Et voilà, je venais de me comporter comme une parfaite gamine capricieuse. Cela ne m'était pas arrivée depuis des lustres mais le pauvre Ezekiel en faisait les frais. En attendant, il s'éclipse de la table et je m'en veux un peu. J'ai peur qu'il m'en veuille lui aussi, mais quand il revient pour m'attirer un peu plus loin, je suis tout sourire, en comprenant que c'était tout le contraire , surtout quand on arrive devant le coffre d'une voiture. Là, autant dire que mon sourire s'élargit, et ma mine boudeuse et grognon est un lointain souvenir:

-T'es juste... Génial! Merci!

Je ne peux pas résister plus longtemps et hésite à m'affubler de la tenue de mascotte en me disant qu'avec mes talons, ça serait pas une bonne idée, même si je suis hyper tentée. En même temps, je n'allais pas le laisser se mettre en jupette, je sais que c'est pas son délire.

Je me cache à l'intérieur de la voiture, pas par pudeur, je m'en fous, mais par respect pour mon copain qui n'apprécierait pas que sa copine se mette en petite tenue devant d'autres gens, et je me change. Je laisse les affaires là et rigole d'avance.

Apparemment, je suis chanceuse, je ne suis pas tombée sur une personne soupe au lait. Je la rassure aussitôt quand elle s'enquiert de mon bien-être, en lui souriant :

-Rien de cassé, merci.

Je vais pour prendre sa main quand j'entends le collègue se foutre de ma pomme et la jeune femme me défendre :

-Oh, ce n'est pas grave vous savez, je pense que si je m'étais moi-même vu tomber, j'aurais ris de la même façon, après m'être assurée que la personne ne s'est pas fait mal.

En fait, ça m'était déjà arrivé une ou deux fois de vomir sur les chaussures d'Allen, que j'entends nous rejoindre. Il fait un simple bonjour de la main et place les mains dans ses poches de jean en voyant que je n'avais pas de soucis.

Je refuse poliment la main de la jeune femme après un état des lieux de mes mains, même si elles ne sont pas très sales elles restent toutes poussiéreuses :

-ça va aller. Merci bien.

Je me relève lentement et fais les présentations, après qu'Allen m'ait rincé les mains à l'eau et que je les aies séchées avec un mouchoir en papier. On fait avec les moyens du bord. Le gobelet, lui a fini dans une poubelle et j'étais quitte à reprendre une boisson à la buvette :

-Je suis Mélissa, et voici mon mari Allen. Ce dernier se tient un peu en retrait après avoir tendu la main pour les serrer et propose d'aller me chercher un autre verre et un verre pour eux, s'ils le désirent. Vous ne jouez pas sur le terrain avec vos collègues , demandais-je à Tamara et son acolyte?

Endosser le costume de mascotte en sachant pertinemment qu’il pue la sueur n’enchante que moyennement Ezekiel, qui peut se comporter comme un petit prince par moment, mais pour faire plaisir à son élève, il ne reculera devant rien aujourd’hui. « T’en fais pas, j’ai déjà vu des tonnes de nichons. » Pendant qu’elle se change, il enfile sa propre tenue et ils sont rapidement prêts. Ils se dirigent ensuite vers le terrain où les joueurs sont en train de quitter le terrain pour la mi-temps. Décidemment, le timing est parfait.

Il se rue vers le présentateur et s’empare du micro. « Alors vous avez aimé cette première manche ? On veut que vous encouragiez nos champions ! Allez, allez ! » Et pendant ce temps là, il ne manque pas de se dandiner sur le terrain en levant les mains en l’air pour tenter de motiver la foule. « Faut leur donner de la motivation pour la deuxième partie ! » Sa voix est enjouée et il observe en même temps Morrigan, se demandant ce qu’elle va bien pouvoir faire. Elle n’a plus qu’à mettre le feu. « Et pour vous divertir, mesdames, messieurs, notre pom-pom Momo ! On l’applaudit ! » Il saute et se déhanche sur la musique qui retentit – un petit « Run The World » de Beyoncé qui tombe à pic.

Les bruits s'amplifient, des gens quittent la table et il ne reste bientôt plus grand monde autour de nous. J'ai la sensation d'être cernée par la police, et heureusement que je n'ai pas mauvaise conscience, sinon j'aurais probablement commencé à paniquer. En tout cas l'atmosphère se réchauffe davantage et heureusement que nous sommes dehors, sinon j'aurais fini par cuire sur cette place.

Bien ravie d'avoir partagé mon repas avec un des hommes à la table, qui semble faire partie des forces de l'ordre lui aussi, si j'ai bien entendu ce qui s'était dit autour de moi depuis quelques minutes, je lui répond en dirigeant mon regard vers les deux personnes qui viennent de de troubler, positivement, l'ambiance. Je rigole en les voyant se démener et je penche un peu la tête sur le côté:

-Il se débrouille bien, c'est sûr...

J'avais fait comme si je n'avais pas reconnu Ézéchiel à table, je ne sais pas pourquoi j'ai agis de cette façon d'ailleurs et je devrais peut-être m'excuser auprès de lui. En attendant, comme j'ai fait attention à ce qui se tramait autour de nous, j'ai bien remarqué son absence et qu'il avait l'air de comploter avec cette blonde qui l'accompagnait maintenant devant tout le monde. Il ne me fallait pas plus pour rassembler les pièces du puzzles pour comprendre que c'était lui qui se trémoussait ainsi et donc je n'allais pas l'interrompre pour soulager ma conscience, juste me contenter d'observer le spectacle, bien que je ne le matais pas comme de nombreuses personnes le faisaient depuis qu'il avait débarqué:

- Le costume lui va à ravir.

Je commence à fourrager dans mon sac, après m'être ressuyé les mains, car ça me démange depuis que je suis arrivée, il faut que je sorte mon appareil:

-ça mériterait d'être immortalisé pour un book souvenir de la fac, vous ne trouvez pas? Ou le journal local...

Je m'énerve avant de me rendre compte que finalement le bagage n'est pas le mien. Je me disais aussi que je faisais toujours en sorte de ranger le mien pour ne pas risquer d'abîmer mon matériel. D'habitude, je le prends même à part, autour de mon cou ou dans une autre sacoche exprès:

-Tiens, je crois qu'une personne qui était ici à oublié son sac monsieur...

On est à peine changés et repartis que déjà Ezekiel met me feu là où il passe. J'ai la sensation de recouvrer une seconde jeunesse en sa compagnie et je ne boude pas mon plaisir de faire ma petite fofolle. Encouragée par mon coach, alors je me lance, oubliant que je devais parfois me ménager. Je retire mes chaussures et m'élance en faisant la roue sur le côté, une fois, deux fois, trois fois, rien de bien extraordinaire, mais me réceptionne un peu mal sur la fin. Ni vu, ni connu, je ne bronche pas, même si mon genou me fait légèrement mal et sautille alors sur place en encourageant la première équipe, puis la deuxième :

-Qui est-ce que vous préférez ?! « Les Pyromanes « ?! Ces beaux dieux du stade qui mettent aussi facilement le feu qu'ils l'éteignent ? Ou ces ramollos de  « Mangeurs de Donuts » qui s'engraissent sur leurs chaises de bureau tout l'année ?

Bien-sûr, je ne fais qu'essayer d'exciter un peu la foule, sans chercher à offenser qui que ce soit et je me mets à faire les lettres P.Y.R.O.M.A.N.E.S. en les scandant en même temps et pousse un cri de guerre à la fin « GO PYROMANNNNNNNNNNNNES » !!! en singeant de façon grossière et surjouée les réelles pom-pom girls pour me payer leur tête et amuser la galerie, puis me dandine ensuite sur place aux côtés de mon coach. Je m'amuse tellement que je ne fais pas gaffe en lui donnant un gros coup de fesses et de hanche inattendu qui le déséquilibre. Quand je me retourne et je crois qu'il va tomber mon sourire se fige et j'essaie de l'attraper, ce qui a pour effet de tirer sur les coutures du costume de mascotte... Momo la poisse, le retour!

Ezekiel est tellement concentré sur ce qu’il fait et sur Morrigan qu’il en oublie complétement la foule autour de lui. Il s’amuse comme un fou et les joueurs pourraient être revenus sur la piste qu’il ne les aurait pas remarqués. Morrigan le fait rire. Il ne remarque pas qu’elle s’est fait mal cependant. Il continue de rire sous son déguisement, bien que la chaleur là-dessous aurait tendance à le paralyser. Il ne remarque pas non plus les yeux d’un beau brun posé sur ses petites fesses. Heureusement, car con comme il est, il aurait pu se sentir offensé.

Bientôt, un coup de cul alors que ses pieds n’étaient pas en équilibre au sol et le dérapage est assuré. Il perd l’équilibre et manque de tomber. Il tente de se rattraper, fait quelques pas mal assurés sur le côté. Morrigan l’agrippe de l’autre côté. Et bientôt, ce qui devait arriver arrive. On entend un ‘scratch’ bien net. Le temps qu’il se rende compte de la réalité… « MERDE ! Il va me tuer. » Son pote lui avait bien dit de faire attention. Le pire, c’est que tous les regards sont braqués sur eux.

Les joueurs choisissent ce moment pour revenir sur le terrain. Sauvés par le gong ? « Viens vite ! » Il dit à Morrigan. « T’as pas des talents cachés de couturière par hasard ? » Il enchaîne aussi rapidement, tout en courant pour sortir du terrain. "Sinon faut qu'on trouve de l'aide !" Les gens avec qui ils étaient plus tôt peut-être ?

Catastrophe! Le son que j'entends est très caractéristique et Ezekiel risque d'avoir des ennuis par ma faute. On file alors tant qu'on le peut, en essayant de ne pas se faire repérer, et ce petit sprint me fait un bien fou. Je suis entre rire et panique, car là on est vraiment dans de beaux draps et je suis navrée d'apprendre à mon ami, entre deux pas de courses que ses espoirs sont fichus:

-Oh que non! Je risquerais de faire pire!

Je cherche à réfléchir à toute vitesse et c'est compliqué dans cette situation:

-Ouais euh... Si tu connais quelqu'un à ce sujet... Parce que moi, clairement, non... Ou alors on se cache quelque part et on attend que la nuit tombe comme lorsqu'on était gosse?

Oui, non, cette attitude n'est pas super responsable:

- Allons voir si y'a toujours les gens de tout à l'heure, ils avaient l'air sympa!

Je fonce droit vers la table où se trouvait toujours la blondinette et le grand baraqué barbu et une fois arrivée, je demande essoufflée:

-Hey! Y'en a un de vous deux qui sait coudre par ici? Et qui a les outils pour?

Ce qui devait donner un truc incompréhensible pour eux, car je n'ai plus vingt ans et je le sens.