Nell a rendez-vous avec son avocat aujourd’hui, pas Silver mais un autre qui l’assistait à l’époque. Il ne l’a pas vu depuis décembre. Six mois qu’il a été acquitté et officiellement innocenté du meurtre qu’il n’avait pas commis, qu’il peut enfin revivre une vie normale, correcte, au grand jour, sans la peur que la police l’interpelle à chaque carrefour. Il revit, Nell. Du coup, autant vous dire qu’il a la boule au ventre depuis hier soir, quand son avocat lui a dit qu’il était urgent qu’il passe le voir, sans en dire plus. Pas de rendez-vous pris, le professeur avait juste annoncé qu’il ferait une escale par le bureau dans la matinée.

Le voilà ainsi devant un des immeubles de Callaghan’s Business où le stress fait son effet, à tel point que l’homme est incapable de saisir le code d’accès sur la porte d’entrée. Au bout du troisième essai, il commence à perdre patience. « Mais tu vas t’ouvrir porte de malheur ?! »

une porte difficile à ouvrir

Nell & Meredith

Parmi les gens avec qui elle a gardé contact, Meredith est enchantée de voir aujourd'hui une ancienne amie du lycée. Elles ne se sont pas vues depuis cette époque par manque d'occasions et de temps - et surtout parce que Meredith n'était plus à Austin ! - mais aujourd'hui elles ont enfin trouvé un petit créneau en commun pour déjeuner ensemble. Toute apprêtée et bien contente d'avoir pu quitter sa blouse pour l'après-midi, Meredith se dirige vers l'adresse indiquée par son ancienne amie. Elle lui a proposé de passer la chercher à son bureau, qu'elle lui montre comme elle a réussi son ascension sociale. Meredith s'est promis de faire taire sa jalousie, parce qu'elle ne peut pas rivaliser, avec son petit travail à l'université... Même si elle a déjà fait bien plus à San Francisco, actuellement elle n'a pas de quoi se vanter. Lorsqu'elle arrive devant l'immeuble de verre en question, elle se stoppe parce qu'un homme a l'air de s'énerver devant la porte. Dans un sourire entre la gêne et l'empathie, Meredith s'approche, ses talons résonnant sur le bitume dans le silence étonnant de la grande rue.

- Besoin d'aide, peut-être ? demande-t-elle en fixant l'homme.

black pumpkin

HJ:

Le stress monte chez le jeune homme alors qu’il s’imagine 1000 scénarii quant à cette convocation. Et si finalement ils avaient trouvé de nouvelles preuves ou qu’on voulait sa peau ? Et si son avocat avait appris des choses déplaisantes qu’il n’avait pas osé lui dire au téléphone ? C’est alors qu’il pense à tout cela qu’il est dérangé dans ses pensées et sans prendre garde au ton qu’il emploie, il dit : « Si vous pensez pouvoir faire mieux que moi. » Ce n’est pourtant pas un macho, ni un gros con de service, Nell. Il est certes très maladroit avec les femmes et dragueur de service à ses heures perdues – même s’il s’est calmé depuis son histoire aussi courte fut-elle avec Silver ; mais jamais il n’est déplacé ou méchant. Il se pousse en baissant les yeux. « Désolé… Je ne suis pas dans mon état normal ! » ajoute-t-il alors en guise d’excuse.

« 9021 normalement. » Dit-il en se remémorant ce que l’avocat lui a dit lorsqu’il a sonné à l’interphone. Mais normalement, il n’était même pas censé en avoir besoin. Il en vient presque à regretter le temps où c’était Silver qui le représentait. C’est là qu’il se rend compte à quel point elle faisait tout pour lui et lui simplifiait la vie au maximum. Elle sera une grande avocate un jour ; mais en attendant, rien que de repenser à cela mine le moral du professeur alors qu’il se souvient qu’elle a fini par lui briser le cœur, préférant aller jouer avec un autre. Il sort bientôt de ses pensées. Ça n’arrangera rien de se remémorer tout cela. L’homme retape le code une énième fois, et resonne même chez son avocat. C’est la secrétaire qui répond et qui lui confirme qu’il ne se trompe pas. « Espérons que votre amie ait un code différent ; sinon ça veut dire que quelqu’un devra venir nous chercher… » Il n’y a pas une concierge ou quelque chose comme ça ? C’est fou quand même de se faire pourrir la vie de bon matin par une putain de machine électronique. « J’en viens à regretter le temps des serrures et des clés… » Lâche bientôt le français.

« Ahhhh vous voyez qu’il y a de quoi s’énerver ! » Elle semble désormais dans le même état que lui il y a encore quelques minutes, peut-être en moins pire quand même. Et forcément, l’ironie de la situation le fait un peu rire. Nell s’éloigne un peu, faisant le tour du bâtiment. « On va voir si quelqu’un peut nous ouvrir. » Il se tourne vers sa compatriote de galère alors qu’il prononce ces mots. Il colle son nez avec ses deux mains en guise de visière sur les parois des fenêtres pour voir s’il y a quelqu’un à l’intérieur d’un des bureaux qui pourrait les aider. Au bout du cinquième, toujours personne. « Et forcément, tout le monde est en vacances. On ne va quand même pas jeter des cailloux au 1er étage. » Il lève les yeux au ciel. Cette période de l’année n’est pas la plus propice en matière de personnel présent. Il n’y a d’ailleurs qu’à voir le parking du bâtiment, absolument vide pour l’heure. Le professeur revient sur ses pas pour se diriger de l’autre côté du bâtiment. C’est là, au troisième bureau qu’il voit enfin quelqu’un. L’espoir renait. Il tape au carreau en espérant que la personne l’entendra. La femme semble bien trop occupée par son écran d’ordinateur alors Nell insiste, tapant de plus en plus fort.

Ils semblent tout deux dans le même état de désespoir. Ils se suivent dans les idées qu’ils ont, l’un après l’autre. Nell finit par se dire qu’il ne saurait jamais pourquoi il a été convoqué… « Dernière chance… » Lance-t-il en appuyant sur tous les numéros à l’interphone, un à un. Sur les 100 numéros, il y en a quand même un qui va répondre, non ? C’est au bout de seulement trois minutes qu’ils obtiennent enfin une réponse. « Nous sommes fermés ! » Lance la voix de l’autre côté. « ATTENDEZ s’il vous plait. » Crie presque Nell. « Nous sommes coincés en bas. La porte refuse de s’ouvrir. On… Il faudrait que quelqu’un nous ouvre de l’intérieur. » Aucune réponse. La personne est-elle déjà partie faire autre chose ? Nell se recule. Il va repartir chez lui… Ce sera aussi bien. Il s’assoit tout de même sur les marches quelques instants, comme pour réfléchir à une dernière solution qui ne lui vient pas. Cinq bonnes minutes passent quand il entend un bruit derrière lui. « Désolée, j’étais au 25ème étage et l’ascenseur ne semblait pas décidé ! » La femme qu’ils avaient appelé à l’aide était bel et bien descendue. Mamamia ! Nell est heureux et ferait bien la danse de la joie s’il n’avait pas peur d’être ridicule. « Merci beaucoup Madame ! Vous nous sauvez la vie ! » Nell se tourne vers son acolyte et lui adresse un magnifique sourire.

« Au troisième. » Lance Nell, s’arrêtant quelque peu avant l’ascenseur. « Du coup, je vais prendre les escaliers. J’ai un peu peur que la poisse continue et que je reste coincé dans l’ascenseur. » Il sourit avant de lancer un : « Bonne journée mesdames. » Aussitôt, il grimpe quatre à quatre les escaliers. C’est en voyant l’heure qu’il se rend compte à quel point il est déjà retard et le stress ne cesse de monter alors qu’on le fait patienter une bonne heure dans la salle d’attente. Cela valait vraiment le coup de se dépêcher finalement…

Ce n’est qu’en début d’après-midi que l’homme redescend enfin, l’appétit peu présent bien qu’il n’ait pas pris son repas du midi. Il se répète ce que l’avocat lui a dit en boucle dans sa tête, à savoir qu’il devrait déménager et changer d’identité car ceux qui l’avaient piégé, lui faisant porter le poids d’un meurtre pas commis sur le dos, semblent vouloir se venger. Il est donc dangereux pour Nell de rester à Austin. Ces paroles, ça avait été le pot aux roses durant leur entretien et malgré son caractère endurci, Nell s’était mis à pleurer de toutes ses larmes. Lui qui s’était reconstruit une vie durant toutes ces années ne s’imagine pas un seul instant quitter la ville qui l’a accueilli alors que tout le monde le fuyait.

Le cœur serré, le professeur emprunte l’ascenseur pour descendre et à l’intérieur, il y voit la jeune femme avec qui il était coincé à l’entrée plus tôt dans la journée. Il esquisse un sourire, tentant de ne pas montrer les sentiments de tristesse qui l’envahissent. Il aurait bien besoin de se changer les idées. « Quelle coïncidence ! » Il s’installe près d’elle avant de poursuivre. « Dites, vous n’auriez pas envie d’aller boire un verre ou marcher un peu avec moi par hasard ? » Lance-t-il ensuite. C’est sans doute le besoin de compagnie qui lui fait dire cela, mais il faut dire qu’il a bien besoin de s’excuser de son comportement hâtif qu’il a eu dans la matinée. « Je ne voudrais pas vous laisser le souvenir d’un homme pressé. » Dit-il dans un sourire qui se veut plus franc.

Sur les nerfs, c’est exactement ça. Et il est loin de ne plus l’être après les révélations qu’il a entendu. « Croyez-moi, si votre avocat vous convoquait en urgence sans vous dire pourquoi, vous seriez sans doute dans le même état. » Ou bien alors c’est juste lui ? Non, impossible. Le français n’est absolument pas de nature stressé, sauf quand tout son avenir est remis en cause. Il tente toutefois de sourire pour faire bonne figure. « Et moi, Nell. » Ce prénom… Il ne voudrait pas le changer, et pourtant, c’est ce qu’impliquerait un changement d’identité. Il soupire pour lui-même, le cœur lourd. Heureusement, c’est à ce moment là que les portes s’ouvrent et le bruit de son soupir est donc couvert par la porte.

Arrivé dehors, le brun prend une grande bouffée d’air frais, ce qui ne manque pas de lui faire du bien. « Est-ce que vous avez déjà été dans une position où votre vie entière ne dépend plus de vous et de vos décisions, mais de quelqu’un d’autre ? » Demande-t-il ensuite, faisant semblant de juste chercher à faire la conversation alors que dans le fond, il a surtout le cœur lourd.

« A vrai dire, je n’appellerais pas ça un plaisir. » Il a un petit rictus angoissé et gêné à la fois. Il n’aime pas se montrer sous ce jour vulnérable qu’il présente ici, bien qu’il mobilise toutes ses forces pour avoir l’air le mieux possible. Elle répond ensuite à sa question avant de lui demander ou est-ce qu’ils pourraient se rendre pour boire le verre. « Il y a un petit pub irlandais à quelques rues d’ici si ça vous va. » Il la regarde, attendant son approbation et prend ensuite la direction du fameux pub. C’est en marchant qu’il revient sur ce qu’elle lui a dit moins d’une minute plus tôt. « Qu’est-ce que vous entendez par ‘votre situation actuelle’ ? » Il n’a pas forcément envie d’évoquer ses soucis à lui, surtout qu’elle le fuirait sans aucun doute s’il lui racontait toute son histoire de A à Z, donc autant partir sur des choses qu’il maitrise mieux : questionner l’autre. « Je m’excuse si c’est trop indiscret, nous pouvons parler d’autre chose ! »

Ils marchent en direction du pub, donc et Nell, qui n’aime pas le silence en profite pour questionner la jeune femme qui ne semble pas très friandes de détails. Tant pis, il va poser plus de questions dans ce cas, au risque d’aller trop loin. « Je vois. C’est dans quelle branche, du coup ? » Plutôt parler d’elle que de lui, sauf qu’elle le questionne à son tour. Il aurait dû s’en douter. C’est ce que font les personnes polies. D’un autre côté, cela lui ferait du bien de se confier un peu, même si elle n’en a certainement rien à faire. « J’ai ce qu’on appelle un passé compliqué. Des personnes malintentionnées m’ont fait du mal dans le passé et il semblerait qu’elles veuillent recommencer. » Il a peur qu’elle prenne la fuite, maintenant qu’il lui a annoncé tout ça. Après tout, il n’est peut-être pas très bon d’être vu en sa compagnie. « Mais vous ne craignez rien, ne vous en faites pas. » Ajoute-t-il sans être sûr que ce soit vrai. Peut-être que quelqu’un est en train de l’observer au moment précis où il parle. Qu’en sait-il réellement ? « Je me croyais en sécurité à Austin mais il semblerait que ce ne soit plus réellement le cas. Mon avocat m’a conseillé de déménager. » La voix de Nell se serre. On sent bien que cela lui fait mal au cœur. « Et comme vous vous en doutez surement, je n’ai pas envie de quitter une vie que j’aime plus que tout. » Il tente un sourire mais celui-ci est particulièrement timide.

Nell a perdu l’envie de rire, alors qu’il se met à penser à ces personnes qui lui veulent du mal. Il aurait préféré ne pas mêler la jeune femme à tout cela mais il en a déjà trop dit, ou bien pas assez. Dans tous les cas, trop tard pour la laisser dans l’ignorance la plus totale. « Ils ont tué ma petite-amie et m’ont fait porter le chapeau ensuite. J’ai été innocenté et je pensais que tout cela était derrière moi, du coup. » Des années de prison, des années de lutte, de fugue… Et tout ça pour quoi dans le fond ? N’a-t-il pas assez souffert comme ça, notre frenchie ? « Et dire que tout ce que je veux, c’est continuer à vivre ma vie pénard, donner des cours de sport à mes élèves, le truc plan plan… » Un léger goût de regret, bien prononcé quand même en fait. Ça se sent qu’il n’est pas très bien et qu’il ne faudrait pas grand-chose pour qu’il tombe dans les abysses. Heureusement, ils arrivent au bar où il va pouvoir boire pour oublier. Nell fait un signe de la tête avant de se diriger vers la porte et de l’ouvrir. Il laisse passer la jeune femme et ils s’installent sur une table à l’écart des quelques autres personnes présentes dans le lieu. « Ça veut dire que vous étiez partie. » Dit-il, songeur. « Laissez-moi deviner, un voyage autour du monde ? » Après tout, ça devient tellement répandu que ça ne l’étonnerait même pas, surtout qu’elle a l’air plutôt jeune et donc particulièrement en âge pour ce type d’aventure. Parler d'autre chose que de lui-même, c'est exactement ce dont il a besoin, en plus d'un double whisky !

On pourrait facilement penser Nell fou, ou mythomane. Pourtant, il n’en est rien et il a le cœur lourd. C’est forcément le cas pour qu’il en vienne à se confier à une inconnue. Il est parfois plus aisé de discuter avec des personnes qu’on ne reverra peut-être jamais. « Il ne faut pas vous excuser ! Vous ne pouviez pas savoir et ça fait étrangement du bien de vider un peu son sac en réalité. » Il baisse les yeux. Il sourit et ils arrivent enfin au bar, ce qui tombe à pic.

« J’aime les femmes qui parlent trop ! » Laisse-t-il échapper plutôt naturellement. D’habitude, c’est lui le vrai bavard qui saoule tout le monde. « L’homme formidable, c’était votre petit ami ? » Ce serait étonnant vu la manière dont elle en parle, à moins qu’il l’ait suivi à Austin. Sinon, ce serait terminé entre eux et comme après toute rupture, elle haïrait cet homme. C’est ce qu’en déduit le professeur en tout cas. « Je ne suis pas mécontent que vous soyez revenu ici en tout cas. Ça m’aura permis de faire votre connaissance. » Il aime bien flirter, faire des compliments aux femmes. Il ne serait plus Nell Maisonneuve s’il n’agissait pas de la sorte. La serveuse arrive et le brun commande une bière. L’heure n’est peut-être pas adaptée, mais c’est toujours mieux que de s’enfiler des shoots de whisky comme il en rêve… Lorsque la femme a choisi, il sort de sa poche un billet à la serveuse, qui couvre largement les deux boissons et le pourboire. Tout son passé a au moins un point positif : il est riche désormais, même s’il a bien du mal à en avoir conscience.

Nell l’écoute parler de la relation et il sourit. Il ne comprend pas tellement et ne peut tout simplement pas comprendre car il n’a jamais vécu quelque chose de similaire. Il est soit célibataire, soit en couple mais l’entre-deux, il ne connait pas. Il s’accroche trop vite, Nell, pour cela. Quand il aime, il ne fait pas semblant. Et quand il couche, il sait à l’avance si c’est juste un plan cul ou plus que ça – et dans de telles conditions, il a tendance à ne pas coucher plusieurs fois avec la même personne. Mais il est heureux de voir que ça ait pu fonctionner pour Meredith, que ça ait pu la rendre heureuse le temps de quelques mois ou années.

« Je suis presque surpris d’entendre de telles paroles dans la bouche d’une femme, même si je trouve cela génial. En général, c’est la gente féminine qui insiste pour être en couple, de manière exclusive. En tout cas, les femmes que j’ai connu. »

Il se met à rire avant de dire qu’il est heureux d’avoir rencontré l’infirmière. La serveuse arrive et il tend un billet, ce qui ne semble pas plaire à la femme indépendante qui est devant lui. « Pourquoi être gênée ? » Il hausse les épaules. Pour lui, cela n’a rien de bien important, de payer un verre à quelqu’un. Il pourrait même faire une tournée générale du bar s’il le fallait. « Il n’y a pas besoin de raison particulière. J’en ai envie, c’est tout. » Il sourit encore. « Et je n’attends aucun retour, rassurez-vous. » De la galanterie ? Oui, peut-être un peu, mais ce n’était pas que ça. Il peut se le permettre et il a envie d’être gentil, tout simplement. Il enchaine presque aussi rapidement pour détourner la conversation : « Pourquoi est-ce que ce serait une mauvaise chose de s’être rencontré ? »