La décision a été prise il y a un peu plus d'un mois mais Marlon a du mal à réaliser ce qui est en train de se passer. Revenir à Austin, c'est comme revenir à la maison mais quitter New York a été plus douloureux que prévu. C'est un aveu d'échec, c'est admettre que partir n'était pas la meilleure idée en premier lieu. Malgré tout, il ne regrette rien. Ces 8 mois passés à la Grosse Pomme lui auront permis de faire son deuil et puis il y a rencontré son meilleur ami et désormais colocataire.

Un sourire de dessine sur son visage alors qu'il descend de l'avion. La différence de température est flagrante : 20 degrés à New York, 33 à Austin. Fini le temps gris et maussade, finis les doudounes, les écharpes et les parapluies. Place au soleil et à la chaleur implacable. Marlon se sent comme un poisson dans l'eau. Ou plutôt comme un lézard sur son rocher, la comparaison est un peu plus adaptée. Le trajet en navette entre l'avion et le terminal prend un peu plus de dix minutes, et comble de la chance et du bonheur, les bagages sont déjà arrivés et son énorme sac passe devant lui juste quand il arrive au niveau du double tapis roulant. La bandoulière à l'épaule, il se dirige vers la sortie, scrutant la foule pour trouver un visage familier, ce qui ne devrait pas être trop difficile vu que Seb fait facilement deux têtes de plus que la plupart des gens. Mais pour l'instant, pas de Seb...

Marlon a beau avancer, toujours pas de Seb. Il lui a pourtant rappelé l'heure et le terminal d'arrivée avant de décoller, et Seb a bien confirmé qu'il serait là. S'il a oublié, Marlon le tue parce qu'il est hors de question qu'il prenne le bus pour rentrer et avec son compte bancairedans le rouge, il devrait vendre un rein pour pouvoir se payer un taxi ou un Uber. Il a son téléphone en main, prêt à composer le numéro lorsqu'il atteint l'extérieur et... oui, c'est bien Lotti. Marlon soupire, soulagé, laissant s'en aller le fantasme de mettre un bon coup de poêle dans la tronche de son ami presqu'à contre-coeur (Longue histoire, cherchez pas.)

"Hey Lotti... Comment ça va?" demande-t-il en se penchant pour caresser le chien un instant. "Où est ton idiot de maître?" Lotti se retourne et trotte sur le parking, le guidant jusqu'à Seb qui attend adossé à sa voiture. Il sourit en serrant le géant dans ses bras. "Tout s'est bien passé, on a mis quoi? 3 heures à tout cassé. Mais je suis claqué quand même... Je vois que t'as ramené toute la tribu," fait-il en grattant la tête de Kiwi et en regardant les deux autres dormir dans la voiture. "Comment ça va?"

Y'a vraiment que Seb pour se balader avec un bébé chien accroché en écharpe contre lui, surtout que Kiwi devient assez grand pour pouvoir se débrouiller tout seul maintenant. Seb et les chiens, une grande histoire d'amour... Marlon souffle quand il lui fait remarquer qu'il a des cernes. Comme s'il ne le savait pas. "Tu as toujours le chic pour me faire sentir mieux," ironise-t-il. Mais oui, la perspective de pouvoir s'étaler dans son nouveau lit tout neuf est très, très alléchante. En espérant que Seb ait bien acheté le bon matelas. Quoique dans l'état de fatigue où il est, il pourrait dormir n'importe où. "Oui, ça j'aurais pu te le dire que ça serait plus facile avec Lotti qu'avec Pitié. Cooper ne va plus me lâcher pendant quelques jours, le pauvre loulou..."

Marlon donne volontiers son sac à Seb avant de monter dans la voiture, et d'embrasser son chien qui roupille tranquillement. Seb monte à son tour et lui confie le chiot. "T'as pas perdu de temps je vois," rit-il de bon coeur quand son ami lui explique avoir rencontré les voisins. Pour un grand solitaire comme Seb, c'est assez surprenant. "Tu me rediras tout ça plus tard, d'ici demain j'aurais déjà tout oublié..." M'enfin, encore un mec avec des furets... Qu'est-ce qu'ils ont tous en ce moment? Les cgens peuvent pas avoir un chien ou un chat comme tout le monde? C'est que Marlon a de mauvais souvenirs avec ces bestioles... "Bon, chauffeur, en route vers le château!" Il n'a vu que la villa en photo mais ça a juste l'air gigantesque. Heureusement que Seb avait promis de pas viser trop haut...

Ouais c'est ça, Seb, rattrape-toi comme tu peux... Marlon lèverait bien les yeux au ciel mais il est trop fatigué pour ça, se contente de lever son majeur. Et pour quelqu'un qui l'appelle Princesse au moins 15 fois par jour, Seb est un véritable aimant à animaux, en mode Blanche-Neige qui chante avec les oiseaux et les écureuils. Ou Cendrillon dont les meilleurs amis sont une bande de souris pro de la couture. Ouais, Marlon connaît ses classiques, on la lui fait pas. "Hmm hm," répond-il simplement, à moitié en train de somnoler dans la voiture. Un instant il ferme les paupières pour se reposer les yeux, l'instant d'après ils sont garés devant l'énorme villa et les chiens se précipitent en dehors de la voiture et à l'intérieur.

"Dormiiiiir," grogne Marlon en levant les bras comme pour imiter un zombie. Seb le mène à l'étage jusqu'à sa chambre (putain de chambre avec salle de bain privative et un dressing... l'ensemble est limite plus grand que son appart' à New York) et Marlon se laisse tomber sur le lit, king size évidemment, les bras en croix. "Aaaah..."

A quelle heure faut-il que Seb le réveille? Nan mais Marlon n'a pas sérieusement l'intention de dormir maintenant, il lui faut juste une bonne douche et un café bien corsé et il tiendra jusqu'au soir. Enfin, c'est le plan. En vrai, il est déjà endormi la seconde d'après, la fatigue trop forte pour être combattue. En espérant que Seb ne le laisse pas dormir trop longtemps, sinon il risque de ne plus dormir la nuit...

Marlon se réveille dès qu'il entend Seb entrer dans la chambre. Il est toujours claqué mais sa trop courte sieste (enfin, il suppose qu'elle était courte) a suffit pour lui assurer un regain d'énergie pour tenir jusqu'au soir. Il ouvre péniblement les yeux et les frotte tout en baillant aux corneilles, Cooper qui roupille encore à ses pieds. "Princesse, princesse, t'as que ce mot-là à la bouche," grommelle-t-il en se redressant dans le lit. "La Princesse elle t'emmerde." Bougon, Marlon? Jamais...

Ce n'est que là qu'il se rend compte que Seb n'est habillé en tout et pour tout que de deux serviettes, une à la taille et une dans ses cheveux. Il le reluque de haut en bas en sifflant, comme un gros dégueulasse sifflerait une fille dans la rue. "Ben dis donc, c'est mon anniversaire avant l'heure! Je me demande bien qui peut m'envoyer un strip-teaseur..." fait-il en se frottant les mains. L'heure de manger, Seb a-t-il dit? L'estomac de Marlon se met soudainement à gronder, fort et bruyant. "Bon sang je crève de faim. Laisse-moi deviner ce qu'on mange... Des pâtes!"

Marlon se met à rire quand Seb commence à remuer son popotin au-dessus de lui. Il fait semblant de lui jeter des billets dessus. L'italien ne perd jamais une occasion, il aurait dû s'en douter! "Ce serait plutôt pour ton anniversaire, ouais!" plaisante-t-il, secouant la tête lorsque Seb se relève.

Marlon se lève aussi et s'étire. Il fait un câlin à Cooper pour le réveiller et qu'il les accompagne. "Des fajitas? Des enchiladas? Du chili con carne? Des burgers? Une pizza?" C'est que Marlon aime beaucoup de choses... Ils sortent de la chambre et... Marlon réalise qu'il n'a même pas pris le temps de visiter avant de se jeter dans son lit. "Tu me fais faire le tour du propriétaire?" Il a vu plein de photos, il a vu les plans, mais c'est pas la même chose qu'en vrai.

Et voilà. Les deux pieds dans le plat, d'un seul coup d'un seul. Marlon pensait faire une petite blague innocente mais il n'avait juste pas réfléchi aux implications. Faut dire qu'il vient tout juste de se réveiller, il a pas encore tout à fait les idées bien en places.

Seb commence à lui faire visiter et Marlon pose une main sur son épaule en le suivant. Les trois autres chambres à l'étage, la salle de sport, la terrasse de l'étage avant de redescendre. C'est... plus que spacieux. Ils ont de l'espace à en revendre, même avec 4 chiens. C'est plus grand que ce à quoi Marlon s'attendait mais... ça aurait pu être pire, connaissant Seb. Le séjour ouvert est magnifique. "C'est vraiment superbe. Et je te l'ai déjà dit, tu prends la maison qui te plait, moi je suis juste ton coloc je m'adapte... Et pis franchement, je vais pas me plaindre, c'est au moins 8 fois plus grand que mon ancien appart!" Il observe le salon, la salle à manger avant de revenir vers la cuisine pour voir ce que Seb a préparé. "Alors on mange quoi? Demain j'irai acheter deux-trois trucs, ça manque de plantes et de déco, peut-être une bibliothèque et des étagères..." Suffira de trouver un magasin de meubles dans le coin. Et que Seb lui prête sa voiture, le temps qu'il en rachète une.

Ils seront bien ici, c'est sûr. La seule chose qui gène un peu Marlon, c'est l'accès aux chambres par l'extérieur. "J'ai pas fait gaffe comment c'était fait devant, c'est bien sécurisé? Pas envie de me retrouver nez à nez avec un mec chelou qui me regarde par la fenêtre au beau milieu de la nuit..." Ou alors il faudrait condamner l'escalier entre les deux terrasses mais ça serait dommage.

Marlon sait que Seb veut qu'il se sente bien. C'est limite obsessionnel et il a tendance à en faire trop. Comme lui acheter une voiture. Certes, Marlon ne roule pas sur l'or mais c'était pas nécessaire, il a de quoi s'en payer une lui-même. Mais bon, discuter avec Seb ne mènera à rien, il le sait, alors il ira plutôt acheter des meubles et de la déco pour compléter un peu l'intérieur de la maison.

"Va falloir que je t'emprunte ta voiture, demain. Pour le boulot, je prendrais le bus pour deux/trois jours." Il s'installe sur un tabouret au comptoir de la cuisine et sourit quand il voit que Seb a préparé un repas mexicain. Tacos et enchiladas. "C'est pas mal... je te montrerai quelques trucs pour améliorer tout ça. T'as cherché les recettes sur internet?"

Bon, la maison et le jardin ont l'air plutôt pas mal protégés mais en tant qu'ex-flic, Seb devrait quand même savoir que ce sont belles maisons dans les quartiers aisés qui risquent le plus d'être visées par des malfrats, même si les rondes de surveillances sont possiblement plus fréquentes. "Bon ben c'est super alors, je vais pouvoir commencer à me tripoter devant ma fenêtre dès ce soir," fait-il en levant les yeux au ciel.

"Genre t'as besoin de plus de sport," fait Marlon en riant. Il se considère sportif et en forme mais Seb est encore pire que lui à ce niveau. Une véritable montagne de muscle. "Bien sûr," répond-il quand Seb lui demande un service. C'est la moindre des choses.

Il fronce les sourcils. "Quelle heure il est en Italie? J'espère que tu l'as pas dérangée juste pour me faire à manger... Je veux dire, j'apprécie l'attention mais va pas embêter ta mère juste pour moi, hein." Mais bon, c'est quand même réussi. La sauce des enchiladas est peut-être un peu trop liquide et ça manque de coriandre à son goût mais bon, rien de bien méchant. "Du coup le goût du voyage c'est dans la famille!"

Après s'être assuré que la propriété est bien sécurisée, Marlon continue le petit jeu de Seb qui a définitivement les hormones qui le travaillent. "Oh tu sais, j'ai bien peur qu'une seule main ne soit pas suffisante," répond-il en faisant un clin d'œil avant de croquer sensuellement dans un taco.

"Ben oui c'est vrai, t'as raison, faudrait pas non plus qu'à ton âge tu te laisses aller," plaisante Marlon. Sérieusement, Seb est bien l'un des rares hommes au monde qui n'a aucun soucis à se faire là-dessus. Marlon, lui, est un peu moins sérieux, se permet des écarts. Certes, ses abdos ne sont plus aussi visibles qu'avant mais il s'en moque, il profite de la vie.

Un après-midi chez un inconnu pour que les chiens se rencontrent? Ça l'enchante pas énormément mais bon, c'est pour Seb alors il accepte volontiers. Et puis comme il est lui-même sociable, ça serait cool de rencontrer un peu les voisins à son tour. "Pas de soucis. Dès que j'ai mon jour de repos, je passerai le voir."

Marlon sourit en écoutant Seb lui parler de sa mère. Ca fait vraiment plaisir de voir qu'il a été 'adopté' par la famille de Seb, et puis d'entendre à nouveau que Seb est venu ici pour lui... C'est touchant. "Bon, ça va alors. Tu lui diras bonjour de ma part la prochaine fois que tu l'as au téléphone." Il faut vraiment qu'il commence à voir quand est-ce qu'il pourra avoir suffisamment de congé pour passer une semaine ou deux en Europe...

Seb et lui partent à nouveau sur un sujet glissant où l'humour se teinte dangereusement de désirs pas tellement cachés et... Marlon coucherait bien avec Seb. Il est beau, sexy, ils s'entendent merveilleusement bien... Mais ça ne serait pas correct. Seb souhaite une véritable relation de couple, Marlon, lui... n'est vraiment pas prêt pour ça. Pas encore. Mais ça le travaille un peu. Savoir si Seb et lui, ça serait vraiment possible... "Crois-moi, tant de beauté et de perfection, tu n'es pas prêt mentalement pour ce véritable choc!" finit-il par répondre, jouant la carte de l'arrogance.

"C'est vrai qu'à 40 ans, t'as déjà un pied dans la tombe, un vrai petit vieux fragile et délicat," rajoute-t-il en hochant la tête très sérieusement. Seb aime bien le chambrer, mais Marlon est extrêmement taquin lui aussi. Avec lui, pas vraiment le choix en même temps.

Un colis de bon déménagement? Qu'est-ce que c'est que ça? Comme un cadeau de pendaison de crémaillère qu'elle envoie parce qu'elle est pas sur place?" Marlon adore les surprises et les cadeaux. En recevoir et en faire, aussi. Il réfléchit déjà à ce qu'il pourrait envoyer en retour. "Si, elle a mon numéro. On s'est appelé plusieurs fois quand tu te cachais dans ton chalet au Canada, tu te souviens?" Ouais, Marlon est toujours un peu énervé et blessé à cause de cette histoire même si c'est pas entièrement de la faute de Seb.

Seb le cherche, ça ne fait aucun doute, lorsqu'il vient se coller à lui et susurrer à son oreille. Marlon ne hésite. D'un côté il a envie d'amener Seb jusqu'à sa chambre jusqu'à ce qu'ils cassent le lit. D'un autre côté, il sait que ce n'est pas une bonne idée. Tiraillé entre les deux, il pousse un grognement en prenant sa tête entre ses mains. "Seb, Seb, Seb... Tu vas me rendre fou..."

Tenir la distance? Il a peur de mourir d'une crise cardiaque ou quoi? A son âge et dans sa condition physique, doit y avoir une chance sur 10 millions, et encore. "Hm hmm..." Seb est quand même un mec étrange et compliqué quand il s'y met.

Marlon secoue la tête. "J'ai pas essayé de la faire paniquer. J'étais paniqué moi-même et j'espérais qu'elle ait plus de nouvelles que moi. Bon, pas de bol elle en avait pas mais oui, elle est restée plus calme que moi c'est sûr. Elle a plus d'expérience pour gérer ta... Mais qu'est-ce qu'il fait?! "Ta tête de mule..."

Il sait qu'il devrait repousser Seb, surtout quand il se met à l'embrasser dans le cou mais... il ne fait rien. Depuis sa rupture, il a besoin de chaleur et de contact humain et... Bon sang, il a juste besoin de tirer un coup. Avec un mec qu'il connait pas, pour une histoire sans lendemain et sans conséquence. C'est décidé, demain il se trouve un mec dans un bar, le premier qui vient (dans la limite du raisonnable, évidemment) "On devrait, oui. Sois sage maintenant," fait-il en essayant d'être la voix de la raison.  

"Y'a quand même une sacrée différence entre faire du sport à haut niveau et aller s'isoler trois semaines dans un chalet au Canada sans donner de nouvelles," fait Marlon en soufflant, se demandant si Seb ne fait pas semblant de forcer le trait juste pour l'embêter, comme d'habitude. "Le rugby, c'est pas censé être un peu moins violent que le foot américain?" Un sport plus noble et moins barbare, sans aucun doute, mais bon, Marlon a été élevé avec le foot américain, ne pourrait plus s'en passer.

Ils sont à deux doigts de faire une grosse bêtise quand Seb retrouve enfin ses esprits et annonce aller reprendre une douche. Il a presque envie de lui dire qu'il va le rejoindre mais comment dire... Mieux vaut ne pas ajouter d'huile sur le feu. "De l'eau froide. Très froide," conseille-t-il alors qu'il se réfugie dans la nourriture. Deux gros tacos bien remplis. Tant pis pour les futures poignées d'amour. "Bon sang, il va finir par me tuer," marmonne-t-il une fois seul dans la cuisine.