Mens sana in corpore sano.
Un esprit saint dans un corps sain.

Ça, c'est pour la théorie. En pratique, Tristan se retrouve au complexe sportif de l'université en jogging, complètement à bout de souffle après avoir couru la folle distance de 300 mètres. Même pas un tour de terrain complet. C'est la honte intersidérale, surtout avec la quinzaine de mecs qui courent dans tous les sens comme des dératés pendant leur entraînement de foot.

Il se demande quels organes vont le lâcher en premier (le cœur? les poumons?) lorsqu'il entend quelqu'un dans... les buissons? Un étudiant qui a un peu trop picolé la veille? Un pervers qui tente de prendre des photos des Apollons en shorts? "Euh... ça va la dedans?" demande-t-il un peu inquiet, se penchant pour tenter d'apercevoir ce qui se trame dans le petit bosquet à l'abris des regards indiscrets. Avant de se prendre le pied dans une racine (Tristan serait définitivement le premier à mourir dans un film d'horreur) et de basculer en avant, tombant de tout son poids sur un jeune homme qu'il est à peu près certain de ne jamais avoir croisé auparavant. "Aïe! Désolé..." Il essaye de se redresser mais il y a bien moins d'espace que ce qu'on pourrait croire, dans l'enchevêtrement de branches.

Tristan aurait pu faire attention. Rectification : il aurait dû faire attention. Mais les choses étant ce qu'elles sont, la maladresse exceptionnelle du jeune homme a suivi son cours et malgré la chance infime de se prendre le pied dans une racine pourtant visible depuis Houston, Tristan l'a fait et se retrouve affalé sur le pauvre gars qui a, de toute évidence, pas vraiment l'air ravi. "Désolé, désolé," s'excuse-t-il une nouvelle fois, terriblement gêné, en tentant par tous les moyens de se dégager et de se relever. Mais comme le fait remarquer sa victime, l'espace est très étroit et ça s'avère plus compliqué que prévu.

Tristan parvient néanmoins à se pousser sur le côté, et contorsionné comme un artiste de cirque sous une branche, il comprends désormais que son interlocuteur se porte bien et se cache pour une raison bien spécifique. Reste plus qu'à découvrir laquelle... "Je ressortirai bien mais j'ai peur que ça attire l'attention..." fait-il en essayant de se donner l'air le plus innocent possible, histoire d'inviter l'homme en face de lui à lui raconter ce qu'il fabrique planqué dans un buisson au bord du terrain de foot. On dit souvent que la curiosité est un vilain défaut, et Tristan n'est à l'évidence pas d'accord avec cette expression populaire mais il doit bien admettre que sans ce trait de caractère, il ne se serait pas retrouvé plié comme un bretzel, des brindilles plein les cheveux et une branche qui lui rentre dans les côtes. Mais vraiment... il faut qu'il sache. Que sa chute lamentable ne soit pas en vain.

Spoiler:

Le mec est plutôt désagréable et quelque peu agressif. Mais Tristan ne cesse de se répéter qu'il ne serait probablement pas des plus conciliant si quelqu'un lui tombait dessus, lui non plus. Mais le jeune homme finit par se calmer et explique même la raison de cette situation grotesque, comme Tristan l'espérait. Comme quoi, parfois, ça paye de jouer l'idiot. "Viré de la fac?" fait-il avec une expression choquée presque comique. Ça lui paraît complètement inimaginable. D'un côté, il se dit qu'il y a bien une raison pour ça, qu'on se fait pas renvoyer pour des broutilles. Mais d'un autre côté... Il a l'air complètement inoffensif et Tristan le croit sur parole quand il affirme vouloir réussir ses exams et terminer ses études. Reste que se planquer dans une buisson pour observer ses anciens camarades de classe n'est pas forcément la chose qui lui paraît la plus sensée ou logique du monde. "Oui, je comprends," dit-il solennellement même si ce n'est pas le cas. Mais un petit mensonge pour apaiser les tensions n'a jamais tué personne, bien au contraire. "Je dirais rien, t'inquiète." Un moment de silence avant qu'il ne puisse s'empêcher de demander. "Tu t'es fait virer pour quoi?" Il faut qu'il sache. Qu'il sache s'il doit complètement se désolidariser d'un sale voyou ou s'il faut qu'il créé un club de soutien pour la victime d'une terrible et injuste erreur.

Le footeux lui explique pourquoi il s'est fait renvoyé, sans rentrer dans les détails. Mais du coup, Tristan a la fâcheuse impression qu'il manque des morceaux de l'histoire, comme si on avait arraché quelques pages ici et là dans un livre. Certainement les passages qui ne le mettent pas vraiment en valeur. "Ah ok, je vois..." répond-il, même si tout reste très flou dans sa tête. Mais bon, il ne va pas exiger plus de détail. Il n'est même pas certain de vraiment savoir ce qui s'est vraiment passé, en vérité.

Il fait mine de rire quand il fait une blague sur les médicaments, même s'il ne trouve pas ça très drôle. C'est peut-être un jugement hâtif de sa part, mais d'après ce qu'il voit et entend, son interlocuteur lui a tout l'air d'être l'image parfaite du sportif pas très futé... Le genre de cliché qu'on voit dans toutes les séries pour ados. Beau gosse, bien foutu, membre d'une des équipes de sports, mais un peu à la traîne quand il s'agit de faire fonctionner son cerveau.

Jugement qui se renforce à la blague qui suit, qui joue sur les stéréotypes racistes et là, il ne fait pas semblant de rire du tout. "Ou alors il s'est mis en tête que t'étais un type pas très sympa, pour une raison inconnue." Son commentaire pue l'ironie, et il a un peu peur que le type se mette à le cogner lui aussi, mais il fallait que ça sorte. D'ailleurs, lui aussi devrait peut-être sortir de ce foutu buisson. Non mais vraiment, sa curiosité finira par le tuer, un jour...

Tristan ne s'est toujours pas pris de poing dans la tronche, ce qu'il considère déjà comme une petite victoire personnelle. C'est que le mec en face n'est pas certain d'avoir été insulté ou pas. Comme quoi, savoir manier l'ironie peut sauver une vie. Enfin, façon de parler.

Et puis il sort un truc tellement gros que Tristan ne peut juste pas s'empêcher de glousser. Mais oui, bien sûr... Si quelqu'un a la moindre critique à émettre au sujet de son altesse sérénissime, c'est bien entendu qu'il est motivé par une jalousie débordante. "Je ne vois pas d'autre explication," fait-il en hochant la tête de l'air le plus sérieux possible, même si un petit sourire en coin le trahit un peu.

Le garçon se montre étrangement plus sage que Tristan lorsqu'il change de sujet, l'air de rien. "Retourner en cours?" Sa tête se tourne vers le terrain. "Oh, non, non, je suis juste là pour courir, je suis pas vraiment étudiant. Et je suis pas non plus un grand sportif, de toute évidence." Puisqu'il préfère rester à discuter avec un excité du bocal planqué dans un buisson plutôt que de reprendre ses interminables tours de terrain.

C'est assez impressionnant, cette capacité que certains ont à entendre ce qu'ils veulent entendre, de comprendre ce qui les arrange. Tristan en serait presque jaloux, lui qui a tendance à se prendre la tête pour toi et n'importe quoi, à essayer d'interpréter les paroles de chacun, de trouver un sens caché, un message qu'il n'aurait pas su décoder. Ezekiel, lui, a l'air de bien mieux vivre, dans sa petite bulle. Comme quoi, il aurait peut-être de choses à apprendre de lui...

L'étudiant le prend de court. L'intérêt de courir...? "Je sais pas euh... Rester en forme?" Avant de donner son avis sur ce que les filles préfèrent chez un mec. "Les pecs? Ah ouais? Et les biceps, alors?" demande-t-il en levant un bras tout maigrichon. Lui aurait plutôt pensé à de beaux biscotos. Ça soulève d'autres questions. Parce que plaire aux filles, c'est bien, mais il veut aussi plaire aux garçons et les goûts et les attentes des deux sexes sont quand même différents, non? "Et les cuisses? Non?" Bon sang, c'est quand même compliqué, tout ça... Il ferait mieux de rester célibataire et de manger McDo tous les jours, ça serait plus facile.