Forever young!

Posé sur mon banc à l'intérieur d'une galerie de photographies cultes, je ne peux m'empêcher de rester bouche bée devant le cliché d'un inconnu, certes, mais plutôt célèbre. Cette photographie porte le nom de "Russian soldier playing an abandoned piano" et il semblerait quelle fut prise en 1994 à Chechnya, un nom à coucher dehors tellement je galère à le prononcer. Je me demande qui et surtout comment a-t-il réussi à prendre ceci sans se faire pincer. Etait-ce un soldat tout comme celui photographié ou un random qui se trouvait là sans savoir comment? J'ai tenté de me renseigner mais je n'ai rien trouvé de particulier. Je prends quelques notes sur un calepin pour donner des idées de thèmes à mes élèves, priant pour que ces dernière soient aussi brillants et forts que cette image-là. Je suis presque seule à cette exposition. Peut-être est-ce à cause de l'heure à laquelle je me suis ramené; dès le matin pour être sûr de profiter de mon temps. Des pas cassent le silence de la salle, je tourne la tête et aperçois une rouquine, une qui a un visage différent de celles que j'ai rencontré jusqu'à présent. Je souris en la voyant arriver vers moi avec ses cheveux de braises. J'ai vraiment un problème avec les femmes rousses je crois. Je sens sa présence à côté de moi, et soudainement le silence revient. Je continue à prendre mes notes, jetant parfois des coups d'oeil à cette dernière en lui faisant quelques sourires en coin. "Passionnée de photographie?" lui demandais-je pour commencer la conversation.

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Il n'est pas rare que Shanleigh se rende à la plupart des expositions photographiques qui ont lieu en ville. Austin est assez fournie en terme de population et de galeries d'art, aussi la rouquine peut aussi bien tirer son inspiration de ce qu'elle vit, de ce qu'elle rencontre, de ce qu'elle imagine, que de ce qu'elle peut voir à ses expositions. Comme elle a appris lors de ses jeunes années dans un cours d'art-plastiques obligatoire, il n'est plus possible de créer quoique ce soit, tout a déjà été inventé. Les artistes ne font que reproduire, et modifier à leur sauce. C'est comme ça depuis des lustres, mais personne n'y pense. Ils se croient tous tout à fait propriétaires et concepteurs ce qui sort de leurs mains ou leur cerveau, mais ils ne se doutent pas qu'il ne s'agit que d'inspirations, de vieux souvenirs transposés. Rien n'est plus à inventer. C'est pour ça que ce matin, après que la journée lui a été accordée suite à l'absence d'un professeur, Shanleigh s'est rendue à la galerie non loin de chez elle. Une nouvelle exposition a pris place il y a peu, et avec sa formation la rouquine n'a pas encore eu le temps d'y aller. Il est encore très tôt, mais par chance le lieu est déjà ouvert. En revanche, il n'y a personne... La rouquine prend son temps, erre gentiment entre les photographies, passe de l'une à l'autre en les prenant parfois en photo avec son téléphone portable histoire d'en garder une trace. Elle réfléchit, elle imagine ce qu'elle pourra faire avec ces idées. Elle imagine un mélange de tout ce qu'elle voit. Ses bottines à talon claquent sur le carrelage blanc de la galerie. Elle s'arrête devant la photographie d'un soldat jouant apparemment dans les bois sur un vieux piano. L'artiste n'est pas indiqué. Shanleigh ne sait pas vraiment quoi penser de cette oeuvre. Elle n'arrive pas à en saisir le sens, et en même temps plein d'explications plausibles lui traversent l'esprit. Soudain, un homme qui est assis sur le banc de cette allée brise le silence immaculé. Shanleigh tourne la tête vers lui et répond à son sourire en disant : "C'est mon métier. Et vous alors ?'

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Je souris. "Je suis professeur d'arts plastiques donc je m'intéresse un peu à tout. D'où ma présence ici. Ca m'aide à trouver des idées pour mes élèves." lui répondis-je tout en reprenant mon activité d'avant; regarder la photographie de ce soldat. "Ce cliché me fascine tout comme il me rend triste. Je ne saurais dire pourquoi." ajoutais-je en laissant planer un petit silence. Je le fixe quelques instants et note un sujet que je pourrais donner. "J'aime beaucoup la photographie. Elle permet d'immortaliser des moments qui seront perdus à jamais dans le temps. C'est comme si, le simple fait de les avoir pris en photo, ils sont là, toujours présent à travers les siècles." continuais-je, ne pensant même pas si ma conversation la dérange. "La jeunesse éternelle. Ce soldat a été capturé dans une pellicule et le voilà maintenant sur papier, plus vivant que jamais alors que peut-être à l'heure actuelle, ce dernier est décédé." ajoutais-je. Je tends mes bras en arrière et laisse mes jambes de leur long en regardant mieux l'image. "Vous voyez quoi vous, à travers cette image?" lui demandais-je, voir où ses pensées vont nous amener.

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"Arts plastiques ?" s'intéresse Shanleigh. Elle n'a pas envie d'en dévoiler trop pour le moment, mais elle a suivi quelques courts d'arts plastiques dans le cadre de sa formation à l'université, lors de sa première année, mais elle ne se rappelle pas avoir vu cet homme, ni même l'avoir eu en cours. Peut-être est-il arrivé à l'université d'Austin il y a peu. "Vos élèves ont de la chance en tout cas d'avoir un professeur tant investi !" assure Shanleigh en souriant un peu. Elle remarque qu'il reporte son attention sur la photographie qui est accrochée devant eux, et l'imite. "De mon côté j'essaie de comprendre le contexte dans lequel cette photo a été prise, mais je n'arrive pas à le saisir..." Shanleigh trouve la réflexion du professeur d'arts plastiques très intéressante, elle se rapproche de la sienne. C'est un peu cette façon de rendre les instants éternels qui a donné envie à Shanleigh de ce lancer dans ce métier pas si facile d'accès. Et elle n'est même pas pistonnée, elle devra donc compter sur son talent pour se lancer quand sa formation sera terminée à l'automne prochain. "C'est exactement ce que je pense..." souffle Shanleigh. Elle ne sait pas si le professeur l'a entendue, puisqu'il continue à parler sans se soucier d'elle. Par politesse et aussi parce qu'elle le trouve intéressant, Shanleigh l'écoute attentivement. Elle finit par s'asseoir à ses côtés alors qu'il lui demande ce qu'elle pense de cette image. "Oui, il l'est certainement, l'uniforme fait très vieillot," ajoute-t-elle avant de poursuivre. "Je vois quelque chose d'absurde. Qu'est-ce qu'un piano ferait en pleine forêt ? Dans quel pays la photo a-t-elle été prise ? A quoi pensait le soldat en se plantant devant cet instrument ?" Shanleigh secoue la têt et sourit légèrement. "Désolée, je préfère me poser des questions. Je sais qu'elles resteront sans réponses, mais au moins je peux en imaginer moi-même... Ou avec votre aide !"

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J'hoche simplement la tête lorsqu'elle redit le nom de ma matière. Oui c'est un fait, c'est ce que je fais. A-t-elle eu du mal à le comprendre à cause de mon accent? Est-elle étonnée pour autre chose? Allez savoir. Je tourne mon regard vers cette dernière à sa remarque. "Merci c'est gentil mais je ne sais pas si avoir un prof qui ne fait que parler et qui peut parfois partir loin est vraiment une chance." lui répondis-je en rigolant avant de me reconcentrer sur le cliché. Ses réflexions semblent aussi similaires que les miennes au point que j'ai cru entendre qu'elle pensait la même chose que moi. Je l'écoute plus attentivement lorsqu'elle pose des questions qui méritent des réponses bien que nous n'en aurons jamais. "Pour le piano, peut-être qu'une vieille maison y est pas loin et que les propriétaires ont voulu s'en débarrasser. De ce côté là, ça ne me dérange pas. J'ai l'impression qu'on peut voir des pianos partout. Les derniers que je me rappelle avoir vu dans des endroits qui ne leur sont pas appropriés, je crois que c'était dehors sur un trottoir et d'autres en gare. Pour ce qui est du pays, c'est un soldat russe qui joue à Chechnya autrement dit en République Tchèque. C'est les seules informations que j'ai trouvé sur cette photo ainsi que son année. Du coup nous avons une réponse concrète sur toutes les questions qu'on peut se poser." lui répondis-je dans un premier temps avant de continuer et de prendre le temps de réfléchir à sa dernière question. A quoi pouvait-il bien penser? Je laisse échapper un petit "Hum...", fronçant légèrement les sourcils. "A la vue de sa posture, je dirais qu'il est nostalgique et qu'il pense probablement à sa vie avant de partir en guerre, à des plaisirs simples qui peuvent lui manquer alors qu'il est là, au front et qu'il n'a peut-être rien demandé. Peut-être veut-il juste oublier les horreurs qu'il a vu au cours de ces derniers jours, semaines, voire mois ou années. Ou alors tout simplement, il s'est peut-être dit comme nous, "qu'est-ce que ce piano fout là?" et par automatisme il tente de confectionner quelque chose même s'il ne sait pas forcément en faire. Vous en pensez quoi vous?" lui demandais-je à mon tour. "Et ne vous excusez pas pour ça, bien au contraire! C'est mieux d'imaginer les choses et les histoires derrière ce qu'on voit sans réellement savoir de quoi il en est." rétorquais-je en laissant tomber ma tête en arrière et de la redresser. "Il y a d'autres questions que nous n'avons pas élucider. Est-ce que le soldat sait qu'il est pris en photo? Où le photographe a-t-il déniché son appareil? Est-il toujours en vie d'ailleurs? Comment imaginez-vous la vie d'un ou de l'autre à notre époque?" ajoutais-je avec mes questions.

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Shanleigh comprend que le professeur ne souhaite pas en dire plus au sujet de son métier quand il se contente de hocher la tête. Elle l'accepte, elle est du même genre. C'est la première à détester parler d'elle, en pensant prendre toute la place dans la conversation. Alors elle hoche aussi beaucoup la tête quand on lui pose des questions, elle les évite très bien. "Si, si, c'est une chance, vous pouvez me croire... Ceux que j'ai eus à l'université étaient tellement moins investis !" Et voilà qu'elle raconte sa vie alors que cet inconnu s'en fiche certainement. Shanleigh déteste les questions sur sa personne, mais alors pour ce qui est de lancer de petites remarques qui la concernent de près ou de loin dont tout le monde se fiche... Le sujet de conversation revient sur la photo, pour le plus grand bonheur de Shanleigh. Elle hoche la tête au fur et à mesure que le professeur d'arts plastiques tente de lui donner quelques pistes aux questions qu'elle se pose. "Intéressant..." murmure-t-elle pour ne pas le déranger quand il semble marquer une pause dans son discours. Pendant qu'il parle, elle croise ses jambes et repose son regard sur la photographie accrochée au mur. Elle ne tourne même pas la tête vers son compagnon de fortune quand il lui pose à son tour des questions. "J'aime bien l'idée de l'incompréhension quant à la présence du piano dans la forêt. C'est poétique." Shanleigh fronce un peu les sourcils avant d'ajouter : "Vous vous posez pas mal de questions vous aussi. D'abord je dirais qu'il ignore, sur le moment, qu'on le prend en photo. Ca me semble logique. Ensuite, le photographe peut être l'un de ces épiques voyageurs et créateurs, ceux qui prennent leur sac à dos et qui font le tour du monde avec rien d'autre que du matériel pour créer et faire des photo-reportages... J'en connais quelques uns, à notre époque c'est bien plus facile d'ailleurs," fait Shanleigh en hochant la tête d'un air entendu. Elle poursuit immédiatement : "Le photographe est peut-être encore en vie, ou peut-être pas, comme le soldat... Quelle est la date de capture de cette photo, d'ailleurs ?"

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J'aimerais rétorquer quant à sa remarque mais je me dis que nous aurons tout le temps de parler de nous lorsque cette dernière acceptera un rencard post-décorticage de photo avec moi. J'ai peut-être un peu trop d'espoir, mais l'espoir fait vivre après tout et un café ou un thé 'a jamais fait de mal à personne. Je fais une petite moue quant à sa réflexion sur le piano. Ne rien penser et se dire qu'il est juste là comme par magie, c'est vrai que ça peut faire rêver, tout autant que les fioles d'Alice qui apparaissent lorsqu'elle en a besoin d'une en particulière. J'écoute à mon tour son point de vue. "J'aime à penser que c'est un autre soldat qui a capturé ceci comme des vieux amis qui veulent garder des souvenirs de ce qui pourrait être l'une des pires périodes de leur vie." répondis-je avant de tourner la tête vers cette dernière à l'affut de ses questions. "La photo a été prise en 94, donc il y a maintenant... 24 ans de ça, sachant qu'en plus on compte un minimum de 18 ans pour l'armée, il aurait à ce jour 32 ans au minimum toujours." répondis-je avant de me lever et de me pencher pour ramasser mon bloc-note au sol. Je m'avance vers la photographie pour mieux regarder le bakcground de l'image. Je montre du doigt le fond du côté droit. "Vous pensez que c'est quoi ça? Une grosse pierre ou des armements militaires? On dirait un tank. Peut-être a-t-il vu le piano de loin et il a décidé de faire une pause en compagnie de son collègue de guerre." lui dis-je en me rapprochant de plus en plus du cliché pour me concentrer sur l'homme. "Vous parvenez à mieux voir des signes sur le peu de peau qu'on voit? Si elle est marquée ou plutôt nette pour qu'on se donne une idée de l'âge qu'il peut avoir à présent." lui demandais-je. Je marque une légère pause avant de reprendre. "S'il était encore en vie, je pense qu'il aurait vu cette image et aurait dit que la personne photographiée était lui. Malheureusement, son âme est à tout jamais gravée dans cette photo et que le reste de sa personne est probablement décomposée à l'heure à laquelle nous parlons tel un Jack dans The Shining."

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Shanleigh pense que l'idée du professeur est drôle. Drôle dans le sens où prendre une photographie pour garder un souvenir précis d'une période horrible est très étrange. Elle ne répond rien, mais réfléchit avec lui sur l'âge que pourrait avoir ce soldat aujourd'hui. Elle tique un instant sur les explications de son compagnon de la matinée. Trente-deux ans ? Alors qu'il aurait eu un minimum de dix-huit ans et que la photo a été prise vingt-quatre ans auparavant ? Shanleigh toussote et corrige son acolyte, même si elle sait qu'il s'agit là de quelque chose de très impoli, et que si cela se trouve elle se trompe. "42 ans minimum, vous voulez dire, non ?" murmure-t-elle, un peu gênée de reprendre quelqu'un qui semble plus expérimenté qu'elle. La rouquine n'est pas forte en maths, elle se pliera volontiers si c'est elle qui a tord. Il se lève ensuite, et Shanleigh le suit, par pure politesse uniquement. Elle s'approche elle aussi de la photographie quand il lui demande son avis sur un détail qu'il a remarqué. "Oui... on dirait un tank..." appuie Shanleigh en plissant un peu les yeux. "Mais l'angle est bizarre. Je ne crois pas qu'ils étaient en train de l'utiliser, on dirait qu'il a été... abandonné, comme le piano." ajoute-t-elle en promenant son doigt devant le côté droit de la photographie, juste devant le nez du professeur. "Il est plutôt corpulent pour un jeunot, je crois qu'il avait bien plus que dix-huit ans à l'époque de cette photo." La rouquine appuie ensuite les dires de son acolyte. "Je ne sais pas s'il est mort ou non... Peut-être n'est-il jamais rentré du front après tout. Mais je pense qu'il y a très peu de chances qu'il ait pu voir cette photographie, vivant ou non. Les droits à l'image n'étaient pas les mêmes que maintenant que nous vivons à l'ère du numérique..." Shanleigh se félicite d'avoir profité de cette matinée libre pour se rendre à cette exposition. Il est si rare pour elle de pouvoir discuter avec quelqu'un de cultivé et d'intéressé par l'art !

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Je reste là comme un con, refaisant le calcul dans ma tête. "Ha oui, excusez moi. C'est le matin encore, j'ai un peu de mal." lui dis-je en rigolant. Je suis le bout de son doigt en remarquant chaque détail qu'elle me mentionne. Il est vrai qu'elle a l'oeil la rouquine. "Et bien je ne saurais dire alors. Nous ne saurons jamais la réponse à ces questions." répondis-je en la contournant pour continuer la visite, regard les clichés pris sans pour autant m'y attarder sur le moment. "Il y a certaines parties de l'exposition que vous voudriez voir en particulier?" lui demandais-je tout en continuant ma marche, les mains enlacées l'une dans l'autre dans le dos, digne d'un Napoléon. Un petit silence se fait, faisant résonner chacun de nos pas. "Tant qu'on parle de la mort et de jeunesse éternelle dirons-nous, que pensez-vous du Post-Mortem?" continuais-je donc avec mes questions. "De mon côté, je trouve la pratique complètement glauque, probablement car à notre époque, nous ne sommes pas habitués alors qu'à la leur, c'était tout à fait normal. Mais je trouve ça quand même fascinant. Ils trouvent des méthodes pour qu'on se rappelle d'eux, créent des choses pour faire tenir les corps. J'aime beaucoup, sur ce genre de photos, deviner qui est le ou la défunte. C'est tellement dur parfois de les différencier, surtout avec cette couleur qu'ils utilisaient, surtout du sépia si mes souvenirs sont bons." lui dis-je donc tout en laissant errer mon regard.

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Shanleigh soupire intérieurement. Elle est soulagée de ne pas s'être trompée et de ne pas avoir repris dans le vent le professeur. "Je comprends, c'est pareil pour moi !" confie-t-elle en souriant légèrement. Elle rougit à peine, mais sent la chaleur lui monter aux joues. Décidément, l'excès de politesse et elle ! Le professeur se détourne de la photo et contourne Shanleigh qui le suit des yeux. Leurs réflexions sur le soldat sont apparemment terminées ! Elle ne sait pas vraiment si elle doit le suivre ou non, jusqu'à ce qu'il lui demande s'il y a certaines parties de l'exposition qu'elle souhaite voir. La rouquine se précipite tout en légèreté jusqu'à sa hauteur avant de répondre : "J'ai déjà quasiment fait le tour avant que vous m'interpelliez !". Elle est même surprise qu'il veuille encore discuter avec elle. Peut-être que cet homme voit en elle quelque chose d'intéressant, chose rare chez les gens qui côtoient Shanleigh. Elle est tellement simple qu'elle passe généralement inaperçue au milieu de ses semblables. "Je trouve qu'il s'agit là d'une pratique qui va de pair avec la culture des familles. Ca se fait encore dans certains pays... Pour ma part, je n'ai jamais trouvé ça choquant, j'y trouve même un certain apaisement. C'est une façon de dire adieu, j'imagine. J'aimerais bien faire une série dans ce genre, tiens..." se met-elle à réfléchir. "Avec des gens vivants, j'entends," ajoute-t-elle bien vite en croisant le regard du professeur. "Ca peut être intéressant à mettre en scène, non ?"

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Et bien je lui referai faire un tour alors! C'est la première pensée qui traverse mon esprit à ses mots. Mais ce détail ne m'intéresse guère, étant parti sur un autre sujet de conversation. A l'entente du "j'aimerais bien faire quelque chose de ce genre", les mains dans le dos, je me tourne vers elle intrigué, laisser échapper un souffle de soulagement à la suite de ses paroles. "Vus m'avez fait peur. Du moins, ça pourrait être sympa d'utiliser la vraie méthode mais ça reste tout de même un peu glauque. Vous pensez faire ça bientôt? Car l'idée en soi est bonne mais vous utiliseriez beaucoup de maquillage et des vêtements d'époques pour ce projet ou alors vous réadapteriez ceci à notre ère?" lui demandais-je par simple curiosité, elle qui voulait apparemment mon avis. "Si vous avez besoin de personnes, vous pouvez toujours venir faire un tour dans ma classe, et proposez l'idée. Je ne voudrais en rien vous faire du tort en vous la reprenant sans votre autorisation." ajoutais-je. Je continue ma route, tout en regardant les images accrochées au mur. "Vous avez des photographes favoris quand même? Des références qui pourraient se retrouver dans vos oeuvres?" l'interrogeais-je. Je laisse un petit silence. "Ou même... Vos photographies sont-elles aussi placardées au mur de cette galerie?" continuais-je en me tournant vers elle, un petit sourire malin aux lèvres.

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Shanleigh se met à rire grassement quand le professeur lui déclare qu'il serait amusant quoique glauque d'utiliser la méthode originelle. "Non voyons, même si d'un point de vue artistique ça peut être intéressant, je n'irais pas proposer cela à des familles en deuil ! Et puis ce n'est plus à l'ordre du jour, dans l'hommage des défunts... Je pense que je réadapterais ceci à notre ère. Avec beaucoup de maquillage et de mise en scène, oui !" Elle réfléchit quelques instants à la proposition de son acolyte du jour. "Si vous avez de bons acteurs dans votre classe alors je suis partante, pour imiter un homme mort il faut savoir vider ses yeux, comme cela, regardez..." fait Shanleigh avant de se positionner face au professeur, imitant ce qu'elle vient de déclarer. Elle a eu assez d'années en tant que photographe pour savoir comment interpréter ce qu'elle cherche à faire, c'est pour cela que ses autoportraits sont tout aussi bien réalisés que ses portraits d'autres humains. Elle part ensuite dans un éclat de rire, consciente qu'elle a eu l'air ridicule quelques instants. Ils reprennent tous deux leur route le long des panneaux et des murs remplis de photos, jusqu'à ce que le compagnon du jour de Shanleigh lui demande si elle a des photographes préférés. Elle répond instantanément : "Je suis une fan inconditionnelle de Julie de Waroquier, une française. Vous connaissez ? Elle fait énormément d'onirique, je m'inspire beaucoup de son travail. J'aime rêver, et faire rêver les gens," laisse-t-elle planer, le regard dans le vide. "Oh non, rien de moi ne se trouve ici ! Je n'ai pas encore la célébrité nécessaire pour être exposée... Du moins, le seul projet que je souhaiterais faire exposer ne trouve pas preneur. J'en suis désolée," se plaint-elle d'une toute petite voix.

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"Oui, oui j'ai des personnes qui pourraient convenir." lui répondis-je en repensant à Maxence. Oui, elle pourrait très bien faire ce genre de choses, elle qui aime choquer les gens mais je ne saurais dire pourquoi, comme si j'avais quelque chose en travers, je ne veux pas donner son nom. "Je peux te refiler le numéro de l'une de mes élèves. Oui. Ca parait bizarre dit comme ça... Hum... Comment je pourrais m'expliquer sans passer pour un pervers ou un pédophile..." continuais-je en prenant une pause pour réfléchir. "Je suis arrivé à Austin ok, j'ai demandé un ou une colocataire et il s'avère que l'une de mes élèves est ma colocataire voilà. Ca fait vraiment bizarre dit comme ça même si je devais dire qu'on a que 6 ans de différence... Le fait que je sois prof et elle élève... Bref. C'est devenu une amie et je connais son potentiel et je suis persuadé qu'elle serait ravie -bien qu'un peu intriguée- de faire cette séance avec toi." expliquais-je donc en parcourant mon portable à la recherche du numéro de ma chère Gabrielle. J'attrape mon bloc note et note ainsi ce qu'il faut dessus puis arrache ce bout de papier en lui passant. "Elle s'appelle Gabrielle. Tu diras que Louis te l'a conseillé pour ce projet. Bien que ce soit un nom courant, elle saura qui a eu l'idée farfelue de lui proposer indirectement de faire ça." ajoutais-je en rigolant, imaginant la tête de la petite Rosette lorsqu'elle entendra ce projet. Peut-être que je devrais lui faire un briefing avant? Noooooon. Laissons lui la surprise. Puis la conversation tournant autour des photographes me surprend que très peu, connaissant approximativement le travail de cette photographe. "Je ne saurais dire pourquoi je vous imaginais bien dans ce domaine onirique. Vous connaissez Luisa Azevedo? J'ai vu quelques uns de ses clichés y'a pas longtemps sur internet, ça me fait penser à l'artiste que vous m'avez cité." lui dis-je en me tournant légèrement vers elle pour lui adresser un sourire. "C'est bien dommage. Pourquoi personne n'en veut? C'est quoi exactement votre projet que vous exposeriez? Celui du post-mortem ou quelque chose de bien différent? Vous avez des photos ou des montages sur votre cellulaire ou quelque part pour avoir une idée?" demandais-je plein de curiosité.

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Shanleigh est enchantée de pouvoir glaner quelques contacts auprès du professeur avec qui elle converse depuis le début de la matinée dans cette galerie. Il lui propose de lui donner le numéro de l'une de ses élèves, et Shanleigh ne peut pas s'empêcher de se demander par quel moyen cela est possible. Elle n'a jamais été proche de l'un de ses professeurs à l'université au point d'avoir son numéro de téléphone personnel ! Elle songe quelques instants aux raisons qui auraient pu pousser une élève à partager cette information avec son professeur, mais elle a bien vite la réponse. "Chouette coïncidence !" répond Shanleigh en se saisissant du papier que le professeur lui tend. Elle le met dans sa poche pendant que ce dernier lui explique comment approcher cette fille. Shanleigh tique sur le prénom "Louis" et se demande s'il s'agit de celui de cet homme. Elle se rend compte qu'ils n'ont pas échangé leurs noms alors qu'ils parlent ensemble depuis une heure ! "C'est noté !" se contente-t-elle de répondre. "Bien sûr, je la connais ! Elle part encore plus loin, mais ce n'est pas désagréable. J'aimerais avoir autant d'imagination..." soupire Shan, consciente que son travail à elle reste bien plus terre à terre que chez ces deux femmes. "Mon projet se nomme "Traumatismes", il s'agit d'une série de portraits très simples, réalisés lors d'un entretien confidences, si je puis appeler cela comme ça. Les clichés sont forts, souvent les gens prennent des expressions quand ils parlent de ce qui les a un jour touché au plus profond d'eux-mêmes... c'est assez incroyable, regardez," fait-elle en se saisissant de son téléphone dans la poche de son manteau. Elle cherche quelques instants dans ses dossiers et se rapproche un peu du professeur pour faire défiler quelques photographies qu'elle a jugées prêtes à être exposées. "Les galeristes préfèrent les gens déjà connus, ou qui ont déjà été exposés..." explique-t-elle pendant que les photos défilent sous leurs deux paires d'yeux.

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Je regarde les photographies défiler sous mes yeux tout en écoutant ce qu'elle me dit à leurs sujets. "Ces portraits sont vraiment bien réalisés. Vous devriez vraiment faire quelque chose." lui dis-je. Je ne sais vraiment comment ce domaine fonctionne, qui il faut contacter pour pouvoir se lancer vraiment et vivre de son travail, de sa passion. Je ne suis pas vraiment dans ce camp, je ne peux donc pas aider comme elle le voudrait. "Vous avez pensé à vous faire connaitre sur les réseaux sociaux? Mettez des hashtags du type #VisibleWomen ou ce genre de trucs qui circulent en ce moment ou en disant que vous n'avez jamais montré votre art avant et que vous vous lancez. Les RTs feront l'affaire et vous feront voir de tous. Mettez ensuite le lien de votre instagram et le tour sera jouer. C'est que du bouche à oreille, vous devriez le savoir. Vous devez attirer l'attention sur vous, quitte à prendre des contextes d'actualité. Tout est bon à prendre pour se faire connaitre même si rien ne vous concerne." lui dis-je un sourire malin aux lèvres, me visualisant ma TL sur twitter. Qu'est-ce que les gens ne feraient pas parfois... Et dès qu'on critique leur travail car ce n'est pas à notre goût ou tout simplement car c'est mal réalisé, ils mettront ça sur le fait du sexisme ou de l'homophobie, transgenrephobie ou je ne sais quels termes ils iront inventer encore avec leur hetero cis etc... "Et si vous exposez en imposant votre galerie, peu importe l'endroit, ça compterait comme une exposition même si c'est supposant dans l'université, sur des panneaux en plein milieu des halls ou encore dans un cinéma ou quelque chose du genre?" lui demandais-je pour essayer de lui donner des pistes.

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Le compliment que lui adresse le professeur supposé se nommer Louis remplit le coeur de la rouquine de chaleur. On la complimente souvent sur son travail, mais en général c'est pour rendre joli le refus de l'exposer, quand les gens ne la connaissent pas... Bien sûr que ses connaissances sont assez polies pour déclarer adorer ce qu'elle produit, mais quand cela vient d'un inconnu qui n'a rien à voir avec elle et qui pourrait très bien lui dire la vérité au risque de se montrer impoli, c'est plus rare, et plus touchant de l'avis de la rouquine. "Merci..." murmure-t-elle, rougissant, en remettant son téléphone à sa place. "Je ne suis pas trop réseaux sociaux, je trouve que ça dénature les relations sociales. Mais c'est vrai, vous avez raison, je gagnerais peut-être en popularité au niveau de mon art, en plus de m'aider à trouver de nouveaux modèles... Je dois m'y mettre," déclare Shanleigh, songeuse. Elle n'a jamais aimé passer des heures sur son téléphone ou son ordinateur à papoter avec des gens "virtuels", mais elle doit avouer que cela pourrait servir son art. Le professeur lui propose ensuite d'y aller au culot, en exposant à la sauvage. Shanleigh éclate de rire, tellement que deux autres personnes qui se trouvent près d'eux dans la galerie se tournent vers elle. Elle leur adresse un regard empli d'excuses avant de reporter à nouveau son attention sur son acolyte de la matinée pour lui dire : "C'est encore moins mon genre que d'aller sur les réseaux sociaux... Je suis plutôt sage comme fille, et surtout je ne veux pas me griller. Surtout que je ne suis plus à l'université, depuis l'année passée ! J'ai commencé autre chose," confie la rouquine en haussant un peu les épaules. Elle se rappelle avoir déclaré au professeur que la photographie était son métier, elle espère ne pas l'avoir trop induit en erreur quand il l'a interpellée, quelques dizaines de minutes plus tôt alors qu'elle passait simplement dans cette galerie pour s'inspirer de l'exposition en cours.

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Je souris en me retournant en entendant son remerciement timide. Si je peux faire plaisir en étant sincère, il n'y a rien de mieux que pour me rendre à mon tour heureux. "C'est une habitude à prendre, on s'y fait vite, vous verrez mais oui, il faut tenter le tout pour le tout et pour ce qui est de la couverture, vous êtes sur internet, personne ne peut savoir sauf vos mutuels, que vous n'êtes pas ainsi mais comme ça etc..." lui répondis-je pour essayer de la rassurer à ce sujet. La visite continue toujours au même rythme et peu à peu, nous arrivons vers la fin. Ces photographies, bien que je n'ai rien noté depuis, m'ont pas mal inspiré pour des sujets imposés. Je me retourne vers la jeune femme et lui fais un sourire. "Je pense que c'est ici que nous nous quittons. Je vous revoie très bien pour l'un de mes cours, vous présenterez ainsi votre projet devant toute la classe, et s'il y a des volontaires en plus de Gabrielle, ça ne pourra que être bien pour vous." lui dis-je avant de prendre une pause. "Que diriez-vous de jeudi prochain?" lui demandais-je avant de prendre de plus en plus la voie de la sortie.

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Le bout de la galerie arrive bien vite, au fil des discussions entre Shanleigh et ce professeur d'arts plastiques qu'elle a eu la chance de rencontrer en venant simplement prendre un peu d'inspiration dans ce lieu. Finalement, en plus d'avoir pu tirer un peu d'inspiration des photographies, Shanleigh repartira avec un projet en plus, ce qui n'est pas négligeable ! Le professeur lui en reparle d'ailleurs, alors qu'ils prennent tous deux le chemin de la sortie. "Jeudi prochain, oui, pourquoi pas ! Je peux avoir votre numéro pour vous tenir au courant ? Je ne sais pas si j'ai un cours ce jour-là, et en cas d'indisponibilité de ma part nous pourrons reporter !" fait Shanleigh en consultant son emploi du temps sur son téléphone. Elle constate qu'elle n'a rien de prévu le jour-là, c'est une journée de travaux personnels, apparemment... "Ah ben c'est parfait, je n'ai rien jeudi prochain. Quelle chance !" lance-t-elle. Ils arrivent près de la sortie de la galerie, et Shanleigh tend au professeur sa carte de visite personnelle qu'elle vient de sortir de son sac, en remettant de l'autre main ce dernier sur son épaule. "Tenez, il y a mon numéro dessus. Recontactez-moi pour me donner le lieu et l'heure !"