Nell a besoin de s’occuper ces derniers temps. La reprise du travail lui permet de garder la tête haute et de retrouver peu à peu l’impression d’une vie ordinaire. Il sourit de nouveau d’ailleurs, chose qui était devenue de plus en plus rare au fil des mois. Cet après-midi, alors que ses cours sont terminés, il décide d’aller faire un tour en ville et pourquoi pas faire quelques achats. Il a entendu parler d’une soirée caritative qui aura lieu dans quelques jours, et pour la première fois de sa vie, il a envie d’aller à ce genre d’événements, tout en pouvant se le permettre financièrement. C’est ainsi qu’il finit par entrer dans un magasin spécialisé en costumes pour hommes. Il y passe presque deux heures, comme si c’était la chose la plus importante de sa vie. Il a l’impression de voir quelqu’un d’autre alors qu’il s’observe dans le miroir et il n’est pas peu fier. Bientôt, il se décide enfin sur un ensemble bleu foncé qui lui va comme un gant. Il se trouve charmant. Il ne bronche pas lorsqu’on lui demande de payer 2000 dollars pour le tout. C’est la première fois de sa vie qu’il porte quelque chose d’aussi cher. Et il sort comme ça, dans sa nouvelle tenue qui lui donne une confiance en lui exemplaire. Il a une démarche étrange, pas très naturelle. Quelques personnes le regardent bizarrement dans la rue, il s’en rend compte. Il tourne le regard vers l’un d’eux tout en continuant à marcher mais bientôt, voilà qu’il se prend un poteau, lâchant ainsi bien trop fort : « Et me**e ! C’est pas comme ça que je vais avoir l’air classe ! » Puis, le voilà qui se frotte le front. Il risque d’avoir une belle bosse demain.

« - A demain. » Dit-elle à son père qu’elle quitte finalement. Lui doit reprendre le boulot et de son côté elle doit faire un peu de rangement dans sa chambre. Enfin…. Rangement, oui et non, ceux qui connaissent la jeune femme savent très bien qu’elle n’est pas la championne pour ça. Elle se dit tous les jours qu’elle va le faire et ça tombe toujours à l’eau. Quoi qu’il en soit, elle a vraiment apprécié de manger avec son père sur le temps de midi. Ils se voient moins depuis qu’elle loge à l’université mais ils se voient encore c’est tout ce qui compte. Marchant dans les rues de Dawntown, elle laisse son regard sur quelques vitrines. Elle y voit des tenues très belle, mais pas vraiment dans son budget. Vivement qu’elle se trouve un petit boulot, elle pourra s’offrir beaucoup plus de chose, et avec un peu de chance avoir encore de l’argent en fin de mois. Elle prend son temps, elle n’est pas pressée de rentrer de toute façon. Levant la tête devant elle, elle fut surprise de voir un homme se prendre le poteau juste devant lui. Elle ne peut se retenir de rire, avant de finalement poser la main devant ses lèvres essayant de ne pas en faire plus. « - Désolée. » Elle ne sait pas s’il l’a entendue, encore moins s’il a fait attention au fait qu’elle soit là. En tout cas, il a l’air un peu… Étrange. « - Ce n’est pas forcément classe en effet. Vous vous êtes pas fait mal au moins ? » Après tout, ça ne doit pas faire du bien puisque le poteau est quand même en fer dur. Enfin, il est debout, c’est déjà une bonne chose. Il aurait totalement pu se retrouver avec pire que ça.

Nell en est venu à faire abstraction de tout ce petit monde autour de lui. Se taper la honte, c’est dans ces habitudes, bien que depuis plus de six mois, la maladresse n’est plus ce qui régente sa vie, mais des choses plus sinistres à son grand désarroi. Ainsi, il était loin de s’attendre à entendre une voix féminine lui parler. Il relève la tête tout en se frottant le front. Il va avoir une bosse, c’est sûr. Il devrait presque recommencer, ça lui permettrait de ressembler à un taureau, plus qu’à une licorne. « Un peu, mais pas au point de devoir aller à l’hôpital, donc ça devrait aller. » Il sourit à la jeune femme. Elle est jolie. Il se demande s’il ne l’a pas déjà vu quelque part, à l’université peut-être, mais il ne dit rien à ce sujet. « Moi qui me faisait une joie d’exposer ce nouveau costume au monde entier, j’vais avoir l’air d’un clown maintenant avec ma bosse. » Son front n’allait pas tarder à devenir rouge, puis bleu et violacé d’ici quelques heures. Nell fait parti de ces gens qui marquent très vite au moindre choc. « J’aurais au moins le mérite d’avoir fait rire quelqu’un, c’est toujours ça. » Répond-t-il dans une bonne humeur qu’on ne lui connaissait plus depuis un long moment, et un large sourire affiché au visage. Peut-être que ce choc lui a remis les idées en place après tout. Ce serait assez ironique mais plutôt bénéfique.

La jeune femme regarde faire le brun, puis pose les yeux sur le poteau après avoir entendu sa réponse. « - Tant mieux. Il semblerait que le poteau non plus n’ait rien. » Phrase ridicule, certainement. Mais elle a l’habitude de l’entendre de la bouche de son père. Chaque fois qu’elle se cognait, il lui lançait la même chose. Et on peut dire que quand elle se faisait vraiment mal, elle ne le prenait pas très bien. Regardant le costume qu’il porte rapidement quand il le mentionne elle se demande quel métier il occupe. Bien que sa tête lui dise quelque chose. Elle fronce les sourcils quelques secondes, avant de reprendre un visage plus que normal. « - Avec un peu de fond-de-teint, ça pourrait peut-être passer. Mais je ne pense pas que ça soit quelque chose que vous portiez au quotidien. » Quoi que, c’est possible. Il y a des hommes qui en mettent aussi, ça n’est pas que pour les femmes. Maintenant il ne semble pas que ça soit son genre. Elle en serait très étonnée en tout cas. Après, elle n’est pas médecin, mais sans doute qu’il existe des choses spéciales pour que ça passe beaucoup plus rapidement qu’en laissant ainsi. Mais elle ne dit rien de ça. Après tout, elle n’est pas là pour ennuyer qui que ce soit. « - Oui merci beaucoup pour ce petit spectacle pas voulu. Mais je ne suis pas certaine que je sois la seule à avoir rigolé. Les autres se cachaient juste. » Après tout, qui ne rigole pas en voyant quelqu’un se prendre une gamelle ? Pas grand monde. Puis au final, c’est sans gravité, sauf pour le front de cet inconnu. « - Au fait, vous êtes connu ou quoi ? Vous me dites quelque chose. » Elle se mord la lèvre légèrement, essayant de réfléchir un peu. Après tout ça explique le costume hors de prix s’il est connu. Forcément la célébrité ça rapporte souvent de l’argent. Sauf pour les criminels.

Elle semble pleine d’humour cette demoiselle, et ce n’est pas pour déplaire à notre gentleman célibataire. « Heureusement ! Je m’en serais voulu sinon ! » Annonce-t-il de son sourire malin. Puis, les voilà qui parle de maquillage, et Nell ne peut pas s’empêcher de rire. « Pas vraiment en effet. J’préfère le naturel, j’y peux rien, c’est comme ça. » Il fait une mimique, comme dans les pubs où les femmes repoussent leurs cheveux en arrière ‘parce qu’elles le valent bien’. Il regarde beaucoup trop la télévision celui-là, ça se sent ! Et il aime tout autant épater la galerie lorsqu’il en a l’occasion, que ce soit avec des gens qu’il connait ou des parfaits inconnus d’ailleurs. « Je préfère me dire que vous êtes la seule. Psychologiquement, ça fait moins mal ! » Et il ferme les yeux tout en hochant la tête, faisant un mine que ça serait un drame pour sa santé mentale si elle n’était pas seule. Depuis quand est-ce qu’il n’avait pas fait le clown ainsi ? Sauf que voilà qu’une ombre s’avance sur cette belle journée. Etre connu, c’est devenu un doux euphémisme dans la vie du français. Il aurait aimé rester dans l’anonymat mais malheureusement, avec sa tête dans les journaux en première page durant tout l’été et même encore régulièrement avec le procès qu’il vient de gagner, c’est loin d’être faisable… « Vous m’avez peut-être vu dans les journaux à scandales… » Il baisse la tête, soudain redevenu trop sérieux, et ne se disant pas qu’elle pourrait tout simplement être étudiante à l’université, là où il donne des cours. « Disons simplement que j’ai gagné un procès récemment, qui fait un peu trop de bruit à mon goût. » Ajoute-t-il cette fois avec un sourire poli.

La jeune demoiselle ne peut retenir son rire, et à deux reprises. Face aux deux phrases ainsi qu’aux mimiques qu’il peut avoir quand il explique quelque chose. Les gens ne doivent pas s’ennuyer avec lui. Du moins, de ce qu’elle peut voir pour le moment. Elle ne le connaît pas assez pour savoir quoi que ce soit d’autre de toute manière. « - Le naturel en effet. » Dit-elle en ne trouvant rien d’autre à redire là-dessus. Elle maintient son regard en sa direction, observant attentivement ce qu’il fait. Elle approuve finalement ses mots. « - Je ne peux que comprendre. » Après tout, on est tous passé par un moment délicat dans nos vies, où par mégarde on manque de tomber ou on fait une bêtise dans le même style. C’est toujours gênant au début, puis après quand on y repense ça ne fait que rire. Les gens oublient vite de toute manière, tant que ça ne les concerne pas eux même. Pensant reconnaître le jeune homme, elle est quand même surprise de l’entendre parler des journaux, ce n’est pas vraiment à ça qu’elle pensait au départ, voir même pas du tout. Elle ne se doutait pas. « - Je pensais plus à l’université en fait. Pas forcément à ça. » Elle cherche tout de même dans sa mémoire avant de finalement reprendre. « - En réalité, je ne regarde, ni lit vraiment les journaux. Je sais que pour une étudiante, ça n’est pas bien. Mais mon père me parle assez de justice pour que j’y jette un œil en plus. » Elle se mord la lèvre, quand même gêner par rapport à ça. Elle se sent idiote tout d’un coup. En tout cas tout ça ne semble pas vraiment lui plaire. « - Gagner un procès c’est plutôt pas mal. C’est bien d’avoir gain de cause non ? De quoi s’agit-il ? Enfin vous n’êtes pas obligé de répondre. » Mais maintenant elle est un peu curieuse. Elle est certaine que si elle fait des recherches, elle trouvera certainement une réponse à sa question. « - Après je comprends que c’est embêtant que les affaires soient sans cesse médiatisées comme ça. » Ca n’est bien pour personne. Mais les journalistes aiment ça, c’est leur boulot. Les gens en redemandent toujours. C’est la curiosité sans doute.

« L’université ? Ah oui, j’y suis professeur ! » Il se sent con, mais qu’est-ce qu’il se sent con ! Il a tellement pris l’habitude ces derniers mois qu’on ne reconnait plus en lui le professeur mais uniquement le criminel qu’il n’est pas… Comme quoi, un nouveau costume ne permet pas de tout arranger dans une vie, bien que ça donne meilleure apparence. Il baisse la tête, puis la relève. Il est tant d’assumer. Il n’a rien fait de mal après tout et en a bien trop bavé. Des années entières gâchées, perdues, est-ce que ça ne suffit pas ? Le problème, c’est qu’il croit toujours qu’on va voir en lui un criminel, bien qu’il ait été innocenté. C’est ça le souci, avec les gens qui jugent et les personnes mal informées. Heureusement pour lui, la jeune femme semble loin d’être idiote et elle mentionne même un père qui s’y connait en justice. C’est un bon point non ? A vrai dire, ça pourrait bien effrayer Nell, mais il essaye de ne pas y penser. « Oh oui, c’est sûr que c’est bien ! Mais malheureusement, ça ne rend pas tout ce qu’on a perdu. » Est-ce qu’il lui dit tout ? Ce serait peut-être mieux pour qu’elle évite de faire des conclusions trop hâtives. « En résumé, j’ai été accusé d’un meurtre que je n’ai pas commis et j’ai passé 7 ans de ma vie derrière les barreaux, pour rien du coup… Donc j’aurais préféré ne pas être riche, mais avoir pu éviter cette erreur judiciaire. » Tout est dit désormais. Quant aux médias, oui, c’est vraiment embêtant quand ils vous accusent et qu’ils se trompent, mais ils ne font que leur travail après tout. Impossible de revenir en arrière, alors que faire, si ce n’est avancer, tenter de se reconstruire ? « Il fait quoi votre père exactement ? » Sa peur le prend quand même, c’est plus fort que lui.

« - Ah c’est donc ça alors. » Certainement, de toute façon ça ne peut pas spécialement être ailleurs que là. Mais professeur, elle ne se doutait pas par contre. Elle lui parlait comme s’il était un autre étudiant alors que pas du tout. Elle se répète ce qu’elle a pu dire rapidement, histoire de voir si elle n’a pas fait de trop grosse gaffe non plus. Après, elle a été elle-même donc ça ne devrait pas lui poser de soucis non plus. De toute façon dans le pire des cas, une fois que c’est dit c’est trop tard. « - Professeur de ? » Autant le savoir complètement. Quand on ne connaît pas une personne, on passe souvent à côté sans même faire attention. Mais une fois qu’on fait connaissance, c’est quand même différent. Tu vois plus la personne qu’avant. Comme si c’était fait exprès. Elle le reverra certainement dans les couloirs de toute façon. S’il y travaille souvent. Quoi qu’il en soit, elle écoute attentivement ses mots. En effet, ça ne rattrape certainement rien du tout. Bien qu’il n’est pas obligé, il raconte quand même pourquoi ce soucis avec la justice. Elle hausse un sourcil un peu surprise quand même. Elle ne s’attendait pas à si gros. Mais en effet, elle a entendu parler de cette histoire, sans pour autant avoir vu son visage non plus. Sinon ça lui serait revenu directement. « - 7 ans avant qu’ils ne se rendent compte de l’erreur. C’est l’horreur. Je suis vraiment désolée pour vous. En effet, les dommages causés ne sont pas dommageable, je comprends maintenant. » C’est horrible de perdre sept années de sa vie, surtout quand on se retrouve en prison. Qu’on sait qu’on n’a rien fait. La vie là-bas, ça ne doit pas être facile en plus de ça. Elle s’en rendra compte bientôt. « - En tout cas vous êtes courageux. » C’est vraiment le mot qui lui vient quand elle pense à toute cette histoire. Il n’y a rien d’autre en son sens. Elle ne sait pas ce qu’elle aurait fait à sa place. Mais ça ne doit pas être plaisant pour lui de revivre la même chose au final. « - Il est agent de police. » Dit-elle calmement en faisant une petite grimace, elle sait bien que le métier de son père ne plait pas à tout le monde. D’ailleurs, elle ne le dit jamais directement mais vu que la conversation s’y prête ça n’est pas vraiment un choix.

« Sport. » Il aurait dû le préciser, mais ça n’était plus si naturel pour lui, les discussions. Il était resté cloitré pendant des mois en prison, puis chez lui, avec comme seule compagnie sa colocataire. Il n’est pas devenu un sauvage pour autant, bien heureusement, mais on voit tout de même que quelques lacunes sociales se sont installées avec tous ces événements. Le français explique finalement ses aventures, de manière concise, sans trop d’explications. Il ne tient pas à s’étendre plus que ce qu’il faudrait sur le sujet. « Courageux, je ne sais pas. J’ai subi et supporté, sans trop avoir le choix. Le principal maintenant, c’est d’arriver à me reconstruire. » Après plus de six mois de dépression, il serait temps d’ailleurs. Il montre son costume et explique bientôt : « C’est peut-être idiot mais c’est pour ça que j’ai acheté ce costume d’ailleurs, histoire de reprendre confiance en moi. » La confiance en lui, ce n’est clairement pas quelque chose qui lui manquait dans le passé, et maintenant qu’il a retrouvé son sourire, ça devrait revenir rapidement. Il hoche la tête lorsque la jeune femme lui annonce que son père est agent de police. Il préfère ne pas penser au fait que cet homme faisait peut-être parti de ceux qui l’ont arrêté et inculpé. Dans tous les cas, on ne peut pas reprocher aux enfants les actes de leurs parents et on ne peut pas blâmer non plus quelqu’un qui ne faisait que suivre les ordres. Bref, laissons le passé à sa place. « Et toi alors, tu fais quoi à l’université ? Des études j’imagine ? » Voilà, ça sera mieux de parler de choses plus gaies. Peut-être qu’elle a mieux à faire que parler, mais Nell semble décider à ce qu’elle ne parte pas. Il faut dire que ça lui fait tellement de bien cette présence presque amicale. « J’sais que c’est pas très orthodoxe et donc je comprendrais que tu refuses mais… ça te dirait d’aller boire un café ? » Il n’a aucune arrière-pensée, si ce n’est celle d’avoir un peu de compagnie amicale. Il n’a pas envie de rentrer chez lui, seul, pas envie non plus de marcher dans la rue parmi les inconnus.

Sport, c’est un beau domaine. Et puis ce n’est pas si mal d’être professeur de sport, d’après ce qu’on peut en dire ou en voir. Mais c’est une autre histoire. Quand on le voit comme ça, on se dit pas qu’il a vécu l’enfer, et pourtant. Mais comme il vient de le dire, le plus important c’est qu’il puisse se reconstruire, et ça semble bien partit pour que ça soit le cas. « - Vous avez déjà un bon boulot, et vous semblez bien repartit, donc je vous souhaite que ça continue. » Dit-elle en lui adressant un sourire. Beaucoup ont des difficultés à retrouver un emploi après la prison. Qu’ils soient innocents ou non d’ailleurs. Heureusement pour lui, il a sa place dans l’université, et ça n’est pas plus mal. Elle se réjouit de pouvoir faire son stage à la prison, pour pouvoir faire la différence entre la fiction et la réalité. Mais ça n’est pas quelque chose dont elle va parler pour le moment. « - C’est un bon costume. Par contre… Vous n’avez pas l’air si à l’aise dedans. » Elle se mord doucement la lèvre. Elle ne va pas lui mentir, il avait une allure un peu bizarre tout à l’heure. Mais s’il a envie d’en profiter, qu’il le fasse, il s’habituera sans doute. Elle ne peut s’empêcher de rire suite à sa question. « - Oui oui, des études. » C’est évident en soit, qu’elle fasse des études en étant étudiante. « - En psychologie, je suis en troisième année. » Dit-elle finalement, car c’est là le but de la question au final. Elle réfléchit un peu, écoutant sa proposition. Elle se mord la lèvre inférieure puis hoche la tête. « - Oui, il n’y a pas de mal j’imagine. J’accepte avec plaisir. » Après tout, ils ne font rien de mal en allant boire quelque chose. Alors c’est avec plaisir qu’elle le suit, au moins peut-être qu’elle pourra faire un peu plus connaissance avec lui.

« Pour tout dire, ça ne fait que deux semaines que j’ai pu récupérer mon poste. Le doyen ne voulait pas que je revienne, de peur que ma ‘réputation’ ternisse l’image de l’université. » Nell roule des yeux. C’est une des choses qui l’a fait tomber en dépression pendant près de 4 mois. Désormais, il n’a plus envie de vanter les mérites de son employeur. Il en a marre de cacher la vérité sur certains points pour tout dire, parce que si l’argent ne réparera pas tous les maux, la vérité peut le faire en partie. « Non pas trop en effet. Je suis plutôt jean chemise ou tee shirt en général… » Les seuls costumes qu’il a mis dans sa vie, c’était pour aller à des mariages ou autres cérémonies où on a besoin d’être sur son 31. Il n’a donc pas le naturel des hommes d’affaires, ce qui est bien dommage. « A en croire votre tête, j’dois avoir l’air d’un pingouin… J’aurais plus qu’à le mettre au placard en rentrant. » Il se met à rire, bon enfant. Il préfère autant qu’on lui dise la vérité, lui qui était persuadé avoir la classe. Au moins, maintenant il sait que ce n’est pas le cas. Le professeur hoche bientôt la tête quand elle énonce les études qu’elle fait. Elle a de quoi être fière. Puis, elle accepte le café qu’il lui propose, et il s’en voit ravi. Nell se met alors en route, toujours aussi peu à l’aise dans ses vêtements, en direction d’un café. Heureusement pour eux, il y en a un au bout de la rue dans lequel le français avait l’habitude d’aller avant son arrestation. Quand ils sont enfin installés, Nell reprend : « Psychologie donc… » Il fait mine de réfléchir alors qu’en réalité, il pense à Leevi, le psychologue qu’il a vu pendant plusieurs mois et chez lequel il continue d’aller de manière ponctuelle. « C’est une vocation ou… ? » Il fronce les sourcils. Il doit falloir avoir besoin de comprendre les gens pour faire ça non ? Ou bien l’envie de les aider peut-être ? Le serveur arrive et Nell commande un café pour lui.

Elle l’écoute puis soupire en levant les yeux au ciel. « - Les gens sont stupides. Et tellement pas ouvert d’esprit. Enfin, heureusement, il a quand même décidé de vous reprendre. C’est le positif. Et il me semble que ça se passe bien ? » Elle ne sait pas plus que ça. En tout cas, elle n’a rien entendu. Mais sans doute qu’il y a des bruits de couloirs, les gens ne peuvent pas s’en empêcher. C’est typiquement humain comme réaction. Mais quand même un peu dommage. Elle regarde le jeune homme attentivement, quand ils parlent de sa tenue. Elle rit doucement en se doutant bien qu’il ne met pas de costume tous les jours. Elle réfléchit un peu. « - Et bien, autant que vous soyez vous-même. Si vous aimez votre nouveau look. Gardez-le. Sinon, oui le placard. Jusqu’à une occasion spéciale qui sait. » Il y a toujours besoin de ce genre de tenue. Même si elle ne sort qu’une fois ou deux durant l’année. Elle a des vêtements comme ça également. En tout cas, il ne prend pas mal ses propos, et c’est ce qui compte. Elle ne dit pas les choses en mal, bien au contraire. Elle le suivit dans la rue, jusqu’au café dans lequel il l’emmène. Elle se pose avec lui rapidement, posant son sac sur le côté. Elle approuve d’un signe de tête. « - C’est bien ça. » Elle lui adresse un sourire finalement. « - Vocation ? Peut-être. En tout cas, l’envie de comprendre les autres surtout. Et de les aider. » Elle se tait quelques instants. Laissant le temps au serveur de prendre commande. Elle demande un chocolat chaud. Le laissant partir ensuite pour qu’il puisse aller chercher ça. « - Au risque de passer pour une folle. J’aime bien savoir ce qu’il y a au plus profond des gens. La police mets des gens en prison, sans savoir comment ils en sont arrivés à faire des choses horribles. Et je trouve ça dommage de ne pas s’y intéresser. Bien sûr on ne peut pas changer un psychopathe en une bonne personne. On ne peut pas excuser ses actes non plus. Mais l’expliquer quand même. » Elle se mord doucement la lèvre, avant de secouer directement la tête. Elle se sent bête de dire toutes ces choses, ce n’est pas très utile au final.

« Oui, aussi bien que je pourrais l’espérer disons. » Ni bien, ni mal en vérité. Nell n’a pas vraiment eu l’occasion de croiser la route de son employeur depuis sa reprise et parmi ses collègues comme parmi ses étudiants, il y en a des contents de revoir leur professeur préféré, et d’autres qui ont limite peur rien que lorsque leur regard croise celui de Nell. C’est comme ça, c’est la vie. Les esprits finiront par se calmer avec le temps et tout cela ne sera alors plus qu’une vieille histoire du passé, rien de plus qu’un lointain souvenir.

Les deux jeunes gens se retrouvent bientôt assis dans un bar où Nell s’interroge sur la vocation de sa compagne. Il l’écoute attentivement. Avant, il aurait compris son discours. Désormais, il a un peu plus de réticence, après avoir été aux griffes de certains de ces psychopathes. C’est toujours le dilemme lorsqu’on passe de l’autre côté de la barrière. On voit les choses autrement. « Je peux comprendre qu’on puisse avoir envie d’étudier des cerveaux différents, d’essayer de comprendre pourquoi ils sont comme ils sont. » Ça, c’est la vérité. « Par contre, j’avoue ne pas voir comment on pourrait expliquer leurs actes. Les expliquer viendrait à leur donner une ‘excuse’, trouver comme une raison valable alors que… même la démence n’excuse rien. » Elle avait bien parlé du fait que rien ne peut excuser leurs actes et pourtant, Nell ne peut pas s’empêcher de faire un lien entre tout ça. C’est son séjour en prison qui fait qu’il a aujourd’hui un discours aussi enflammé, c’est indéniable. Pourtant, il n’a aucune envie de gâcher l’ambiance de ce rendez-vous improvisé avec la demoiselle. « Je suis désolé… Je… Je crois que je suis plus marqué que je veux bien le laisser entendre. » Il baisse la tête. Niveau plombage d’ambiance… « Je crois que ça aurait pu me plaire quand même, ce type d’études, si j’avais pu en faire ! J’suis assez curieux en général et j’aime bien savoir ce qui se passe dans la tête des gens aussi… » Il reprend avec un peu plus d’humour alors que le serveur dépose la commande sur la table. Nell tend un billet à l’homme, lui indiquant de garder la monnaie.

Les choses s’oublient avec le temps, elles sont remplacées par d’autres choses. C’est un peu comme quand quelqu’un fait une énorme bêtise au lycée, l’adolescent pense que tout le monde s’en souviendra encore. Mais en réalité, ça n’est pas le cas, ils passent vite à autre chose. Mais la période d’adolescence est assez difficile, plus pour certain que pour d’autre par contre. Les yeux posés sur Nell pour le moment, elle en a peut-être un peu dit trop. La façon dont elle pense ne plaît pas à la majorité des personnes, elle le sait bien. Peut-être qu’elle est trop humaine, elle ne souhaiterait de mal à personne, même pas à un tueur en série. « - Sans doute oui. Mais il y a les personnes réellement mauvaises. Et les personnes victimes. Même une personne adorable au quotidien, peut avoir un moment très difficile. On excuse les femmes battues qui tuent leur mari. On excuse les pères qui tuent des pédophiles. Pourquoi on ne comprendrait pas, pourquoi un père de famille, rabaissé par ses proches sans cesse, en vienne à devenir si mal que la seule solution pour lui c’est de mettre un terme à leur vie. Oui c’est mal, oui c’est triste. Ce ne sont pas des choses qui se font, mais ça peut arriver à tout le monde. Ca n’excuse pas. Ca explique pourquoi il en est venu à faire un acte aussi terrible. » C’est un exemple parmi d’autres. Ces genres de personnes sont dangereuses, à cause de la personnalité qu’elles ont à l’intérieur. C’est pour ça qu’elles doivent être suivies, enfermées même. Elle réfléchit un peu puis reprend. « - Ne vous en faites pas. Je peux comprendre. Peut-être que je changerai d’avis après mon stage en milieux carcéral. Et je suis désolée également. C’est une position difficile à défendre. On n’est pas obligé d’être d’accord. » Elle hausse les épaules rapidement. Elle réfléchit un peu avant de rire doucement. « - Tout est toujours possible. Bon par contre, lire dans les pensées des gens, ce n’est pas possible. C’est bien dommage d’ailleurs. » C’est dans ce sens qu’il le disait non ? Enfin c’est comme ça qu’elle l’a compris. Elle aimerait tant pourtant. Des fois ça serait utile. Elle remercie le serveur puis pose les yeux sur Nell. « - Merci. » Dit-elle pour lui aussi. Elle tourne sa cuillère dans la tasse, regardant celle-ci un petit peu. « - C’était quoi votre métier de rêve quand vous étiez enfant ? »

Par rapport aux arguments que la jeune femme avance, Nell ne peut que plier. Il faut dire que ça ne manque pas de logique, si on écarte évidemment les personnes réellement mauvaises. Au fond, c’est surtout à eux que Nell pensait : ces psychopathes qui tuent de sang froid une victime au hasard en pleine rue par exemple. Si seulement ils pouvaient être tous comme Dexter et ne tuer que ceux qui mériteraient d’être tués… « Je vois ce que vous voulez dire. » Dit-il alors en hochant la tête. Après au final, qu’ils soient d’accord ou non a peu d’importance car dans la vie, les expériences que l’on vit font qu’on va avoir une perception des choses ou une autre, et ça, le professeur en a bien conscience. Il a toujours aimé pouvoir partager son avis, pouvoir débattre sur les sujets, exprimer une opinion plus ou moins détaillée sans qu’on ne le juge en retour. Lui sait faire cela, écouter, sans se fâcher. Il estime qu’il apprend des personnes en face, qu’elles le fassent alors changer d’opinion ou non d’ailleurs. Elles peuvent parfois lui donner des arguments pour appuyer ses théories, ou bien au contraire pour y réfléchir sous un nouvel angle. Bref, cette discussion, bien que le thème soit encore difficile pour lui, le ravit. « Vous avez raison, il n’y a pas besoin d’être d’accord. Néanmoins, je peux comprendre votre point de vue. Il se défend. » Il lui sourit, un peu naïvement, comme un homme venant de trouver une nouvelle conquête.  Nell est comme ça, il s’est toujours réjoui de peu, après avoir touché le fond, c’est normal. « Je serais curieux de savoir si votre opinion évolue après votre stage. J’espère que nous aurons l’occasion d’en reparler. » Il lui sourit plus longuement, d’un sourire plus appuyé cette fois.

« Je pense qu’on a tous rêvé un jour, d’avoir ce super pouvoir. » Cela le fait rire. Lui qui aime tout ce qui touche aux super-héros, forcément qu’il y a déjà pensé. « Mais j’imagine que ça doit être fatiguant aussi, parce qu’il y a des trucs qu’on aurait clairement pas envie de savoir. » Genre ses propres parents qui pensent à des choses pas très catholiques, ou bien des secrets qui pourraient mettre dans des situations délicates, ou qui serait bien trop lourds à porter. Au final, c’est à double tranchant. « La bonne solution serait d’avoir une sorte de bouton ON/OFF pour écouter que ce qu’on a envie d’entendre quand on a envie de l’entendre. » Annonce-t-il alors, persuadé que ce serait une bonne parade.

« Vous allez rire… Je voulais être camion de poubelle ! Pas éboueur, juste camion de poubelle. » Il se met à rire lui-même en pensant à cette anecdote. Combien de fois ses parents lui avaient expliqué qu’on ne peut pas être un objet, sauf que de son innocence d’enfant, Nell ne voyait pas du tout le problème… « A l’adolescence, j’avais envie d’être dans le commerce, et finalement, j’avais commencé une année de droit, avant de devoir tout arrêté. » En fait, il n’avait jamais trop su de quoi serait fait son futur.

Melyna lui adresse un sourire. Contente qu’il n’ait pas peur par rapport à ce qu’elle vient de dire. Ou peut-être juste qu’il ne le lui montre pas. Elle est toujours satisfaite de pouvoir partager son point de vue sans être jugée de toute façon. Le principal c’est qu’ils soient d’accords pour dire que chacun a droit à une opinion différente. « - Le vôtre aussi ce défend. » Dit-elle en souriant. Elle comprend très bien sa manière de voir les choses. Beaucoup de gens pensent ça de toute façon. Et elle n’a rien contre. C’est juste qu’elle aime beaucoup plus creuser le parcours des personnes qu’elle rencontre. C’est pour ça qu’elle a choisi ce métier. Pour venir en aide aux autres, même aux pires. « - J’espère aussi. Mais certainement. L’université n’est pas si énorme que ça. Il y a moyen de se recroiser. » Enfin, elle est tout de même grande mais ça passe encore. Puis maintenant qu’ils savent qui ils sont, ça devrait être plus facile. Enfin soit, elle laisse de côté la psychologie pour le moment. Se concentrant un peu plus sur le moment. Elle l’écoute et se mit à rire doucement. « - Mhh, le bouton serait la solution. Je suis bien d’accord. » Ca serait tellement magique. Mais elle n’est pas certaine d’avoir envie de partager ses pensées avec les autres. Elle préfère avoir ses petits secrets. Bien qu’elle n’en a pas beaucoup finalement.

Elle écoute la réponse à la question qu’elle a posée. Elle trouve ça intéressant. Elle se mit à rire doucement. « - C’est original au moins. ». Dit-elle en imaginant un peu. Elle garde un sourire amusé sur les lèvres, le laissant poursuivre. « - Devoir arrêter ? Il y a une raison particulière ? » Elle imagine beaucoup de raison. Elle ne sait pas vraiment si c’est un choix au final. Mais s’il lui a dit ça de cette manière, c’est sans doute que ça n’en était pas un. Elle sourit doucement en pensant à quelque chose avant de reprendre. « - Votre costume aurait très bien été sur un grand avocat. » Dit-elle surtout pour plaisanter. Mais ça lui aurait bien été en tout cas. Elle l’imagine avec la tenue, à la barre pour défendre un client.

C’est vrai que l’université n’est pas si grande à l’échelle de la ville mais pour autant, Nell est bien placé pour savoir qu’il lui arrive de chercher quelqu’un sans arriver à le croiser pendant plusieurs mois. Le mystère du destin. Peut-être aura-t-il un peu plus de chance cette fois. Puis, le voilà qui se met à rire. Décidemment, il a parfois des idées un peu étranges, bien que plutôt ingénieuses si on en croit son fort intérieur.

« La prison… » Il n’avait pas spécifié car il pensait qu’elle aurait fait le rapprochement, mais la preuve qu’elle a déjà oublié, ce qui n’est pas plus mal au final. Puis, il se regarde des pieds à la tête – ou en tout cas, l’endroit de son corps qu’il lui est donné de voir en dernier lorsqu’il baisse les yeux – et il se dit qu’elle a raison. « Oui, c’est vrai. Des fois, je me dirais que je devrais reprendre des études d’ailleurs. Ce n’est pas comme si j’en avais plus les moyens désormais. Mais au final, j’adore enseigner le sport. » Il sourit. C’est comme si malgré lui, il avait trouvé une vocation. « J’ai dévoré des tonnes de livres pendant mes années d’enfermement. J’adorais me cultiver. Et comme si c’était un comble, désormais je fais le seul métier où il n’y a jamais besoin du cerveau, que du muscle. » Il éclate de rire. Il n’avait jamais dit tout cela à haute voix, mais ça a quelque chose de libérateur. « Enfin, faut quand même que je réfléchisses à de supers stratégies pour les match de foot… » Il hoche la tête frénétiquement, tout en ayant un sourire malin. » C’est étrange de se confier ainsi à une inconnue, comme si le courant était tout de suite passé. « T’en pratiques toi, du sport ? »

En effet la prison. Elle aurait dû s’en donner. C’est quand même triste au final. Mais elle n’a pas envie de recenser toujours la même chose. Ce n’est pas drôle pour lui. Il aurait pu faire tant de chose sans cette période de sa vie. La justice n’est pas toujours très juste. Mais elle apprécie quand même ce domaine, c’est bizarre. Elle l’écoute, retrouvant un sourire franc et sincère quand elle entend la suite de ses paroles. « - Si ça te plait, tant mieux. » C’est le principal. Qu’il ne soit pas trop déçu. Il a tout de même un beau boulot. Et il est en contact avec des personnes à chaque fois. Il n’a pas opté pour le boulot dont personne ne veut. Elle secoue la tête doucement à ses mots. Elle pense exactement comme lui, mais il l’a dit avant qu’elle ne puisse le dire. « - Voilà, exactement. Tu dois quand même réfléchir à des stratégies. Et faire des plannings. Ce n’est pas que du muscle voyons. Il ne faut pas se rabaisser. » Il ne pense pas qu’il soit stupide. Au contraire. « - Tu as découvert la lecture là-bas, ou tu lisais déjà avant ? » Elle s’intéresse. Afin de savoir un peu les goûts qu’il a. S’il aimait vraiment lire avant. En tout cas, sans doute que ça lui a permis de moins voir le temps passer. Elle boit légèrement, restant concentrée. « - Je faisais de la danse avant. Maintenant, je cours de temps en temps. Mais je ne fais plus autant de sport qu’avant. Enfin, je ne trouve pas le temps. » C’est surtout ça. Entre les cours et le babysitting, parfois c’est difficile. Mais elle devrait peut-être y repenser.

Nell hoche la tête. Oui, il n’a pas aujourd’hui, la vie dont il révait lorsqu’il était ado mais franchement, pour qui est-ce vraiment le cas ? Il ne s’en sort pas trop mal et c’est clairement le plus important. « Là-bas, je dirais. » Il avait déjà ouvert un livre avant bien entendu, mais ce n’était pas une de ses priorités de l’époque, préférant clairement les jeux vidéos aux longues lignes couchées sur des pages. « Quand on n’a rien d’autre à faire, on se découvre de sacrées passions. » Il se met à rire. L’expérience n’a pas eu que du mauvais quand on y pense, mais il n’a pas envie de ne faire que de parler de ça puisque cela reste une période de sa vie qu’il préfère oublier. « C’est vrai que tu as les lignes pour la danse. » Lui lance-t-il, tel un compliment, avec un large sourire affiché sur son visage. « Si jamais tu as besoin de te motiver, t’as qu’à me rejoindre pour mon jogging matinal au Zilker Park. » Une invitation tombée de nulle part, lui qui cherchait depuis tout à l’heure un moyen de la revoir. Peut-être qu’elle ne prendra pas la perche mais en attendant, il aura au moins tenté. Et le connaissant, au pire des cas, il trouvera bien un moyen de proposer autre chose d’ici qu’elle s’en aille, ou bien il pourra toujours cambrioler le bureau du doyen pour trouver les coordonnées téléphoniques de la demoiselle… Option dangereuse mais faisable…
De nouveau, il boit une gorgée de sa boisson qui en est déjà à la moitié, à croire que parler donne soif. « T’es native d’Austin ou t’es là uniquement pour tes études ? » lui demande-t-il bientôt.

Là-bas, voilà sa réponse. Elle sait bien que beaucoup ne sont pas adeptes des livres de toute façon, d’où la question. Elle en lit de temps en temps, mais ça n’est pas sa priorité non plus en ce moment. Si elle ouvre un bouquin, c’est pour ses cours, et ça n’a pas vraiment la même valeur qu’un roman par exemple. « - Et quoi, tu comptes poursuivre ou tu ne veux plus lire du tout ? » Elle sourit, de manière amusée. Elle s’intéresse à lui, ce qu’il fait. Sans doute que ça ne la regarde pas, mais elle tente toujours, on ne sait jamais. En dehors de ça, ils aiment quand même le sport tous les deux, même si elle n’en pratique plus aussi souvent qu’elle le souhaiterait. [color:3d02=cc0033]« - Merci c’est gentil. » Elle sourit un peu plus timidement, mais ne reste pas gênée pour autant. Elle n’a pas l’habitude des compliments, sauf de son père, mais ça n’est pas la même chose puisqu’il l’a voit comme une princesse. « - Oui pourquoi pas. Avec plaisir, ça pourrait éventuellement me motiver ! » C’est mieux que de courir seule en tout cas. Puis elle peut se donner un peu de temps pour ça. Et Nell n’est pas désagréable, au contraire. Même si elle n’est pas certaine que ça soit autorisé par le règlement de l’université. « - Non. Enfin, je vis maintenant à Austin, mais je suis née et j’ai vécu jusqu’à mes 15 ans à Los Angeles. Et toi, tu es d’ici ou d’ailleurs ? » Elle lui sourit rapidement. Los Angeles, des fois elle a envie d’y retourner, mais d’autres non. Elle n’a pas spécialement envie de croiser sa mère, bien que ça soit presque impossible dans un endroit comme celui-là. Peut-être que pendant les vacances une fois, elle y retournera mais ça n’est pas d’actualité.

« Je crois que si on se tient au bouquin qui se tient sur ma table de chevet depuis trois mois et dont je n’ai lu que le premier chapitre… » Nell fait mine de réfléchir, mais au fond, cette discussion est tout ce dont il a besoin pour se changer les idées et lui redonner le sourire. « Disons que je suis plutôt mitigé sur mes intentions. » Il se met à rire. Il n’a jamais prévu de ne plus jamais lire, mais force est de constatée que sa passion pour le papier s’est estompée à sa sortie de prison et qu’il ne prend désormais plus le temps de se poser devant un livre au point de le dévorer en une nuit. Il a toujours cette petite voix en lui pourtant, qui a envie de s’y mettre, mais il l’écoute bien rarement. « MAIS je sais ce que je dois aux livres et rien que pour m’avoir évité l’ennui et l’ignorance, je les vénèrerais toute ma vie. » Continue-t-il sur le même ton amusé, tout en joignant ses mains comme s’il était en train de faire une prière pour remercier ces fameux pavés de page.

Puis, le voilà qui propose à Melyna de courir avec elle, ce qu’elle semble accepter volontiers pour le plus grand plaisir de Nell. « J’ai vécu en France jusqu’à il y a trois ans en fait. » Quand il y pense, il est arrivé là sans parler correctement anglais et il a mis tellement d’efforts à la tache, afin qu’on ne le reconnaisse pas, qu’il a même réussi à cacher son accent progressivement, jusqu’à pouvoir se faire passer pour un véritable austinien désormais. « Mais je n’ai plus du tout envie d’y retourner. Austin est ma nouvelle maison désormais. Je me suis construit une nouvelle vie ici que je n’échangerais plus pour rien au monde. » Il regarde autour de lui, comme s’il cherchait à déposer son amour pour la ville sur chaque pierre des façades des bâtiments. « Et puis, il y a de charmantes étudiantes ici, bien plus qu’à Paris. » Il se met à rire. La dernière fois qu’il a joué à ce jeu là, il s’en est mordu les doigts et son cœur s’en souvient d’ailleurs encore vu que ce n’est pas si vieux. Mais on ne le refera pas… « Par contre, quitter Los Angeles, la mer et tout… Ça je comprends beaucoup moins. » Annonce-t-il amusé.

Elle écoute sa réponse, tout en souriant et hochant la tête. « - C’est le cas pour beaucoup de personnes je pense. De ne pas prendre le temps pour lire. Il y a tellement de choses à faire en même temps. » Elle non plus ne prend pas du temps pour ça. Elle préfère faire d’autre chose. Mais ça lui arrive, quand un livre l’intéresse vraiment, de finalement laisser tomber le reste, juste pour ça. « - Ils en ont de la chance. » Dit-elle de manière amusée, surtout face à son geste, plus qu’à ses mots. Heureusement que les livres étaient là à l’époque. L’ennui peut rendre fou, ou faire naître des idées. Il faut laisser place à l’ennui, surtout pour les enfants, ça laisse place à l’imagination. Ce sont des choses qu’elle a appris durant ses années d’études, et qu’elle continue encore d’apprendre. C’est peut-être pour ça que les idées viennent plus facilement quand on est couché au lit, pour aller dormir.

« - Ah bon. Je ne l’aurai pas dit. » Avoue-t-elle finalement un peu surprise quand même. Mais elle le croit, elle ne voit pas pourquoi elle ne le ferait pas de toute façon. « - Je n’ai jamais été en France. » Dit-elle, bien que ça n’a pas tellement d’importance. Elle ne sait pas parler le français. Elle comprend juste quelques mots, sans plus. En tout cas, les français semblent avoir du charme. Peut-être qu’elle devrait s’y intéresser davantage. « - Même pas pour la famille ? Ou des vacances ? » Elle ne connaît encore rien de lui. Elle ne sait pas ce qu’il en est de sa vie privée. On peut dire que ça ne la regarde pas spécialement, mais elle a envie d’en apprendre encore plus sur lui. Elle se mit à rire légèrement avant de se mordre la lèvre. « - J’imagine qu’il y en a de jolies oui. » Elle hausse les épaules avant de reprendre. « - Ce n’était pas spécialement un choix. J’avais tous mes amis là-bas. Mais mon père a trouvé du boulot ici. Je n’avais pas d’autre choix que de le suivre. Et puis, ça l’a rendu plus heureux. Alors même si ça a été difficile au début, ça n’est pas plus mal. » Il a oublié sa femme, la mère de Melyna, ce n’est pas plus mal. Il a refait sa vie avec une personne adorable, qui le rend heureux et qui est là pour lui. « - Puis, LA donne parfois des idées tellement folles que tu en oublies tes proches. Le rêve de gloire tout ça… C’est pas vraiment une bonne chose. » Finit-elle par dire.

« Oh si, pour quelques semaines pourquoi pas. » Il s’était toujours dit qu’il faudrait qu’il retourne voir ses parents. Il y avait pensé immédiatement après sa sortie de prison mais n’en avait jamais trouve le courage, par peur du jugement. Ils se sentaient coupables de ne pas l’avoir soutenu, et il y avait de quoi… Mais bon, il serait temps que tout le monde se pardonne et que Nell fasse enfin le premier pas, plutôt que de simplement éviter leurs appels depuis des mois.

« C’est vrai que vu comme ça… » Oui, une ville qui donne des ailes. A l’époque, Nell avait fait le choix volontaire de se diriger vers une ville plutôt conséquente où il pourrait se fondre dans la masse, mais une ville qui n’envoie pas trop de rêve non plus, pour qu’on ne le retrouve pas trop facilement. Austin s’était avéré être un choix stratégique avec sa proximité avec le Mexique…

Les deux jeunes continuent de parler un bon moment avant de partir chacun de leur côté, dans l’espoir de se revoir rapidement, du côté de Nell tout du moins.

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