Elle est à califourchon sur lui. Elle lui tient les poignées et il ressent une certaine envie. Il lui dit des mots d’amour, des expressions qu’il n’avait pas prononcées depuis longtemps. Des brides de cette soirée bien trop arrosée lui reviennent, petit à petit, bien qu’il soit persuadé qu’il manque de gros morceaux pour parvenir à retracer tous les événements. Les trous lui paraissent pourtant clairs. Il n’a aucun mal à laisser son imagination remplir les vides, et pas forcément comme il faudrait…

Ce matin là, il se réveille en sueur. Un nouveau rêve qui sonne davantage comme un souvenir… Simon crie dans la maison. Il n’a plus de céréales, et c’est tout de suite le drame. Alors, Raphael se lève rapidement et va faire un câlin à son fils, lui promettant de lui en racheter, avant de sortir un paquet caché dans une armoire, ce qui fait le bonheur du petit.

Puis, la journée continue. Les cours s’enchainent et bientôt, le visage d’Hibby croise le chemin du regard du professeur. Son cœur s’accélère. Il a bien d’être fixé. Il s’avance vers elle en accélérant le pas et lorsqu’il est à sa hauteur, il lui demande : « Je peux te parler quelques minutes ? » Il lui fait signe de l’accompagner vers une salle de cours vide où ils pourront discuter sans trop être dérangés. « Il s’est passé quoi exactement la nuit où t’as dormi à la maison ? » Il ne passe pas par quatre chemins ce coup-ci.

D’un côté, la demoiselle semble tellement convaincue de ce qu’elle affirme que Raphael ne demande qu’à lui faire confiance. Pourtant, ses rêves, ses souvenirs sont de plus en plus précis et il a bien du mal à croire que ce ne soit que le fruit de son imagination. Le scepticisme, c’est bien un de ses traits de caractère principal. « J’ai des… images qui me reviennent. » Il se demande s’il doit vraiment tout lui dire car si tout cela n’était qu’imaginaire, il allait avoir l’air d’un sacré pervers. D’un autre côté, si ça s’est bien passé comme il le pense, il est déjà passé pour un sacré pervers donc il n’a plus rien à perdre. Alors, il s’approche et parle en chuchotant, ayant bien trop peur que quelqu’un l’entende même s’ils sont seuls. « T’étais à califourchon sur moi… Et je te disais… certaines paroles qui n’ont pas lieu d’être entre un professeur et son étudiante disons… » Il roule des yeux. Il s’exaspère. Il a tellement honte de lui-même sur ce coup-là. « Est-ce que… » Il est bien incapable de finir sa phrase et de poser la question qui lui hante le bout de la langue. Hibby comprendra, c’est certain !

« Vous êtes sûre hein ?! » Il a vraiment besoin d’être rassuré. Mais pourquoi est-ce que la jeune femme mentirait ? A sa place, beaucoup d’étudiantes s’en vanteraient, voir elles feraient du chantage au métis, mais ce n’est pas le cas d’Hibby. « En tout cas, va pas croire que ce que je t’ai donné le lendemain était un pot de vin pour te faire taire parce que vraiment… même si on a fait quelque chose, je ne me souvenais de rien à ce moment là ! » C’est sorti de sa bouche sans même qu’il puisse contrôler le flot de paroles. D’ailleurs, sa main droite vient rejoindre ses lèvres, comme s’il venait de dire une énorme bêtise. « Aimé ?! Là n’est pas la question. Vous êtes une jeune femme très séduisante Hibby, ne laissez personne dire le contraire, mais ma position de professeur interdit une quelconque relation entre nous. » Si vous saviez ce que ça lui pèse de dire ces mots, comme cela lui brise le cœur. La vérité, c’est qu’il aurait aimé la chevaucher pendant de longues heures, même s’il ne l’avouera jamais. Elle doit bien s’en douter avec toutes les allusions qu’il a faite, même les plus implicites et les non voulues.

Les sentiments de Raphael se mêlent, s’entremêlent même. Ca faisait longtemps qu’il n’avait pas eu autant de doutes en lui. Il semblerait bien que 2018 s’amorce comme l’année du changement pour notre professeur d’ordinaire bien trop sage. Il hoche la tête quand elle lui annonce qu’ils n’ont rien fait et là, c’est une sorte de flash qui lui vient : c’est lui qui avait eu envie d’elle. Il l’avait en effet pris pour sa femme et… Il y a encore bien trop de trous mais les événements lui semblent limpides. Une forme de honte le submerge et il explique alors qu’il ne peut rien se passer entre une étudiante et un professeur. Ca aurait pu en rester là : Raphael qui réprime ses envies étranges, Hibby qui l’ignore ; sauf que ce n’est pas aussi simple alors que l’étudiante se rapproche dangereusement. « Qu’est-ce que tu fais ?! » A quoi bon continuer les politesses habituelles alors qu’ils semblent bien plus intimes que ce qu’il devrait. « Si, mais… » Il l’avoue tout de même parce que là, tout de suite, des pulsions d’homme difficiles à contrôler le submergent. « C’est l’interdit qui te fait dire ça ! » Essaye-t-il de reprendre pour trouver une explication logique. « On sait tous que ça a un côté bien plus excitant que ce qu’on peut avoir ! » Il la regarde. Il hoche la tête. Il espère qu’elle sera d’accord avec ça, quoique…

Depuis quand est-ce que l’étudiante l’appelle par son prénom ? Cela provoque un flot de frisson dans le corps du professeur qu’il n’avait pas vu venir. Les propos de la rousse sont enivrants et il se perdrait dans son regard sans aucun mal. Pourtant, c’est interdit. Il le sait et le fait savoir. Il ne peut pas craquer dans ce genre de situation. Si encore, elle n’était pas dans ses cours, mais juste une étudiante lambda à qui il n’aura jamais l’occasion d’enseigner… Peut-être que ce serait moins mal, bien que tout aussi prohibé par le règlement… Il se raccroche aux branches, énonçant les faits encore et encore. « Drôle ou pas, il y a des règles à respecter malheureusement et on ne fait pas toujours ce qu’on veut. Tu l’apprendras en vieillissant. » Il s’en veut de dire ça, si vous saviez. Au fond de lui, ses tripes lui font mal. Il se mordrait bien la langue juste pour revenir sur ses paroles d’ailleurs, mais non, il tiendra bon ! « Sur et certain Hibby. Ce n’est pas conventionnel. Ca ne serait pas… censé. » Il cherche ses mots. Il ne sait même plus que dire. « J’dois y aller ! J’ai un cours… » Une excuse de plus, mais il ne tient plus. Il doit fuir cette attirance sexuelle avant de succomber. Pourquoi est-ce que ses nuits sont aussi charnelles aussi ? Pourquoi est-ce que de telles pensées viennent perturber ses rêves ? Entre ça et la douce Anaelle qui meurt d’envie de revoir et à qui il pense de bien d’autres façons – quand ce n’est pas de la même façon…