Comment se blesser plusieurs fois dans l’année et avoir la jambe dans le plâtre ? Il suffit de faire un peu trop de sport, et surtout de faire un match de football avec des grosses brutes qui sont prêt à tout pour gagner, y compris à blesser les joueurs adversaires. C’est exactement ce qui s’est produit lors du match de la veille. Quel dommage puisque notre étudiant prévoyait une virée avec sa petite amie pour le weekend. Ils avaient bien besoin de ça après les frayeurs faites par l’annonce d’une possible grossesse. Mais non, le voici à l’hôpital, et il a pris tellement de médicaments qu’il est dans un état quelque peu étrange. Il hallucine un peu, voir beaucoup, mais au moins, il n’a pas de douleur au niveau de sa jambe cassée. Pfff, foutu sport, manquerait plus que ça l’empêche de passer ses partiels de droit… Ça ferait une année supplémentaire de perdu, hors de question ! « Ouais, je fais que ça de dormir. » Il dit bientôt, ne s’attendant pas spécialement à cette question. On était venu le réveiller plusieurs fois dans la nuit, ce qui l’avait bien ennuyé d’ailleurs. Il ne rêvait que de son lit et du silence de son studio. « Il me faudrait des nouveaux médocs… Ma jambe me lance… » Il se déplace en béquilles évidemment, parce que sinon ça serait un peu compliqué. Pour l’instant, il n’y avait pas encore de petits – gros – mots écrits sur le plâtre blanc, mais sans doute que d’ici la fin de journée, le problème serait réglé. Il se voyait déjà tenter d’empêcher Alvérize d’afficher des petits cœurs partout, histoire de ne pas se taper la honte lorsqu’il sortirait de l’hôpital. « J’ai l’impression qu’on m’a carrément roulé dessus ! »

Ezekiel s’assoit bientôt sur une chaise roulante. Ce n’est pas si mal, ou en tout cas plus confortable que d’être debout avec ses béquilles. Il dit trop rien, vaseux, dans les vapes. Il se laisse conduire. Les mouvements de séduction de la femme lui font penser à Alvérize et il la confond d’ailleurs assez facilement à cause des médicaments. Dans sa tête, c’est sa petite amie qui est en train de le pousser. Il rejoint tout de même un brin de réalité lorsqu’ils arrivent à la morgue. « Mais j’le suis ! » Et il ne comptait pas arrêter, rien qu’à cause de la douleur, donc quel intérêt de l’amener ici et de lui faire peur ? Il tente un mouvement de recul mais dans sa chaise, autant dire que s’il n’avait rien fait, ça aurait eu les mêmes conséquences… « Y’me faut un truc de fort, de très fort même ! » Lance-t-il tel un drogué en état de manque devant l’homme à qui l’infirmière demande son chemin. Il a tellement peu conscience de ce qui se passe réellement autour de lui… « J’sais pas, ils m’ont pas donné la boite… » Et les noms, autant dire qu’il ne s’en souvient que très peu souvent. « Et c’est toi qui es censé connaitre mes médocs mieux que moi, non ? » Il tourne la tête en rond d’une épaule à l’autre, comme s’il cherchait bizarrement à prouver un point. Puis, la situation change du tout au tout alors qu’ils semblent seuls – au moins dans la tête d’Ezekiel – et l’infirmière ressemble de plus en plus à Alvérize, au point de devenir elle. C’est fou ce que les médicaments le font halluciner, à se demander s’il a vraiment besoin d’en avoir d’autres… « Tu pourrais me faire un strip-tease et puis, ce que tu fais si bien avec ta bouche aussi… » Il lance ça avec un sourire idiot et d’une voix qui ne laisse aucun doute sur le fait qu’il est stone. Il caresse même le visage de la femme, d’un geste tendre, comme il le fait habituellement avec sa petite amie.

Si un jour, Ezekiel vient à se souvenir de tout cela, sans aucun doute qu’il voudra déménager à l’autre bout du monde, tellement il se sentira coupable. La dernière fois, il l’avait déjà échappé de justesse avec Hibby et Alvérize l’avait pardonné pour ce qui n’avait pas été plus loin qu’un baiser et l’intention de coucher avec sans coucher à l’acte mais cette fois-ci, que dira-t-elle si elle l’apprend ? Et dire que ce pauvre étudiant est persuadé que c’est la femme de sa vie avec laquelle il est en train de passer à l’acte… « T’as changé de technique ?! » Dit-il avec un petit sourire en coin alors que la tension monte dans ses organes. « C’est… différent de d’habitude. » Mieux ? Moins bien ? Il ne saurait pas vraiment dire en fait, mais il sent bien que ce n’est pas pareil quand même. Alvy, elle a cette façon de le mordiller que personne d’autre ne saurait imiter. Néanmoins, ça ne le perturbe pas plus que ça alors que l’infirmière reprend bientôt son rôle initial. Il pige tellement rien, dans son état de comateux… « Mieux ! Bien mieux ! » Et encore ce sourire idiot accroché aux lèvres, qui ne le quitte pas. « Regarder la télé… si ce n’est pas la télévision qui va me regarder… » Il se croit drôle en plus, avec ses blagues pas plus vaseuses que son état. « Tu veux que j’fasses quoi d’autres dans un hôpital en même temps… Ça serait mieux si j’pouvais rentrer à la maison ! » Et avec elle, ça serait encore mieux d’ailleurs. Elle jouerait à son infirmière à domicile, comme la fois où il était malade. « Vous allez me faire avaler mes médicaments, madame l’infirmière ? » Il se croit désormais dans une sorte de jeu de rôle, toujours avec sa petite amie. Elle est jolie l’infirmière… même s’il se demande pourquoi elle n’a pas de blouse…

« J’sais pas… » Sa tête tourne de plus en plus. Au final, ce n’est pas juste sa jambe qui le fait souffrir. Il doit également s’être cogné la tête en tombant. Il attrape maladroitement le verre d’eau, tout en en faisant tomber quelques gouttes au sol. Il va être temps que l’étudiant s’allonge et se repose pour de bon, qu’il soit d’accord ou non avec cela. Le sportif regarde bientôt son bracelet d’admission. C’est le seul moyen pour qu’il n’oublie pas son numéro de chambre. « 53. » Et arrivé sur place, c’est presque sans sourciller qu’il se laisse mettre au lit. « Ok… Je t’aime ! » Prononce-t-il alors que sa fausse petite-amie s’en va vers de nouvelles aventures, n’ayant absolument pas compris son petit manège et ce qu’elle lui a fait. Il risque de ne jamais s’en souvenir et d’avoir une belle surprise quand il reprendra ses esprits, sous une forme d’incompréhension totale…