C’était encore une de nos soirées étudiantes que Willow affectionne tant, mêlée à une bonne action, et sans doute la seule occasion de toute l’année, voir de toute une vie, de faire la fête dans un lieu aussi sacré. Comme pour tous les autres événements liés à la porte ouverte, la jeune femme a répondu présente et c’est déguisé en reine des années 1800 qu’elle débarque à l’église ce soir là. Elle compte bien boire – avec modération – s’amuser et trouver des trucs fous à faire. Coup de chance, tout le monde semble être dans l’ambiance ! Ca promet ! Elle commence à se mettre dans la peau de son personnage, et demande à des hommes qu’elle prend pour ses serviteurs de lui ramener de quoi boire. Pour son plus grand plaisir, les voilà qui s’exécutent, les uns après les autres, comme si personne ne pouvait lui résister. Elle est si forte à ce jeu, avec son petit air malin et sûre d’elle, charmeuse surtout. On pourrait facilement y croire, qu’elle pourrait donner son cœur à n’importe qui. Puis, à un moment donné, ce petit jeu ne lui plait plus tant que ça, et elle décide de passer à la vitesse supérieure. Il y a cette serveuse qu’elle a repérée depuis un petit moment maintenant, qui ne cesse de passer entre les convives. Sacrément sexy que Willow en baverait presque, si elle ne tentait pas d’être une femme respectable à la hauteur de son costume ce soir. Bientôt, elle accoste une nana au hasard, seule comme elle visiblement. « Dis, tu connaitrais pas personnellement la serveuse là-bas par hasard ? » Bah quoi, tous les moyens sont bons pour se renseigner et notre étudiante n’a pas froid aux yeux…

Le chagrin peut pousser à faire vraiment des choses stupides. Les yeux rivés sur son verre, assise au bar, elle est plongée dans ses pensées. La vision de son frère dans ce lit d’hôpital, assisté pour respirer lui retourne encore le cœur. Elle voudrait le veiller jour et nuit, jusqu’à ce qu’elle voit de nouveau son regard si pétillant de vie. Pourtant, elle ne peut pas. Qui aime les hôpitaux ? Certainement pas la majorité du commun des mortels, donc en attendant, elle essaie de retrouver un semblant. De toute façon, son frère n’aurait pas voulu qu’elle s’arrête de vivre, elle en est convaincue. Il y a quelques jours, elle avait vu à la sortie d’une des conférences de l’université, cette affiche annonçant une grande soirée étudiante au thème prometteur de « haut de forme & robes longues ». Elle avait envisagé la question des heures durant, hésitant si c’était réellement une bonne idée de se fondre dans la masse étudiante et d’essayer de penser à autre chose que ces alarmes émanant du service de réanimation. Finalement décidée, la voilà à la soirée. Toujours assise au bar, devant un mojito, elle ajuste son haut de forme. Oui, elle a pris le contre-pied de la plupart des filles présentes à la soirée. Sa tenue, très clairement inspiré du style steampunk, lui va plutôt bien. Son haut de forme clair met en valeur ses longs cheveux ébènes, lâchés sur ses épaules. Elle entame donc son deuxième verre et se demande finalement, qu’est-ce qu’elle fait ici. Elle allait se lever quand une jeune femme, habillée à l’opposé de son style de la soirée, l’interpelle en lui demandant si elle connaît la serveuse. Ses yeux chocolats, souligné d’un trait d’eyeliner, glissent dans la salle avant de rencontrer le regard de la jeune femme qui lui fait face. Elle hausse un sourcil. Il y a mieux comme manière d’aborder quelqu’un mais elle n’en tient pas forcément rigueur. Un petit sourire étire la commissure de ses lèvres, colorées d’un rouge mat. « Et qu’est-ce que j’y gagne, moi, s’il s’avère que je la connais ? » dit-elle, doucement. Oui, elle la connait, ça fait des années qu’elle vient ici, Austin est sa ville. En attendant la réponse de la jeune femme, elle la détaille quelque peu. Elle a l’air d’être jeune, peut-être un peu fofolle mais elle a définitivement une mine agréable à regarder. Finalement, une once d’animation semble rallumer soudainement l’écrivaine franchement désespérée.

Y’a qu’une nana pour demander à une autre nana ce qu’elle y gagne. On dirait Willow d’ailleurs, parce qu’elle aurait clairement pu sortir cette répartie, ne perdant jamais une occasion. « J’pourrais bien te dire qu’on finira en plan à trois, parce que clairement, j’serais pour, mais j’suis pas certaine que ça soit ton truc donc… » Elle arbore son plus beau sourire, parce que ce n’est pas avec une tête d’enterrement qu’elle parviendra à obtenir gain de cause. « … Disons que ça sera ta bonne action du jour. » Ouais, une excuse valable comme une autre, même si Willow n’est pas certaine que cet argument satisfera la jeune femme. Elle la regarde droit dans les yeux. Elle pourrait lui faire des petites courbettes à la brune, mais bon, tout ça pour une serveuse… L’étudiante n’est pas prête à s’abaisser à ce niveau-là. « En fait, tu la connais pas du tout quoi… » Elle finit par rire de la situation. Tant pis, ça serait pour une autre fois, ou pour jamais d’ailleurs, parce que la demoiselle n’est pas du genre à focaliser son attention sur la même proie pendant des lustres. Elle part du principe que dans la vie, il faut varier les plaisirs, et qu’il y a bien assez de monde sur Terre pour s’arrêter sur une seule personne inaccessible. Pas très patiente Willow, en effet. « T’as plus qu’à me donner des infos sur toi dans ce cas, c’est le moins que tu puisses faire. » Maline, non ?