Aimée avait couru toute la journée pour réussir à finir son inventaire dans les temps, et pour cause, une absence de dernière minute, d’une de ses salariées qui devait l’aider. Les aléas de la vie comme on dit, même si pour le coup, ça tombait assez mal. Heureusement, les clients n’avaient pas trop afflués en cette fin de semaine, ce qui avait laissé un peu plus de temps libre à la commerçante.

Aux alentours de 19h30, la jeune femme commence à se préparer. Après une douche rapide dans les vestiaires des employés, elle enfile sa tenue prévue pour l’occasion (petite robe d’été sans trop de chichis) et dépose un peu de fond de teint sur son visage afin de cacher ses traits tirés et son teint blafard, du fait de sa maladie. Un dernier coup d’œil dans le miroir de dépannage, et la voici prête. D’ailleurs, ça tombe bien parce qu’on sonne à la porte. La pâtissière dévale les escaliers pour aller ouvrir à Sonny qu’elle reconnait au travers de la vitre. C’est avec un large sourire qu’elle lui fait la bise et l’invite à entrer un instant. « Tu me laisses quelques petites secondes, je vais chercher mon sac ?! » Elle s’en retourne aussitôt à l’étage où elle enfile une veste légère et attrape son sac. Puis, elle redescend. « Voilà, on peut y aller, à moins que tu veuilles que je te fasses faire le tour du propriétaire avant ? »

Voilà ce qu’elle était obligée de subir tous les jours : les odeurs des pâtisseries. C’est vrai que c’était souvent une source de tentation, surtout lorsqu’elle était enfant et que ses parents tenaient encore la boutique. Avec le temps, la jeune femme avait appris à se contrôler, mais vu comment elle est épaisse, autant dire qu’elle peut se permettre quelques viennoiseries de temps en temps… « J’aurais bien un petit faible pour une pizza. » Avec son mcdo de la veille, autant dire que cette option lui plait bien mieux. Et franchement, autant dire que ça serait parfait à déguster devant le film.

Les deux montent à bord de l’impala et en route vers la pizzeria donc, bien qu’Aimée laisse le choix du trajet au conducteur. Pas vraiment le choix en même temps, lorsqu’on est passagère. « Il n’y a pas à dire, on est vraiment bien dans ta voiture. » Elle a bien compris que le complimenter au sujet de sa voiture lui ferait marquer des points, même si elle n’y connait toujours pas grand-chose aux détails de cet engin. « Tu sais, je ne t’aurais pas crû du genre à aller voir Thelma et Louise au premier abord. » Lui lance-t-elle en souriant, afin de le taquiner un petit peu.

Ils ont donc pris la route, ces deux aventuriers. Une petite aventure, avant d’entreprendre la grande qu’ils ont prévu si tout se passe bien. Aimée sourit alors que l’homme lui annonce connaitre un bon endroit pour les pizzas. D’ailleurs, il ne tarde pas à passer commande auprès d’un certain Tony. « Parce que t’es italien ? » La question est sortie si naturellement. Il faut dire que la pâtissière était loin de se douter de ces potentielles origines. A moins qu’il ait juste voulu dire qu’ils sont tout les deux américains, mais ce serait tout de même un peu bizarre à dire pour quelqu’un qui habite aux Etats-Unis, d’où la question qu’elle a posée, plus ciblée.

« J’ai toujours pensé que c’est le genre de films qu’adore les femmes mais que n’aime pas les hommes. » Aimée ne peut s’empêcher d’émettre un petit sourire gêné. Des fois, elle est beaucoup trop dans les préjugés et sort des généralités qui sont loin d’être vraies… « Je suis plutôt films récents pour ma part. J’ai commencé à vraiment m’intéresser au cinéma lorsque j’avais 18/20 ans. Depuis, j’essaye de voir tout ce qui m’intéresse dès que ça sort, pour ne pas louper un seul film. » Pour autant, elle sait pertinemment qu’il y a eu des loupés et qu’il est impossible de tout voir avec son emploi du temps chargé. « Thelma et Louise, je ne l’ai vu qu’une fois, lorsque j’étais ado. C’était passé à la télévision un samedi après-midi je crois. » A l’époque, le samedi était le jour de repos de ses parents et ils avaient ainsi pour habitude de se poser tous ensemble sur le canapé après le repas du midi, afin de profiter d’un film en famille. C’était une belle tradition que la commerçante a toujours appréciée. « Je n’en garde que de brefs souvenirs. » Elle va donc pouvoir se rattraper ce soir au moins.

Ils arrivent rapidement à la pizzeria et la femme accompagne son partenaire à l’intérieur pour aller chercher leur repas. Elle attend, légèrement en retrait, profitant de la bonne odeur qui se dégage de derrière le comptoir. Cela change des viennoiseries pour sûr ! Une fois qu’ils ont payés, Aimée s’installe de nouveau sur son siège, avec les pizzas chaudes sur ses genoux. « Elles ont l’air bien appétissantes rien qu’à l’odeur déjà. » S'il n'y avait qu'elle, sans doute qu'elle aurait picoré dedans sans attendre, un de ses nombreux défauts...

Alors que l’homme propose à la jeune femme de poser les pizzas sur la banquette arrière, Aimée s’exécute, avant de se concentrer sur le paysage. Elle revient après quelques secondes à la réalité lorsque des gargouillis retentissent. Elle ne peut s’empêcher d’émettre un léger rire. « T’as pas à t’excuser ! » C’est le genre de choses qui lui arrive à longueur de temps, surtout qu’elle est confrontée à longueur de journée à des gourmandises.

Ils finissent par arriver au drive-in où de nombreuses voitures sont déjà présentes. La commerçante garde le silence pendant que Sonny trouve une place pour se garer et dès que le moteur est coupé, la jeune femme sort de la voiture quelques instants pour se dégourdir les jambes avant le film. « On aurait dû se prendre une bouteille de vin pour aller avec la pizza. » Finit-elle par dire à son acolyte alors qu’elle n’y avait pas songé avant. Tant pis, ce sera pour une autre fois, et puis l’alcool n’est pas la meilleure des options quand on conduit après, ni pour aller avec les médicaments pour son cas personnel.

Elle s’installe de nouveau avant d’attraper les pizzas. Et bientôt, ils commencent à engloutir le tout. « Au fait, je ne crois pas t’avoir demandé : tu fais quoi dans la vie en dehors de bichonner ta voiture ? »

Spoiler:

« De la course à pied ?! T’en as du courage ! J’ai toujours admiré les personnes qui font ça, moi j’en n’ai absolument pas le courage. » Elle soupire pour elle-même. Oui, bon nombre de fois, elle s’était dit qu’aller courir lui ferait le plus grand bien. D’ailleurs, même Lyla, sa meilleure amie passe régulièrement le dimanche matin dans l’espoir de se faire accompagner d’Aimée, évidemment sans grand succès. Un peu flemmarde notre patissière pour ces choses là, il faut bien l’avouer.

« Je dois dire que ça me prend presque tout mon temps. » Elle grimace. Elle baigne dedans depuis toute petite, alors ça ne la dérange pas dans le fond. « Lorsque je peux, en terme de sport, j’aime bien la natation. Mais sinon, c’est plutôt soirées films & séries, bien au chaud dans mon lit. » Elle ne vend pas du rêve, elle le sait… « Je fais partie de l’association des commerçants d’Austin aussi. Ca aussi c’est très prenant. » Dévouée au maximum, il lui arrive fréquemment de participer à l’organisation d’événements en ville. Néanmoins, ces derniers mois, sa principale occupation était de dormir, même si elle s’abstient de le mentionner.

« Je préfère me dire que je participe au bonheur et à la bonne humeur de mes clients, plutôt que de gâcher leur régime. » Elle rit de bon cœur. Il y a des bons et des mauvais côtés à tout, après, les gâteaux, c’est comme tout, à prendre avec modération. « En plus, j’ai rarement vu quelqu’un ressortir de chez moi avec une mine triste ! »

Elle croque dans sa part de pizza avec appétit, même si son appétit de moineau risque de vite la trahir.

Aimée confirme pour le jus de fruit, avant de se retrouver seule pendant quelques instants. Elle en profite pour regarder partout autour d’elle et plus précisément les personnes. Elle a toujours aimé faire ça, même si ce n’est clairement pas ce qu’il y a de plus poli. Alors qu’elle est en train d’inventer une discussion entre un couple d’étudiants qui se trouvent devant à leur gauche, le mécanicien revient de sa virée et lui tend son verre. « Merci ! » Elle voit le paquet de pop-corn et ses yeux se gonflent. Jamais elle ne pourra avaler tout cela, même si elle en bave clairement. Son estomac risquerait de lui en vouloir lourdement, et avec les médicaments, ce n’est sans doute pas la meilleure des idées, à moins de vouloir tenter le diable. Bon, elle pourra toujours picorer un peu au moins.

Puis, la voici qui se met à sourire un peu bêtement, sans doute par fierté d’entendre quelques compliments d’un beau jeune homme. « T’es gentil. » Prononce-t-elle d’une voix timide alors que ses joues rosissent. Et voilà ensuite que les choses changent de ton. Sa maladie revient sur le plateau dans une question pourtant assez anodine. Il veut bien faire, ça se voit. Alors, Aimée est tiraillée entre l’idée de mentir ou d’expliquer la vérité. La deuxième option est toujours mieux, même si entrer dans les détails n’auraient rien de bon dans le jeu de la séduction, si jeu de séduction il y a. Elle prend son courage à deux mains après un grand soupir : « Je sors d’un cancer pour tout te dire. Ça a été diagnostiqué à temps pour que je n’en garde normalement aucune séquelle, mais je dois encore prendre pas mal de médicaments et surtout continuer à aller à l’hôpital pour des contrôles réguliers pendant quelques semaines. Après, ça devrait être moins souvent. » C’est juste pour être sûr que ce fichu cancer ne revienne pas à la charge dans le fond. La pâtissière n’a bizarrement aucune envie de devoir se remettre au lit pour plusieurs mois et encore perdre sa vie, parce que oui, c’est littéralement ce qu’il se passe quand vous ne pouvez plus rien faire, plus bouger, plus manger… Elle finit sur une touche positive : « Bientôt, tout cela ne sera plus qu’un lointain souvenir. Et puis, il parait que ces épreuves rendent plus fort ! » Pour autant, elle aura toujours l’appréhension que ça revienne, elle le sait pertinemment. « Et on pourra faire notre road-trip, si t’es toujours partant évidemment. » Un petit sourire malicieux se lit sur son visage.

Aimée est ravie que les plans ne tombent pas à l’eau. C’est toujours l’appréhension dès qu’elle annonce la vérité au sujet de son état de santé. D’ailleurs, elle voit bien que la suite de la conversation tourne autour de cela, comme toujours. C’est naturel et c’est même normal, mais des fois, elle aimerait ne juste pas aborder le sujet, juste histoire d’être comme tout le monde, le temps d’une soirée. « Ne t’en fais pas, ce n’est pas mon genre. On me dit d’ailleurs souvent que je suis bien trop prudente comme nana. » Qu’elle ne sait pas s’amuser, ce genre de choses. Mais elle s’en fiche, elle est comme elle est, et on l’accepte ainsi, ou bien on ne l’accepte pas. Bientôt, elle se met à sourire poliment, ne sachant pas trop comment réagir d’autre. « J’ai eu beaucoup d’aide, notamment de la part de ma famille et de mes amis. C’est important d’être bien entouré dans ces moments là ; et d’ailleurs, on voit qui sont réellement les personnes sur qui on peut compter. » Ça, c’est bien vrai. D’ailleurs, le tri qu’elle a fait dans ses contacts téléphoniques et réseaux sociaux est vraiment important et impressionnant. L’avantage, c’est qu’ensuite, cela laisse la place à de nouvelles rencontres, sans doute meilleures que les précédentes. « M’enfin, je n’ai aucune envie que tout cela me caractérise et qu’on ne voit que ça, donc parlons d’autre chose si tu veux bien. » Demande-t-elle poliment, tout en se disant qu’il serait bon qu’elle amène un nouveau sujet de conversation pour que ça passe encore mieux. Manque de bol, elle n’est pas toujours très douée pour cela. Les projecteurs s’allument au loin, signe que les publicités habituelles ne devraient pas tarder à commencer, sans doute le moment le plus chiant des projections cinématographiques. « T’es déjà tombé amoureux ? » Ca lui sort comme ça, sans prévenir et elle se sent immédiatement très stupide, comme si son cerveau n’avait pas filtrer ses paroles. « Pardon, je ne veux pas être indiscrète. C’est sorti tout seul… » Elle rougit, définitivement mal à l’aise.

Aimée s’en veut. Elle le sait pourtant, que c’est à chaque fois la même chose. Les gens se sentent impuissants face à ce qu’elle a vécu et elle, se sent mal d’en parler rien que pour les sentiments que ça provoque chez ses interlocuteurs. M’enfin, avec sa maladresse suivante, elle en vient presque à oublier ce dont ils viennent de discuter. La jeune femme émet un sourire poli avant de regarder ses genoux un instant, à défaut d’apercevoir ses pieds. Est-ce qu’ils en étaient déjà à ce degré d’intimité pour parler de ces choses là plutôt que de banalités ? C’est sans doute les nombreux chats en ligne que la pâtissière a expérimenté l’année passée qui provoque ce genre de questions. Ouais, c’est tout de suite plus simple cachée derrière un écran… Le point positif dans tout ça, c’est que l’homme répond, ne semblant pas avoir pris peur.

« Du petit Billy quand j’avais 4 ans… » Elle se met à rire, ne pouvant s’empêcher de repenser à ce petit garçon de sa classe de maternelle qu’elle n’arrêtait pas de suivre comme un petit chien. « Mais plus sérieusement, j’ai toujours consacré mon temps à la boutique, oubliant parfois de penser d’abord à moi. Il y a bien eu une personne à qui je m’étais attachée, mais ça n’a jamais concrétisé. » Elle ne sait pas pourquoi elle dit ça. Il ne s’était jamais rien passé avec Dorian, si ce n’est quelques sorties entre amis. Elle avait espéré plus, mais sa vie de politicien l’avait rattrapé et la jeune femme s’était senti dépassé par tant d’ampleur. Le métier de chacun avait eu raison d’une possible relation. « Donc on peut dire que non. » Elle hausse les épaules dans un sourire. Elle ne mentionne évidemment pas les conquêtes d’adolescences ou les petits copains durant les études qui n’ont au final eu aucune importance dans la vie de la jeune femme. Ce n’est pas comme s’ils ne se comptaient pas sur les doigts d’une main de toute manière. « Au final, je dois dire que j’aime la solitude, même si parfois, ça manque quand même d’avoir quelqu’un avec qui partager certaines choses, discuter. Rien que regarder la télévision le soir, ou bien manger à deux, c’est quand même plus sympa. » Ou sinon, elle peut opter pour l’option chat, comme on lui a conseillé.

Aimée hoche la tête alors que l’homme parle, pour appuyer ses dires. Elle a bien un colocataire pour sa part, mais pour le peu qu’ils se voient, autant dire qu’elle vit seule. Ils ne se connaissent pas en fait, ayant chacun une partie du logement. Les parents de la pâtissière avaient insisté pour qu’elle sous-loue son logement afin d’avoir quelqu’un pendant sa lutte contre le cancer et ils avaient même pris un médecin (bien que psychologue) mais autant dire qu’ils n’ont jamais pris le temps de vraiment discuter, chacun ayant sa propre vie.

« Le problème des bars, je trouve, c’est qu’on est qu’avec des inconnus. On est entouré, mais on n’en reste pas moins seul. Bon, parfois il y a quand même une âme charitable qui vient nous aborder, sans doute parce qu’elle est aussi seule que nous, mais bon, ça reste rare, je trouve. »

Oui, Aimée avait déjà tenté des sorties comme ça : le parc, le cinéma, les bars, les restaurants. Un peu tout en fait, sauf que le sentiment de solitude était toujours resté au final. La solution serait qu’elle aille vers les gens elle-même au final, mais disons qu’elle a toujours peur de déranger des personnes qui n’ont aucune envie de parler à une inconnue, ce qui est parfaitement compréhensible.

« Après, quand on est super bavard et qu’on va vers les gens, j’imagine que ce problème ne se pose pas. »

Mais elle ne connait pas assez le jeune homme pour savoir si c’est son cas à lui ou s’il est plutôt comme elle. Ils avaient sympathisé plutôt rapidement pour leurs cas, mais les circonstances avaient aidés et ça s’était fait plutôt naturellement au final.

« Oh oui, 10 jours, ça serait parfait ! Ça nous laisserait même le temps de profiter un peu de Vegas au passage. » La demoiselle est enthousiaste. Elle n’a jamais été là-bas et rêve de pouvoir tenter les casinos le temps d’une soirée ou plus. « On est pas obligé de prévoir une date de fin de toute manière. Disons qu’on part et qu’on ne sait pas quand on rentre. » Bon, bien sûr, dans des mesures raisonnables car elle ne pourra pas s’absenter des mois entiers, mais disons qu’il est toujours possible de prolonger de quelques jours quoi. « Faudra peut-être qu’on prévoit de quoi manger et boire non ? » Elle ne connait tellement pas qu’elle préfère demander à l’expert de l’orienter en terme d’organisation. D'un autre côté, avec la chaleur, impossible de trop prévoir...

Aimée hoche la tête vivement, montrant ainsi son accord avec le jeune homme.

« C‘est ce que je me disais justement. » Répond-t-elle dans un sourire quant à la nourriture et à la boisson, avant que le brun lui propose de conduire sa voiture. « Conduire ta voiture ? » Réplique-t-elle d’ailleurs, plus que surprise. Il faut dire qu’il a l’air de tellement la bichonner que jamais elle n’aurait pensé à une telle proposition. « Prête oui… mais t’es sûr que c’est ce que tu veux ? » Elle est habituée à ses voitures plutôt récentes mais avec un peu d’entrainement, elle ne voit pas pourquoi elle ne parviendrait pas à prendre le volant de celle de Sonny. « Au pire, je pourrais toujours tester sur un parking et si tu vois que ma conduite ne te convient pas, tu me vireras gentiment du côté conducteur. » La jeune femme se met à rire. Elle n’a jamais eu d’accident ou quoi que ce soit, mais elle sait ce que c’est que de tenir tellement à quelque chose, qu’on n’a pas forcément envie de le prêter et même s’il propose aujourd’hui, peut-être qu’il sera plus réticent une fois qu’elle sera au volant et au moins, il est au courant qu’il pourra toujours se rétracter ainsi. « N’empêche, ça serait un honneur ! » Reprend-t-elle encore plus enthousiaste. Ils auraient pu prendre sa voiture aussi, mais le charme du voyage n’aurait pas été le même. « Par contre, j’avoue que je conduis rarement plus d’1h30 d’affilé, surtout depuis un certain temps. » Elle fait référence à sa maladie. Même si tout va mieux et qu’elle est en forme, il ne faudrait pas tenter le diable. « Faut qu’on prévoit une playlist aussi ? » Demande-t-elle, maline, alors qu’elle se voit déjà en train de sélectionner tout un tas de chansons parfaites pour l’occasion.

« Boite automatique ? » Tellement surprise, elle répète les paroles de l’homme alors qu’un sourire s’affiche sur son visage. Bon, ce devrait être plus simple que ce qu’elle avait imaginé pour le coup et même qu’avec un peu de chance… « Il y a la direction assistée aussi ? Fais-moi rêver. » Oui, faut pas se moquer parce que direct, quand on parle à la pâtissière de vieille voiture, elle est persuadée que c’est vraiment à l’ancienne. Le pire dans tout ça, c’est qu’elle est dans la voiture depuis un moment maintenant, elle a même vu son compagnon à l’œuvre, mais elle n’avait même pas remarqué qu’il ne passait pas les vitesses… Faut dire que ce n’est pas ce à quoi elle a fait attention en priorité… Mais du coup, elle commence à se sentir un peu idiote.

« Oh oui, sans problème. » Faut dire qu’elle écoute de tout et n’est pas particulièrement difficile de terme de son. Il n’y a que le métal et ce genre de trucs qu’elle préfère éviter parce qu’elle ne voit pas trop l’intérêt d’hurler dans un micro juste pour casser les oreilles des gens. Là, tout de suite, à bord de la voiture, elle aurait bien des envies de country, juste pour aller avec l’occasion, mais voilà que la nuit se fait noir, que les spots qui éclairaient jusque là s’éteignent et les quelques phares de voiture encore allumés également. Et les premières images ne tardent pas à être diffusées. La jeune femme ne peut pas s’empêcher de faire une remarque : « Heureusement qu’on n’est pas venu voir un film d’horreur car l’ambiance aurait de quoi me foutre les jetons. » Pourtant, il n’y a pas vraiment de quoi et d’habitude, elle n’a pas peur du noir. Elle se surprend également à penser qu’en d’autres circonstances, si elle avait été plus proche du conducteur de la voiture, elle se serait sans doute rapprocher pour poser sa tête sur son épaule.

« S’il n’y a que ça… » Elle se met à rire, vraiment heureuse d’entendre qu’elle n’aura aucun souci à conduire la voiture de son acolyte. Pour le coup, ce sera même un véritable plaisir pour elle de se mettre au volant de ce bolide qui fait tant rêver ses yeux. Ne vous avais-je pas dit que la pâtissière a toujours eu un penchant pour les vieilles voitures de collection et les voitures atypiques également ?

Aimée sourit lorsque Sonny lui propose du popcorn. Pour l’instant, elle n’en veut pas et pourtant, il ne faut qu’une dizaine de minutes de film pour qu’elle commence à piocher dans le seau avec envie. Gourmandise, quand tu nous tiens. Heureusement qu’elle n’a pas les mêmes élans à la boutique, avec toutes les tentations. Pendant le film, Aimée ne parle pas. Elle préfère respecter son partenaire et se mettre à fond elle-même dans Thelma & Louise. Elle sait à quel point certaines personnes n’aiment pas qu’on blablate pendant un film…

Néanmoins, dès que les projecteurs se rallument, il n’en faut pas plus pour que la jeune femme retrouve son engouement. « Je comprends mieux pourquoi t’aime ce film. Je suis sûr que la première fois, tu as voulu le voir rien que pour la voiture. » Elle se met à rire avant d’ajouter : « J’espère que notre voyage à nous sera moins rock’n’roll quand même. » Encore là, elle se met à rire. Elle ne voudrait pas avoir à faire aux policiers sur la route par exemple, ni avoir une arme entre les mains. « Quoi que… Tirer dans la radio d’une voiture de police, ça pourrait être un petit kiff. » Bien entendu, elle n’en pense rien. C’est plus le démon en elle qui parle, parce que jamais elle ne serait capable d’une telle chose, principalement car elle aurait trop peur des conséquences de ses actes. « Même si c’est pas moi qui prendrait un tel risque… »

Aimée rit dans un hochement de tête en signe de son approbation.

« Non, aucun souci ! » Dit-elle pour répondre à son partenaire. Elle n’aime pas la foule de toute façon. Elle n’a jamais aimé ça. D’ailleurs, enfant, elle faisait des crises de panique lorsqu’elle était prise au dépourvu face à un attroupement de gens soudain. Plus âgée, elle s’était rendue compte que si elle se préparait mentalement, comme pour un concert par exemple, ça allait beaucoup mieux et elle arrivait à gérer. « On dirait qu’ils sont plus pressés de rentrer se coucher les uns que les autres. C’est quand même dingue, ils ne sont pas à cinq minutes près pour rejoindre Morphée. » Elle glisse un petit rire. Après tout, certains vont sans doute à une soirée, mais dans tous les cas, rien ne justifie de s’acharner à vouloir partir rapidement d’ici. « En tout cas, j’ai vraiment passé une agréable soirée. J’apprécie beaucoup ta compagnie. » Aimée sourit. Elle est timide sur bien des points mais là, c’était sorti assez naturellement dans le fond. Elle est désormais certaine de vouloir participer à ce road trip.

Derrière eux, des klaxons se font entendre, ainsi que des insultes. C’est vraiment du grand n’importe quoi et forcément, Aimée jette son regard vers l’arrière de la voiture où le conducteur d’un pick-up a ouvert la fenêtre pour mieux se faire entendre de celui qui est devant lui. Ohlala… Heureusement qu’ils n’ont pas bougé de leur place… Le conducteur du pick-up sort bientôt de sa voiture, semblant très remonté, pour aller vers celle devant lui. « S’il y a une bagarre, on est pas sorti de l’auberge… »