Ce que Meredith adore, en travaillant à l'université, c'est le nombre de jours par semaine où elle n'a pas à être présente. C'est vraiment quelque chose qu'elle ne regrette pas, quand elle compare son ancien travail, à San Francisco, à l'hôpital général. Grâce à cet emploi du temps loin d'être aussi chargé que celui des élèves qu'elle rencontre encore assez fréquemment, Meredith peut s'adonner à presque toutes les activités dont elle a envie, et en semaine de surcroît. Comme de se rendre au spa, par exemple. Il n'est qu'à quelques pas de chez elle, mais aujourd'hui, c'est la première fois qu'elle y met les pieds, trop habituée à celui qui se trouve près de chez ses parents, où elle y va encore de temps en temps avec sa chère mère.

Meredith se change bien vite, en arrivant dans l'établissement. Désormais en maillot de bain une pièce, elle enferme ses affaires dans un casier au nombre pair, très important pour elle, et attache la clef à son poignet grâce au bracelet fourni, avant de passer à la douche obligatoire. L'eau y est froide, mais Meredith ne grimace pas. Elle est là pour se détendre, point. Pour un jour de semaine, l'infirmière trouve qu'il y a quand même foule... Elle s'installe dans le jacuzzi, histoire de commencer par quelque chose qui la détendra à coup sûr. Elle ne remarque presque pas que les gens autour d'elle sont groupés par deux. Des couples. Des couples partout. Et Meredith qui est seule. Mais elle s'en moque pas mal. Elle ferme les yeux, essaie de se concentrer sur la musique douce qu'on peut entendre par les hauts-parleurs quelque part près du plafond, dans ce temple de la sérénité. Les gens parlent à voix basse, ça aide pas mal. L'ambiance est tellement agréable que Meredith ne sent même pas la lumière du jour à travers ses paupières, qui passe par la grande verrière surplombant l'endroit.

Une voix la sort de la torpeur qui commençait à s'emparer d'elle, l'eau chaude y aidant grandement. Elle ouvre à peine un oeil, et a un violent mouvement de recul en reconnaissant un homme avec qui elle s'est réveillée chez elle il y a quelques semaines, et qui était devenu très violent envers elle, sans aucune raison. Meredith avait eu la peur de sa vie, et avait dû se faire violence pour ne pas aller porter plainte contre lui. De le voir ici, complètement par hasard, la paralyse. Elle n'arrive presque pas à répondre, jusqu'à ce qu'un homme de la quarantaine, qu'elle a bousculé en se jetant en arrière pour s'éloigner du dénommé Elijah, lui demande si elle va bien. Meredith ne remarque même pas que cet homme a posé sa main sur son épaule, en lui parlant. Elle se décale un peu pour reprendre sa place sur le rebord immergé, non loin de la place qu'elle occupait juste avant. La femme de l'homme lui demande à son tour si tout va bien, et Meredith la regarde en hochant la tête, avant de reporter son attention sur Elijah, qui a fermé les yeux. L'infirmière se demande quelques instants si elle doit lui répondre ou non. Ils sont dans un endroit public, il y a donc peu de chances qu'il tente de lui faire à nouveau du mal. D'autant plus que des maîtres-nageurs surveillent l'endroit. Meredith se détend un peu.

- Je suis arrivée ici avant toi, donc techniquement, c'est moi qui ne peux pas avoir un moment de répit, claque-t-elle sèchement.

Que cet individu se moque encore de Meredith et dans un lieu public de surcroît a tendance à la faire vite monter en pression. Elle se met directement sur la défensive et s'éloigne encore un peu, de quelques centimètres. Parce qu'on ne sait jamais.

- Non tu ne m'as pas manqué, bien au contraire, répond la brunette en haussant les épaules.

Qu'il l'attaque sur son physique ne touche pas Meredith. Elle sait bien qu'elle n'a aucun kilo en trop, qu'elle est plutôt du genre à frôler le physique en sous-nutrition même en ayant une alimentation plus que correcte. Elle ignore Elijah, car prendre la peine de gâcher de la salive pour répondre à une telle personne ne servirait à rien du tout. Il n'y a que les lâches qui attaquent les gens sur leur physique. C'est qu'ils n'ont rien d'intéressant à dire, et qu'ils veulent seulement embêter leur monde.

- J'en profitais, avant de voir ta sale gueule, répond-elle en se mettant à nager vers la sortie du jacuzzi.

Autant changer d'endroit. Cette eau est polluée par la bêtise et la méchanceté, et Meredith n'a aucune envie de se prendre la tête aujourd'hui. Elle n'adresse pas un seul regard de plus à l'idiot du village et s'en va, en direction des salles de sauna et hammam. Elle récupère au passage sa serviette et l'accroche en dehors d'une salle de hammam dans laquelle elle rentre ensuite. Elle s'assied près d'une vieille femme et s'appuie contre le mur mouillé, en croisant les doigts pour qu'Elijah ne l'ait pas suivie, auquel cas elle ira se plaindre auprès de la sécurité. Elle n'a pas à se laisser harceler de la sorte.

Quelques secondes à peine après que Meredith s'est assise dans le hammam, la porte s'ouvre pour laisser passer une silhouette masculine. Tellement habituée à ce que rien ne se passe comme elle l'avait prévu, l'infirmière n'est même pas surprise de reconnaître la voix de l'autre abruti qui l'a évidemment rejointe. Elle roule des yeux sans même s'en cacher, puisque de toute façon elle sait très bien qu'il la suit uniquement pour l'embêter. Elle fait mine de ne pas entendre, lorsqu'il l'insulte à nouveau. Elle va vraiment finir par en prendre l'habitude... Mais elle se rassure en se disant que s'il continue de la harceler, elle pourra mener cela en justice. Un sourire narquois naîtrait presque sur ses fines lèvres, au même moment où il s'en prend à la vieille dame à côté d'elle. Celle-ci n'a pas autant d'endurance que Meredith et s'en va immédiatement, ce qui inquiète l'infirmière qui ouvre un oeil, se demandant si elle ne ferait pas mieux de l'imiter.

Elle est prête à la suivre mais Elijah finit par descendre du banc en hauteur sur lequel il s'était mis pour venir se coller à Meredith, en se couchant à côté d'elle avant de poser sa tête sur ses genoux. Ne l'ayant pas prévu, Meredith ouvre grand ses deux yeux et donne un grand mouvement de recul à son corps alors qu'il lui demande si elle tient le coup. Elle se dégage et se lève, avant de se précipiter vers la porte, de l'ouvrir et de se retourner en sifflant :

- Là, ça suffit.

Aucun énervement dans sa voix, juste une grande lassitude. Meredith referme simplement la porte, récupère sa serviette et commence à marcher vers le poste de secours. Elle a pensé pendant un instant se rendre au vestiaire pour écourter son après-midi qui ne l'aura finalement pas autant détendue qu'elle ne l'aurait souhaité, mais elle n'a aucune envie de risquer une nouvelle agression. Il vaut mieux qu'elle reste entourée. De loin, elle voit qu'une femme se trouve au poste de secours, dans une cabane en plastique un peu surélevée, au-dessus du plus grand bassin à remous. Elle s'enroule dans sa serviette, et, une fois arrivée près d'eux, expose calmement son souci, sans montrer aucun signe de panique, même si au fond d'elle, un ouragan se déchaîne.

Meredith se fait rire au nez, quand elle raconte que quelqu'un la harcèle. Peut-être est-ce dû à son manque d'émotions lorsqu'elle expose son souci... L'un des maîtres-nageurs lui conseille même de se rendre plutôt à la piscine municipale, où se trouvent les bassins pour enfants. Vexée comme un pou, Meredith finit par s'en aller sans demander son reste, pour tenter de retourner à son moment de détente, en espérant que cette absence de tout bassin et toute activité aura découragé Elijah quant à son désir de titiller Meredith qui n'a rien demandé. Elle ne peut pas s'empêcher de regarder partout autour d'elle, à la recherche du moindre bout de touffe de cheveux qui pourrait ressembler à ceux d'Elijah. Rien à l'horizon, apparemment. Meredith décide de poser sa serviette dans une alcôve à côté de l'un des bassins, quand son regard croise celui d'Elijah, qui visiblement est en train d'avancer vers elle. L'infirmière a un mouvement de recul, mais il ne semble plus être aussi haineux que tout à l'heure. Du moins, c'est le ressenti de Meredith. Et en plus, il a dans sa main deux canettes de cola ainsi que des fleurs... venant de l'un des pots de décoration qui se trouvent un peu partout dans le domaine thermal ? La brunette a presque envie de sourire lorsqu'il les lui tend en lui demandant de lui pardonner. Il a apparemment envie de jouer la carte de l'humour, mais pas aussi noir que ce dont Meredith a l'habitude en sa présence. Il fait mine de se présenter, et parle de lui comme d'un connard égocentrique et méprisable. Exactement les mots que l'infirmière aurait pu employer si elle avait été d'une telle vulgarité... Elle reste interdite, ne sachant quoi répondre, jusqu'à ce qu'il se dirige vers le bassin le plus proche, sa canette de cola à la main. Meredith l'interpelle en lui montrant d'un signe de la main sa canette de cola.

- Tu comptes aller où avec ça ? fait-elle d'une voix sonore pour qu'il entende malgré le bruit continu et fort d'écoulement d'eau provenant d'une fontaine aux alentours.

Elle est peut-être trop gentille. Meredith n'aime pas la violence, et encore moins la violence verbale. Être désagréable de façon humoristique ne la dérange pas, parce qu'il y a derrière une réelle amitié. Mais avec Elijah... Meredith sait qu'elle ne peut pas danser sur ce pied-là avec lui. Faire table rase semble être plus convenu. Ils ont eu un mauvais départ, et Elijah a eu, chez Meredith, une très mauvaise descente d'alcool. Peut-être qu'il n'est pas si mauvais qu'il en a l'air. Ou peut-être l'est-il réellement, et souhaitait-il la manipuler pour qu'elle ne lui cause pas de problèmes judiciaires ici ou ailleurs...

- Je vais aller m'asseoir dans le jardin, lance-t-elle avant d'entamer une marche lente vers cet endroit à l'extérieur qu'elle a repéré un peu plus tôt.

Des gens sur des transats, de petites tables en fer forgé peintes en blanc et décorées, quelques parasols... Et de belles chaises en plastique. Meredith choisit un endroit assez éloigné du bassin extérieur, qui communique avec le plus grand de l'intérieur au moyen d'une rivière sauvage d'eau mouvante, et surtout un espace où deux transats sont disponibles. Elle s'asseoit en travers de l'un d'eux. Elijah, contre toute attente, ne tarde pas à la rejoindre. Meredith n'a pas encore vraiment souri, depuis qu'il l'a alpaguée quelques dizaines de minutes plus tôt. Mais là, elle est presque disposée à le faire.

- Je ne t'ai pas remercié pour... ça, alors, merci, souffle-t-elle en cachant un peu les fleurs derrière son dos pour que les surveillants ne fassent pas le rapprochement avec la décoration du spa.

Elle meurt d'envie de demander à Elijah pourquoi un tel revirement de situation, mais elle ne sait pas vraiment comment elle doit se comporter avec lui. A la place, elle ouvre sa canette, attend qu'Elijah fasse de même, et la tend vers lui pour qu'il trinque avec elle.

Très étrange, ce retournement de situation. Elijah a pris Meredith de court, qui s'attendait à ce que cette journée ne fasse qu'empirer. Il joue les modestes, en plus, alors qu'il a pris une initiative qui, Meredith s'en doute, n'a pas dû être facile à prendre. Elle regarde le brun s'allonger sur le transat à côté d'elle, et fermer les yeux. Elle pourrait l'imiter, mais elle est bien trop préoccupée. Il finit par ouvrir la bouche, mettant un terme aux pensées tournoyantes de Meredith. Un sourire naît sur les lèvres de cette dernière.

- Tu as fait un mauvais trip, ça arrive à tout le monde, même à moi, mais je peux t'assurer que ce dont tu m'as accusé ne s'est pas passé, répond Meredith, avant de boire une gorgée de son soda. "Oui, très difficile à croire..." élude-t-elle ensuite.

Elle n'est pas mécontente que cette relation s'améliore un peu. Peut-être que, finalement, Elijah est quelqu'un de gentil. Meredith pourrait presque lui pardonner de lui avoir défoncé son mur. Elle a déjà fait faire les réparations et croyait ne plus jamais croiser le responsable, mais la vie en a décidé autrement. Est-ce une chance pour recommencer ?

- On repart à zéro, alors ? demande Meredith, en croisant les jambes, toujours pas décider à s'allonger à son tour.

- Alors partons sur ça, conclut Meredith, qui se retient de lancer le presque cliché "Bonjour, je suis..." qu'on voit toujours dans les films et les séries, quand les personnages se disent qu'ils vont tout recommencer à zéro entre eux.

Inutile de passer encore plus pour une dingue. Meredith laisse son coude se faire soutenir par son genou croisé au-dessus de l'autre, et plonge son menton dans le creux de sa main, sa canette dans l'autre. Elijah lui fait une remarque qui la fait sourire. Sa personnalité est vraiment spéciale, finalement.

- Je sais bien, répond-elle.

Quelques instants se passent. Le silence n'est pas si gênant que ça, après les méchancetés qui ont fusé entre Elijah et Meredith. Cette dernière trouve qu'elle en a pris plein la tête pour pas grand chose, et qu'elle n'aurait peut-être pas dû pardonner si facilement au jeune homme, mais elle est une bonne pâte et essaie de ne pas se montrer aussi rancunière qu'elle l'aurait été d'ordinaire. Elle pardonne, mais n'oubliera pas.

- Un café ? Ca peut se faire. Je ne sais même pas dans quoi tu bosses, toi, lui lance-t-elle en s'allongeant enfin, après avoir déplacé les fleurs jusque sous le transat.

Meredith les remettra certainement discrètement dans l'un des pots de l'établissement. Elle se verrait mal garder un bouquet aussi étrange, et surtout volé... Le geste d'Elijah partait d'une bonne intention, et cela, elle ne le remettra pas à sa place.

Elijah n'a pas les mêmes horaires que Meredith, à ce qu'elle comprend. Peut-être que le café se transformera en bière ou en cocktail, à force de ne pas pouvoir trouver de créneau commun. Quand Meredith commence le boulot tôt le matin, elle n'a pas forcément envie de bouger de son appartement le soir... Même si ce n'est pas tard. Elle préfère amplement profiter des heures de sommeil dont elle a besoin pour ne pas ressembler à un zombie. Etant donné qu'elle n'est pas très en chair, son visage prend très vite les marques de fatigue, et tout le monde le voit.

- Jamais entendu parler, souffle-t-elle, heureuse de sentir le soleil sur sa peau nue.

La question suivante d'Elijah fait sourire Meredith. Elle s'apprête à lui répondre qu'elle ne peut présentement pas se rappeler de toutes les têtes qui peuvent passer à l'infirmerie. Elle peut reconnaître quelques visages qui viennent souvent pour des problèmes de santé chroniques, mais en général ce sont ceux qui sont inscrits dans un certain fichier que Meredith doit bien connaître en cas d'urgence. Elijah la coupe dans son élan de réponse en lui demandant directement si elle connaît une certaine Albane. Meredith réfléchit quelques secondes et secoue la tête, sans se demander si Elijah peut capter son geste.

- Ca ne me dit rien. Je suis désolée. Pourquoi cette question ? s'intéresse Meredith, curieuse de savoir pourquoi Elijah veut savoir si elle connaît cette fille-là.

Meredith ne peut pas s'empêcher de sourire aux paroles d'Elijah. Vu comme il parle de la jeune fille sur laquelle il a demandé des informations à l'infirmière, il a l'air de s'en être épris. Meredith se demande quelques secondes si elle doit lui en toucher un mot ou non. Malgré le fait qu'il a décidé d'enterrer la hache de guerre imaginaire entre eux, Meredith continue de se méfier des réactions qu'il pourrait avoir envers elle si elle lui parle de quelque chose dont il ne souhaiterait pas parler. Elle n'y peut rien, c'est un réflexe de survie.

Le fait qu'Elijah demande à Meredith juste après si quelqu'un l'intéresse dans cette ville lui fait comprendre qu'elle n'était pas loin en pensant que la jeune fille dont parlait le brun était une fille qui l'intéressait. La discussion est menée sur un ton très léger, et après la désagréable expérience de tout à l'heure, Meredith est bien heureuse de pouvoir enfin réellement se détendre.

- Pas de relations sérieuses récentes. Je n'en ai jamais eues, d'ailleurs. Je ne suis pas le genre de fille qui s'éprend facilement de quelqu'un... laisse traîner Meredith. "Ce qui ne m'empêche pas d'avoir une vie charnelle tout à fait satisfaisante. Et toi ? Cette Albane t'intéresse, du coup ? Tu l'as rencontrée comment ?"

- Je suis d'accord avec toi, concernant les liens. Ils se forment sans qu'on le veuille vraiment, j'imagine... fait Meredith d'une voix douce. "En tout cas, de ce que j'en ai vécu !"

Toutes ses pensées, à cet instant, vont à son ancien colocataire, de San Francisco. Ils ont vaguement entamé quelque chose ensemble. C'était physique, au début. Ca l'a toujours été. Mais Meredith a ressenti un manque, en arrivant à Austin. Elle a jamais réussi à mettre le doigt dessus. Le faire lui aurait peut-être causé d'inutiles souffrances, aussi elle n'a pas cherché plus loin. Aujourd'hui, ils gardent à peine contact par texto, et il ne lui manque presque plus. Personne, à part sa famille et quelques amis, ne lui manque d'habitude.

Elijah répond tout naturellement à Meredith. Après tout, lui s'est montré curieux envers elle. Aucune raison qu'elle ne lui renvoie pas l'ascenseur en s'intéressant un peu à sa vie ! Seulement, elle a rapidement l'impression de l'avoir agacé. A croire qu'il lui en faut peu... Bonne pâte malgré tout, Meredith ne pose aucune question supplémentaire, et se contente de répondre :

- C'est un bel instrument, le violon. Le piano aussi. Je ne t'imaginais pas jouer du piano, tu vois !

Nouveau sourire sur le visage de l'infirmière. Elle le perd cependant bien vite quand elle remarque qu'Elijah s'est levé. Il lui dit qu'il a froid, qu'il veut chercher un endroit plus chaud. Meredith s'apprête à le suivre, mais est stoppée dans son mouvement par la phrase suivante du brun, l'informant qu'il compte méditer. Meredith prend ça comme un au revoir et ne s'en formalise pas.

- Si un jour t'as envie de boire un café, tu peux essayer de me trouver sur le campus ! lance-t-elle à son tour avec un signe de la main.