La rue des bars est un endroit très fréquentés par les étudiants, même si la loi stipule qu'il est interdit de consommer et de vendre de l'alcool aux personnes de moins de 21 ans. Les plus âgés rentrent sans problèmes, les plus jeunes essayent de se faufiler, à moins qu'ils n'aient les moyens de se payer de fausses cartes d'identités assez crédibles pour ne pas s'attirer d'ennuis.

Quoiqu'il en soit, c'est au Nobody's Bar que Tristan et son date du soit ont décidé de se rejoindre, après quelques jours à papoter via Tinder. Le jeune homme a mis un chino vert olive ainsi qu'une chemise en lin retroussée aux manches. Casual chic, ou un truc dans le genre. Il n'a jamais été très porté sur la mode, sans non plus s'habiller comme un sac à patates.

Accoudé au bar, il attend patiemment la belle Mathilde. Il attend, et attend, et attend encore, avant de se rendre à l'évidence, la Française ne viendra pas. Il vérifie son téléphone une dernière fois et... oui, elle l'a supprimé de ses matches. Encore une soirée qui tombe à l'eau.

Avec un soupir, il commande une nouvelle bière, l'air maussade. La plupart de ses amis sont casés, certains commencent même à avoir des enfants et lui galère même pour un premier rendez-vous. Complètement désespérant.

Spoiler:

Perdu dans ses pensées, ruminant sur sa vie sentimentale désastreuse et chaotique, Tristan ne prête aucune attention à la demoiselle qui s'installe au bar juste à côté de lui. Jusqu'à ce qu'elle le bouscule en grimpant sur le tabouret haut bien trop grand pour elle, et qu'il renverse une bonne partie de sa bière sur le comptoir déjà plus très propre. Il tente d'éponger tout ça avec une serviette en papier qui traîne mais le liquide se répand trop vite et il est horrifié en voyant que ça risque de couler sur les beaux habits de la jeune fille. "Oh non, je suis désolé," s'excuse-t-il à son tour alors qu'il est bien conscient que ce n'est pas vraiment de sa faute. Tristan se demande parfois s'il n'a pas du sang canadien, à cause de cette politesse excessive qui ne le quitte jamais. C'est parfois fatigant, pour lui comme pour les autres.

Il attrape d'autres serviettes et ça fait une espèce de bouillie informe sur le comptoir du bar. Le barman, d'ailleurs, n'a pas l'air très amusé et Tristan sent le rouge monter à ses joues. L'espace d'un instant, il en oublie même ses soucis, et puis... Oh. Serait-ce la fameuse Mathilde? Il fait un peu plus attention au visage fin de la jeune femme et secoue la tête, se répondant à lui-même. Trop blonde. Et puis, pas d'accent français à couper au couteau. Non pas que tous les français parlent anglais avec un accent catastrophique, mais presque, d'après son expérience qu'il admet plus ou moins limitée. "Je... euh... Je peux te payer un verre pour me faire pardonner, peut-être?" demande-t-il avant même de réfléchir. Elle pourrait prendre ça comme une tentative de drague complètement foireuse... Mais non, toujours cette politesse presque maladive. D'un côté, ça pourrait peut-être sauver sa soirée, qui sait. Et comme dirait Ezekiel, au pire, un rateau c'est pas si grave. Comme quoi, peut-être qu'Eze ne dit pas toujours que des conneries.