là, et aujourd'hui, je n'avais pas envie d'écouter du Queen. Je fermais ma porte à clés en répétant l'opération autant qu'il le fallait pour satisfaire aux exigences de certains de mes tocs, tout en me félicitant de constater qu'ils s'estompaient quand je pensais à Dale.

J'avais déjà fait pas mal de fleuristes en ville, mais je n'étais jamais passée encore dans celle dans laquelle je rentrais. Je ne savais même pas si elle venait d'ouvrir ou bien si elle avait été mise à disposition depuis longtemps. Je sais juste qu'un arrivage de fleurs dans la devanture avait attiré mon attention. Je n'étais pas encore fixée sur mon choix et j'avais besoin de conseils. Je retirais mon casque dés que je franchissais le pas de la porte, en prononçant un bonjour enjoué. Je n'avais probablement pas été entendue, ou bien le propriétaire n'avait pas entendu mon arrivée. Cela peut arriver, alors j'attends patiemment en examinant les différentes variétés de plantes qui sont espacées autour de moi. Je me sens bien dans ce lieu, et je revâsse un petit moment. Si bien que quand j'entends quelqu'un entonner, '"Il en faut, peu pour être heureux", je me mets à prendre la suite, sans réfléchir, croyant avoir encore mon baladeur en marche et mon casque vissé sur la tête:

-Vraiment très peu pour être heureux ! Il faut se satisfaire du nécessaire!!!

J'imitais assez comiquement la voix de Baloo en me dandinant comme l'ours sans me préoccuper de qui pourrait me griller pendant ce petit craquage de plombs.

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La fleur qui s'épanouit...

Je rigole quand j’entends la personne continuer de chanter après moi. Cela faisait du bien de ne pas se prendre la tête et d’entendre la bonne humeur se dégager de ses lèvres. Les gens étaient pour la plupart du temps aigris. J’étais lancée pour chanter le reste de la chanson mais c’est vrai que je ne devais pas oublier la raison première de cette venue.

Je souris à la jeune femme avec chaleur et reviens donc à mes plans initiaux :

-Bonjour… En fait, je voudrais faire un joli bouquet mais aussi décorer mon appartement avec quelques petites fleurs pour y donner un aspect festif.

Je me gratouillais la tresse nerveusement :

-Le truc c’est que j’ai pas un maxi budget, je peux mettre dans les 50 dollards mais pas plus. C’est pour accueillir ma nouvelle coloc… Mais je suis bien embêtée… Je connais pas ses goûts….Donc oui, si vous pouviez me guider... Je cherche pas forcément un truc à la mode mais un truc qui fait plaisir en général, quoi.

En toute franchise j’avais aucune idée de si elle aimait les fleurs ou pas, et ma démarche était peut-être hasardeuse mais cela m’avait semblé la meilleure chose à faire. C’est peut-être pour cela que j’exposais mon problème à la jolie fleuriste.

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La fleur qui s'épanouit...

Je commence à me dire que je n’obtiendrai rien pour ce prix mais la jeune femme a l’air d’avoir une illumination. Quand elle ajoute en prime que cela rentrerait dans mon budget autant dire que je sautillais sur place comme un Zébulon. Il s’en fallut de peu que je renverse un vase et je soupirais de soulagement en le retenant. Je suis un véritable éléphant dans un magasin de porcelaine. Je suis la jeune femme et je m’arrête juste à temps pour qu’on ne se rentre pas dedans.

Je m’émerveille devant le bouquet en question, et le mélange est si magnifique que j’en réprime une petite larme.

-Mer... Merveilleux...Je crois que c’est tout à fait ce que je recherchais… Par contre… Vous pourriez me remettre vos recommandations sur un papier, car je risque de les oublier…

Je réfléchis quelques instants aux deux options qui s’offrent à moi. Je suis d’abord tentée de prendre le plus gros bouquet, mais je dois avouer que la jeune femme a raison. Surtout que j’avais également évoqué d’autres fleurs à disséminer un peu partout dans l’appartement. Je tapote mon menton de l’index et demande finalement :

-Est-ce que vous auriez des bouquets d’alstro machinchose là blancs et roses, ou vendus à l’unité ? Et ça reviendrait à combien ?

J’avais besoin de savoir cela pour fixer mon choix :

-En tous cas j’ai flashé sur ces fleurs là… Je crois qu’un jour je m’en ferai livrer juste pour le plaisir. Je préfère d’habitude le lys, les orchidées, fleurs de tiaré, les iris ou les roses mais là… j’ai craqué…

Bon, j’avais surtout un faible pour la beauté des fleurs des champs, des coquelicots… en temps normal mais je n’allais pas étaler toutes mes préférences non plus, comme les fleurs de cerisier ou de pruniers qui n’étaient pas faites pour être ramassées, ou même le jasmin.

Je voulais surtout voir si j’avais de quoi me payer les deux, et le joli bouquet, qu’importe si c’était le plus cher ou le moins cher, et d’autres fleurs à côté. Certes je pourrais toujours conserver l’argent pour d’autres choses, mais je ne suis pas du genre pingre non plus. Et puis je voulais vraiment fêter l’arrivée de ma coloc dignement.

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La fleur qui s'épanouit...

Je faisais le compte sur mes doigts, en prenant le bouquet de 20 et un bouquet d’alstroemeria, je m’en tirais pour 30 dollars donc rentrais dans mes frais. Cela me laissait encore 20 dollars pour les guirlandes, alors cela me paraissait plutôt bien.

La demoiselle part noter ses recommandations et je rigole un peu quand elle me parle des fameuses orchidées. J’étais là pour une coloc, pas uniquement pour moi :

-Je pense que je vais me contenter du bouquet à 20 dollars et d’un bouquet de fleurs des incas alors…

En réutilisant ce terme je ne prenais pas de grand risque, je savais déjà que je n’allais pas réussir à répéter alstroemeria, donc autant nous faire gagner du temps à toutes les deux :

-Pour ce qui est de l’orchidée… Je pense que je reviendrai plus tard… C’est pas une question de budget, c’est juste que je ne suis pas très attentive et organisée, la fleur risque de faner en moins de deux, si c’est moi qui m’en occupe.

En ce qui concernait ma colocataire, je n’étais pas sûre qu’elle saurait y faire non plus, mais je ne lui aurais pas imposé l’entretien de mes fleurs en plus des siennes. Je glousse un peu, en repensant à la façon dont la jeune femme me vendait ses fleurs. Une bonne petite commerciale, certes, mais on voyait que le sujet lui tenait à cœur et qu’elle le connaissait. Je trouvais cela charmant et je savais que je pouvais me montrer aussi emportée quand quelque chose me passionne.  

-Dîtes… c’est peut-être un peu trop personnel comme question, mais vous y croyez vous, au langage des fleurs ?

Ce n’était pas pour tout de suite mais j’envisageais d’offrir des fleurs à quelqu’un d’autre. Je serais d’avis d’aller lui cueillir quelques fleurs des champs mais j’ai peur de lui envoyer le mauvais message…

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La fleur qui s'épanouit...

J’étais totalement de son avis. Je n’avais pas envie de voir les fleurs dépérir. Je trouvais ça joli, cela faisait parti de la nature. Bon, c’est sûr qu’elles se trouveraient probablement mieux dans leur lieu d’origine plutôt que d’être cueillies mais mon côté écolo n’allait pas non plus jusqu’à militer pour le fond de libération des marguerites et des tournesols. J’aimais bien un joli bouquet dans une pièce, les jardins, les parcs, les places publiques fleuris, les jardinières suspendues aux balcons des appartements, et la vue d’une jolie fleur offerte de bon cœur.

Alors pour le coup sa réponse à ma question me prend un peu au dépourvu. On ne parlait pas de la même chose mais je respectais son ressenti sur la vie des fleurs et des plantes.

-C’est une jolie façon de penser… En fait, je parlais surtout de la signification que ça prend pour une personne d’offrir telle ou telle fleur… Parce que je pense revenir plus tard pour une autre occasion.

Je fixe le bouquet qu’elle vient de terminer, et souris toute fière de mon acquisition. Je sors mon porte monnaie et lui donne son dû en billets. Elle n’aurait pas à me rendre de monnaie. Elle a l’air vraiment passionnée par ce qu’elle fait cette femme, et je ne suis pas surprise qu’elle ait pu gagner des prix, même si je ne sais pas trop pourquoi elle m’en parle. C’est bien plus personnel que le reste de ce qu’on se disait et je mets ça sous le compte du feeling. J’en suis flattée, ma présence lui apportait probablement autant de bonne humeur que son contact m’en prodiguait. Et puis y’a aucun mal à donner ce genre de détails à une inconnue en même temps, ce n’est pas secret défense :

-Et bien… Vous devriez peut-être vous lancer de nouveau dans la compétition, non ? Même si je me doute que vous ne devez plus rien avoir à prouver, je me dis que ça peut-être une bonne façon d’émuler votre créativité. Et puis je pense… Pardonnez-moi si mon avis est très personnel et n’engage que moi mais… Je pense, que ça permet aussi de continuer à apprendre et de se perfectionner encore plus…  

Je fais un petit demi-sourire en coin :

-J’ai une idée… Si vous vous lanciez, est-ce que ça vous dirait que je vous donne un coup de pouce ? Comme un commis en cuisine ? Sauf que là ça serait en temps qu’aide fleuriste. Juste le temps de la compétition. Et je n’attends rien en retour, si ce n’est de m’amuser en apprenant. Je suis très touche à tout…

Je lui laisse le temps de digérer l’idée. Même si elle ne la tentait pas, au moins, elle peut toujours germer dans sa tête. Personnellement, qu’elle accepte ou non, je n’aurais rien à y perdre.

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La fleur qui s'épanouit...

Plus je l’écoute sur le langage des fleurs, et plus je me dis que c’est cool en un sens, de pouvoir faire passer un sentiment caché avec des fleurs, mais, avec le risque que l’autre ne connaisse pas la signification qu’il y a derrière. Et donc l’effet tombe à l’eau ? Ce n’est pas si grave, et je tâcherai d’y songer, mais je préfèrerais déclarer ma flemme avec un geste d’amour au final et quelque chose qui fait sens pour la personne que j’aime. Je lui offrirais probablement une fleur, pour le geste, et je lui chanterai une chanson, pour le sens. Je me sens toute fière d’avoir eu cette idée, même si elle peut paraître simple. En attendant, elle vient du cœur.

Pour ce qui est de la carte, je réponds que non, il n’y a pas spécialement besoin de cela. Je préfère dire à mon futur coloc que je suis ravie qu’il soit là. Un message sur une carte cela reste très personnel et comme je ne connaissais pas mon coloc, cela me paraissait peu nécessaire.

On en revient à ma proposition alors que j’attrape fièrement le bouquet en le dévorant des yeux. Il est vraiment idéal. J’espérais ne pas casser de tige en repartant ou que les fleurs ne s’abîment, alors j’étais pressée de repartir avec mon acquisition. Je suis contente que la femme garde mon idée sous le coude, et pour ce faire, si jamais l’envie lui venait, alors je lui note mon numéro sur un petit papier et le lui donne. Si jamais ça lui dit, elle saura du coup comment me le faire savoir. Je la salue poliment et la remercie. En attendant, j’avais la certitude de repasser de temps à autres et de faire un saut ici quand j’en aurais besoin. Je suis conquise par cette boutique. Je repars le casque sur les oreilles, en sifflotant « il en faut peu pour être heureux », et fais de mon mieux pour conserver le bouquet intact jusqu’à mon arrivée à l’appartement.

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