Un sac à dos. C'est à peu près tout qui restait à Clay alors qu'il rentre dans l'immeuble où habite sa petite sœur. Le point positif, c'est qu'il ne se demande pas comment il en est arrivé là, il le sait parfaitement, il a toujours eu conscience d'envoyer se faire foutre sa vie faite d'obligations.

En perdant Axel, il a comprit que tout retournait à sa place à un moment ou un autre. Mais comment il peut faire sans savoir où est la sienne ? La vie de Clay a toujours ressemblé à une longue ligne droite. C'est simplement con de se rendre compte qu'on est pas heureux au moment où on a tout ce qu'on pensait vouloir désirer.

L'université l'a renvoyé, parce qu'il ne donnait plus signe de vie. Il a revendu son bureau et claque tout son argent dans des jeux d'argents, ou dans des soirées arrosées. Tout ce qu'il reste de l'ancienne vie de Clay à présent, ce sont les femmes. Les conquêtes qu'il continue à enchaîner. Et la Dream Team, puisque Clay est resté en contact avec Julian, William et plus vraiment avec Ezekiel, comme il pouvait l'imaginer en mettant un terme à son histoire avec Silver.

Clay reprend contenance et se rend compte qu'il est juste devant la porte de l'appartement de Beth. Plusieurs fois, il hésite à rebrousser chemin et trouver un coin pénard, dans un hôtel miteux, où il n'aurait pas à subir d'interrogatoire, mais il se décide à sonner, à force d'auto-persuasion.

Beth ne prête pas attention à l'écran qui s'anime face à elle, elle ne réceptionne que la musique qu'il en sort. D'une main, elle tient une part de pizza 4 fromages qu'elle mange seule, en bon jeudi soir qui se respecte. De l'autre, elle fait défiler les anecdotes de l'application nuit sans folie et se laisse sourire de temps à autres. C'est le bruit de la sonnette qui vient l'interrompre dans son moment plein de rebondissement et de vivacité. Elle termine la lecture d'une NSF qu'elle avait commencé, avant d'enfin se lever pour aller ouvrir la porte.

« Ohoooooh ! » s'exclame-t-elle en découvrant son grand-frère. Il est planté là, sur le seuil de son appart, un sac sur le dos et la barbe longue. La petite sœur le scanne de haut en bas, avant de retrouver ses yeux sombres. « C'est quoi le plan? Tu viens m'annoncer que t'as décidé de devenir un hipster et de partir faire ta vie en Laponie? » demande-t-elle sur un ton légèrement moqueur. Elle finit par rire et prendre son frère dans ses bras. « Si c'est le cas, j'viens avec toi. » lui glisse-t-elle à l'oreille, le serrant fort contre elle. Elle se recule finalement, se décalant vers le côté pour le laisser passer. « Allez rentre, il reste encore d'la pizza! » affirme-t-elle dans un sourire complice.

Clay hésite un instant. Parce que la description d'Elisabeth lui semble tellement véridique qu'il arrive pas à y desceller la moindre ironie. Puis il y a cette fin de phrase, et cette allusion à la Laponie. Son sourire se fait alors discret, mais il est présent. Je sais pas, j'me suis dit que les hippies revenaient à la mode. Elle comprend vite que quelque chose ne va pas, Clay n'a pas un mot à dire. C'est réconfortant... Y'a qu'Elisabeth pour faire ça: les liens du sang. Il frotte chaleureusement le dos de sa petite sœur quand elle le prend dans ses bras, la tête sur son épaule.. On pourrait partir loin. En utilisant des couvertures pour établir notre demeure ! Non, ils ne le peuvent pas. Ils ressembleraient simplement à des bouffons. C'est con, tout était plus simple avant...

Clay rentre finalement, portant son sac à dos sur son épaule. De la pizza ? Il oublie ses problèmes pour l'instant. Une pizza vaut bien plus que tout cela. C'est débile d'éprouver autant de plaisir pour une simple pizza. Tellement que Clay se marre tout seul.  Une quatre fromages ! Il tape dans ses mains, s'installant sur un coussin, en face de la télé et à côté d'Elisabeth. D'habitude, il aurait sûrement attendu qu'elle se serve avant de le faire. Mais on parle de quatre fromages là. Désolé de débarquer à l'improviste. J'aurais peut être pu appeler. Enfin non, je n'aurais pas pu, j'ai oublié de renouveler mon abonnement téléphonique. D'où son silence dernièrement. Il observe sa sœur et fronce les sourcils. Il y a pas quelque chose de changé en toi ? Attends laisse moi deviner...  Il marque une petite pause, engouffrant le reste de sa part de pizza dans sa bouche Ta coiffure ! C'est sûrement ça.

Beth sait à quel point son frère a besoin d'elle en ce moment. Et elle ne le laisserait tomber pour rien au monde. Au même niveau qu'il l'a aidé quelques mois plus tôt, elle compte bien le soutenir dans cette période difficile. La perte d'Axel, de son job. Elle se doit d'être là pour lui, le contraire n'est même pas envisageable.

Ils rentrent tous les deux dans l'appartement et tandis que Clay se jette sur la pizza dans le salon, Beth leur sort deux bières fraîches du frigo. « Pas de Dr. Pepper chez moi, tu t'contenteras d'une bud light! » lui dit-elle en lui balançant sa boisson. Les réflexes de son frère ne sont pas perdus, même s'il manque de se prendre la canette dans la gueule, il l'attrape juste avant le crime. Elle l'écoute s'excuser de ne pas avoir prévenu sa visite mais elle s'en tape. Elle ouvre sa bière avant d'en boire une première gorgée. « Depuis quand on est censé s'prévenir? » Comme si ça avait déjà marché comme ça entre eux. Beth laisse un rire s'échapper quand il lui parle de sa nouvelle coiffure. En effet, elle a coupé ses cheveux, il a l’œil attentif. « Attends d'me voir avec ma nouvelle teinture. » rétorque-t-elle. C'est un d'ses nouveaux projets, d'ses nouvelles nombreuses lubies qui lui prennent à l'improviste.  

La blonde laisse son frère seul dans le salon pour quelques instants, partant chercher une couette dans sa chambre et la ramenant en la balançant par terre, sur le tapis. « Tiens, pas b'soin de partir loin pour s'construire une cabane en couverture! J'te propose qu'on s'fasse une soirée à l'ancienne. Tu t'rappelles quand maman nous demandait d'enlever nos draps du lit pour qu'elle les lave? On en profitait toujours pour s'construire des cabanes géantes dans ta chambre. » se souvient-elle, avec un sourire cristallin. « T'es chaud pour un retour en enfance? » demande-t-elle finalement, avec un regard rempli de malice.

Pas de Dr Pepper. C'est une trahison avec laquelle Clay pourra sûrement composer sans problèmes. Pas trop concentré, il manque de recevoir une canette en pleine tête, la rattrapant in-extremis au dernier moment. Je suis trop jeune pour mourir Beth. Précise-t-il, au cas où. Et puis autant ne pas crever à cause d'une canette de boisson bas de gamme. « Depuis quand on est censé s'prévenir? » Clay hausse simplement les épaules. Peut-être qu'il dramatisait un peu trop tout les embûches qui pouvaient s'immiscer dans sa relation avec sa petite soeur. L'important, c'est que dans les moments de moins bien, ils soient là l'un pour l'autre, au moins une chose que les parents de la famille Burton n'auront pas loupés dans leur éducation. Que dieu est pitié de notre âme. Tu comptes te teindre les cheveux en quelle couleur ? Avec Elisabeth, on peut s'attendre à tout.

Clay, il avait balancé un souvenir d'enfance, dans une nostalgie tout sauf seine comme ça. Alors quand Beth ramène une couette, son sourire se creuse. Bien sûr que je m'en rappelle. C'est toujours à ce moment là que tu t'excusais d'avoir bousillé mes Action-Man. Ouais, faut arrêter avec les croyances populaires. Chez les Burton, c'était elle le serial killeuse de jouets. Et dans sa jeunesse, Clay, il y tenait beaucoup à ses Action-Man. Le pire, ça reste ce jour où Beth a jeté Superman dans une casserole d'eau bouillante. Clay a prit du temps à excuser la blonde pour ce geste maléfique (après s'être vengé comme il se doit bien sûr). Je ne demande que ça... Et d'y rester. Clay s'essuie les mains, rendus grâce par les parts de pizza et se lève d'un bond, toisant Beth d'un regard conquérant. C'est moi qui choisit le nom de notre royaume, c'est non-négociable. J'ai pas envie de me retrouver avec un nom de royaume qui fait référence à un auteur littéraire mort depuis cent milles ans. Il boit une gorgée de la boisson bas de gamme que lui avait proposé Beth. Tiens, c'est étonnant... Clay jauge la canette, en fronçant les sourcils. Vraiment étonnant que tu puisses apprécier une telle horreur. C'est le côté sectaire de Clay qui ressort. Dr Pepper ou la mort !

Malgré tout, le frère de Beth semble ne pas avoir perdu son humour, et c'est plutôt bon signe. Ils ouvrent leurs boissons en même temps, tandis que Clay se risque à s'intéresser à la nouvelle lubie de sa sœur. « Blanc platine! T'inquiète même pas, tu vas kiffer. » elle lui lance un sourire provoquant, complètement irresponsable. Elle sait à quel point il n'est pas fan de ce genre d'excès, et elle s'imagine déjà la tête qu'il fera, ça l'amuse.

Avec une idée malicieuse en tête, la blonde s'éclipse quelques instants et revient les mains pleines, sa tête semi-cachée face à cette montagne de couette, couverture et plaid qu'elle ramène dans le salon. Cette soirée annonce un retour en enfance imminent, et ce n'est certainement pas pour lui déplaire. « Comment ça, "morts depuis cent mille ans" ? Dans mon cœur, Shakespeare ne meurt jamais. » surjoue-t-elle, avec des petits gestes.  « Mais vu que c'est toi la victime ce soir, j'veux bien te laisser nommer notre nouveau royaume.  » admet-elle, reprenant sa bière pour en boire quelques gorgées. C'est le moment que choisit Clay pour juger la qualité de ses bières. « N'importe quoi toi. Elles sont très bonnes, mes bières. »

Ses yeux finissent par jauger le tapis, sur lequel sont entassés la multitude de draps. « J'pense que la priorité là c'est surtout de construire la cabane. Tu lui trouveras son nom une fois que t'auras sa beauté sous les yeux! » Petits, c'était toujours Clay qui prenait l'initiative de faire le plan de la cabane. Il donnait les ordres à Beth qui exécutait, attentive et hâtive de voir le résultat. Même si la blonde faisait toujours au moins un truc de travers, juste pour dire qu'elle n'avait pas tout suivi à la lettre et revendiquer sa rébellion.

Blanc platine... C'est pas loin d'être la teinte de la peau de Clay sur le moment. La connerie n'a donc parfois aucune limite. Elle est en âge de prendre ses propres décisions, et y'a sûrement plus toxique que de changer sa couleur de cheveux, mais quand même... Le grand frère a l'habitude d'attirer les regards lors des repas de famille de toute façon. Il ne répond rien et prend sur lui pour ne commenter la nouvelle folie d'Elisabeth.

Clay sourit vaguement à l'air outrée de Beth quand il vient insulter les auteurs morts depuis des siècles qu'elle étudiait avant à l'université. Tu parles d'un module pour le cours de langue. Il s'agit plutôt d'apprendre un nouveau moyen de torture. « On pourra en parler un jour de Shakespear, si tu veux. Je te démontrerai par A+B que Roméo et Juliette, c'est vraiment du drama pour minettes. » Mais pour l'instant, il s'imagine le plan du futur royaume qu'ils ont à construire. Pourquoi parler des morts alors qu'on peut bâtir ?

« Totalement d'accord. Commençons la construction de ce majestueux palais. » Et comme avant, Clay fait le chef de chantier. Il donne des instructions, se plaint aussi parfois devant les quelques maladresses de Beth. Son sourire ne le quitte plus, ça ravive plein de bons souvenirs, des moments d'insouciances impossibles à rattraper. Leur demeure se dresse finalement devant eux. C'est très rustique, quoi de plus normal pour un royaume fait de couettes. « Je te présente l'île de la muerte ! » Nom de royaume totalement pourri. Mais Clay prend son rôle à fond, il lance un regard important en direction de Beth et dit, d'un ton grave. « La mort en espagnol » Il est fier de sa petite vanne même pas drôle et rentre en toute hâte dans leur demeure. Il y fait tout noir, Clay s'empare alors de son téléphone pour y allumer sa lampe torche. « Ici, tous les secrets sont bien gardés. On peut dire ce qu'on veut, personne nous entendra... » Clay prend une profonde respiration, dans un petit silence manifeste avant de se lancer. « Axel me manque. » Ils pouvaient bien dire tout ce qu'ils voulaient non, puisque ça ne sortirait de toute façon pas d'ici.

Un majestueux palais, ça sonne définitivement comme un bon retour en enfance. Cette période, où tout ce qui est si petit nous paraît si grand. Où tout ce qui est un peu près nous paraît complètement accessible. Beth, ce soir, elle veut guérir les maux de son frère avec des pyramides de billes, des jeux de cartes, et surtout de l'imagination. Quand ils étaient petits, rien n'était grave. Alors... pourquoi ça changerait, aujourd'hui ?
Ensemble, les Burton s'exécutent à la construction de leur cabane. Face au résultat, Beth n'en croit pas ses yeux. « Si seulement t'avais pu m'faire des trucs pareils à 7 ans. » le taquine-t-elle. Ils n'en auraient jamais été capable, puis ils auraient perdu toute la magie du moment où tout s'effondre parce qu'on s'est un peu trop appuyé contre une couette qui tenait bancalement. L'île de la Muerte, mmh. Blondie n'est pas convaincue, mais elle ne peut contredire la confiance de son frère. Il semble réellement engagé. Alors elle acquiesce, les bras croisés, un sourire en coin aux lèvres.
Tous deux pénètrent dans leur nouveau petit cocon, assis en tailleur l'un face à l'autre, leurs visages à peine distinguables, éclairés par la lumière d'un téléphone. Quand elle voit que Clay est prêt à se confier, Beth fronce les sourcils, s'approche légèrement et se montre très attentive. Elle veut être là pour lui, elle le veut. « Je sais que c'est difficile de perdre quelqu'un qu'on aime, Clay... » Elle-même l'a vécu l'an dernier, avec William. « Mais, il est toujours là, à Austin, et puis, dans ton cœur. Tu pourras toujours lui rendre visite chez Jay, l'emmener avec toi en vacances, et, même dans quelques années, tu pourras lui apprendre à ouvrir une canette de Dr Pepper. » Elle tente un sourire complice. « Il a vécu deux ans avec toi, ce gosse. Il t'oubliera pas Clay, il t'oubliera jamais. Dans sa tête, t'y es gravé pour la vie. » dit-elle à voix basse. Elle plonge son regard dans celui de son frère, tentant de lui faire comprendre à quel point elle le soutient dans cette épreuve. « Il te manque, mais tu ne dois pas baisser les bras. Au contraire, tu aimerais qu'il revienne, et qu'il te voit dans cet état ? Avec ta barbe, il ne te reconnaîtrait même pas ! Et puis, si tu n'as plus de travail, comment tu lui paieras une glace près du lac ? Si tu ne te reprends pas en main pour toi, fais-le au moins pour lui. Et, pour moi, aussi. » Elle marque une pause, le regard triste. « Tu sais que c'est pas ce que tu mérites. » Clay, depuis toujours, il est destiné à avoir la vie qui rendra fière toute la famille Burton. Il peut pas lâcher prise, pas comme ça, pas si vite.

Clay regarde avec admiration et même un peu d'amour le palais qui se dressait devant lui. Au pire des cas, il pourra devenir architecte. Le grand frère Burton fait une légère moue à la remarque de Beth sur les palaces qu'il construisait avant. Dans un sens, il suppose que c'est un compliment. Il relève le regard vers sa petite sœur et lui répond en toute simplicité. « Je pense pas que ça t'aurait aidé à éviter les crises d'hystérie de maman. » Ouais, ça, même le plus beau des palaces ne pourrait le faire.

Elisabeth et son frère se retrouvent finalement tous les deux dans le palace. Et c'est con, mais il se sent à sa place. Pour la première fois depuis trop longtemps, il se retrouve, il est lui. Clay Burton, un garçon de bonne famille, un peu maniéré mais avec de bonnes intentions. C'est plutôt inédit, parce que ces derniers, il accumule plutôt les mauvaises intentions et surtout les mauvais choix. Et Clay comprend quelque chose de fondamental. C'est et ce sera toujours elle son point de repère, la vraie femme de sa vie. Alors il hésite pas. Là où il se contente d'un simple silence auprès des autres, il se lâche, se livre sur ce qui ne va pas. Ses prunelles croisent ceux de sa sœur et concrètement, il se bat même plus. Axel. Ce petit gamin qui avait fait irruption dans sa vie du jour au lendemain. Clay avait prit l'habitude de vivre avec. Il pouvait même se féliciter, sur la fin, d'être un père potable. Comment on peut se sentir quand toute sa vie tourne pendant 2 ans autour d'une même personne et qu'elle finit par te quitter ?  Clay soupire, trouvant un certain réconfort dans les mots d'Elisabeth. C'est son talent à elle, manier les mots. « C'est juste que... j'ai l'impression de plus savoir qui je suis. Je sais plus ce que je veux, je sais plus où je vais. Et ça me terrifie, parce que j'ai toujours été sûr de tout. » Être perdu dans la masse, voir le monde continuer à avancer, à vivre alors que t'as l'impression de patauger, d'être inerte. Il déteste ce sentiment Clay . « Tu sais que c'est pas ce que tu mérites. » Il bute finalement sur cette phrase comme une touche d'espoir. Un léger sourire s'immisce sur sa face. Il relève son regard vers Beth et lâche dans un léger soupir. « Tu seras magnifique avec les cheveux blancs platine. » Clay rit de bon cœur, tranchant complètement avec la discussion sérieuse d'il y a quelques secondes. « Et toi alors, t'as besoin de confier quelque chose qui passera pas ces murs ? »  

Clay doute de lui. Lorsqu'il le confie, Beth s'approche de lui pour lui prendre la main et la serrer fort de la sienne, la ramenant sur sa cuisse. « Moi j'sais qui tu es, Clay. » Elle cherche toujours à percer l'fond de son cœur en traversant ses prunelles. « T'es un homme brillant qui mérite le meilleur. Mais au delà de ça, t'es le meilleur père que je n'ai jamais connu, et aussi le meilleur grand-frère du monde. » affirme-t-elle à voix basse, appuyant chacun de ses mots avec une telle sincérité qu'on ne pourrait remettre ses aveux en question. La blonde amène la main de son frère pour la placer devant sa bouche et l'embrasser dans un baiser des plus fraternels et des plus intenses pour lui partager tout le soutien et la compréhension qu'elle lui porte.
Elle finit par se reculer, alors que l'aîné fait glisser la conversation sur quelque chose de plus fun. Blondie sourit dans un souffle, s'il valide ce choix d'apparence, ça veut déjà dire beaucoup. Lui, qui a toujours été contre les modifications corporelles. Elle lâche la main de son frère pour attraper un paquet de carte à la place, et commencer à les mélanger, en esquivant la question qui vient de lui être posée. « On s'fait une partie? » Le jeu des sept familles, un classique. Elle commence à distribuer les cartes, laissant une pioche au milieu et arrangeant l'ordre de celles qu'elle tient dans ses mains. « Je n'prends pas mon traitement. » glisse-t-elle sans lever le regard. « J'commence. Dans la famille Salamandre, je voudrais la fille. » demande-t-elle, sur un ton neutre.

Clay s'accroche aux mots de Beth. C'est tout ce qui lui faut en ce moment. Quelqu'un qui se rappelle pour deux qui il est. Alors, il sert un peu plus fort la main de sa sœur en l'écoutant, dans une vulnérabilité auquel ses proches ne sont pas habitués. Une fragilité que seul Beth connaît. Clay arrive même plus à être triste, y'a des mots bien trop significatifs, et plutôt rares. Se savoir meilleur frère du monde aux yeux de sa petite sœur, ça lui enlève beaucoup de sa peine.  « Je t'aime Beth. » Dit-il en croisant les prunelles de la cadette des Burton. Il n'y aura sûrement plus de moment aussi opportun pour le lui rappeler avant un p'tit bout de temps, Clay en profite.

Elle propose de jouer aux jeux des sept familles. Le brun lève les yeux au ciel, c'est que ça fait très enfantin, on peut dire que c'est totalement dans le thème. Elisabeth distribue les cartes et Clay s'occupe de classer les familles dans son jeu. « J'ai pas. » Clay lui laisse le temps de piocher, le regard tourné vers ses cartes. « Dans la famille... » Il marque une pause, se rendant compte de ce que sa petite sœur a dit précédemment. Il dépose son jeu au sol pour dévisager Beth. « T'es sérieuse ?  » Reste diplomate Clay, joue pas le grand frère protecteur sans comprendre le pourquoi du comment. « Tu sais que c'est dangereux pour toi de ne pas prendre ton traitement. Fais moi plaisir, et prends ces putains de cachets ! »  

« Je t'aime aussi. » avoue-t-elle en retour, sans une once de timidité. Exposer ses sentiments n'a jamais été le point fort de la belle, et pourtant, face à son frère, elle creuserait déjà la tombe de sa fierté pour l'enterrer vingt pieds sous terre.
Ensemble, ils retombent en enfance. Le grand frère et la petite sœur, les deux inséparables de la fratrie. Personne n'a jamais su comprendre leur relation, encore moins leurs parents. Gamins, ils adoraient se détester. Beth, la petite peste qui n'arrêtait jamais d'embêter Clay, l'ado exemplaire. Et puis, en grandissant, l'aîné ne l'a jamais lâché. Pas une seule fois. Toutes ses fois, où elle a du emprunter la fenêtre de sa chambre pour faire le mur, il attendait toujours patiemment son retour, allongé sur son lit, les jambes croisées, le nez plongé dans un livre d'économie. Toutes ses fois où elle s'est foutue dans les pires conneries, comme le jour où elle a volé pour cent dollars d'achat dans un p'tit magasin de bijoux pour s'retrouver au commissariat ensuite, Clay se faisant passer pour son tuteur légal, elle jouant les actrices et versant des larmes de crocodiles pour simuler le décès récent de leurs parents. Comme la nuit où elle avait trop bu, où elle avait abandonné son groupe de potes pour s'aventurer sur l'autoroute, inconsciente, l'coma à la frontière d'son foie. C'est Clay, qui l'a retrouvée, après qu'ses potes l'ait contacté. C'est Clay, qui l'a ramenée, qui l'a bordée. C'est Clay. Ça a toujours été Clay. Son Clay.
« J'les prendrai. » balance-t-elle dans l'vide, juste pour se débarrasser de la question. Puis, elle est bornée, Beth. Si elle a décidé d'pas parler, elle n'le fera pas. Même face aux inquiétudes de son frère. « Pourquoi t'es plus avec Silv' ? » ose-t-elle demander sans gêne, portant son regard dans celui de son frère. Ils allaient bien ensemble, et en c'moment, Clay a besoin d'elle. Beth le sait. « C'est à toi. » elle désigne le jeu de cartes du jeune homme d'un coup de tête. « Pour jouer. »